Contribution de Yakurou |
⇝ Introduction :
Récit de Gaubert
Des coups répétés à la porte résonnent dans l’hôpital silencieux.
Sagal, tout en se dirigeant vers la porte pour accueillir les nouveau arrivants, explique à demi-mot à Béatrix que nous sommes du même genre que sa mère, des Mages.
Vous êtes comme elle, Sagal. Je ne le suis pas… Je ne le suis plus.
La porte s’ouvre finalement, et un homme en armure entouré de ses hommes se tient à la porte de l’hôpital, cherchant après Béatrix. Il n’en faut pas plus pour convaincre la jeune femme que nous ne sommes pas ses ennemis ici, et nous la suivons vers l’arrière du bâtiment.
Alors que nous nous dirigeons vers l’aile des lépreux, j’entend Sagal gagner du temps en réprimandant sèchement le chevalier, lui intimant le silence pour ne pas troubler le repos des malades…
L’aile des lépreux est faiblement éclairée par quelques braséros, permettant à peine de chasser l’humidité inévitable si proche de la Garonne. C’est vers un de ces feux que la jeune femme se dirige, empruntant un couloir sans issue. Ne voulant rien laisser paraître, je laisse Baruch passer à sa suite, puis prends quelques secondes pour me calmer.
Les flammes… le feu… Leur vision me rassurait jadis… Et elle m’effraie maintenant…
Contrôlant ma peur, je passe en vitesse à côté de ce braséro et rejoins un passage dévoilé derrière une armoire ouverte, où se sont glissés Baruch et Béatrix. De l’air frais me provient de l’extérieur, ainsi que des voix. Des voix menaçantes. Je me précipite pour les rejoindre, mais c’est une torche humaine créée par Baruch qui me coupe dans mon élan.
Ils sont trois, un homme bedonnant dont la damnation ne fait aucun doute, un deuxième menaçant Béatrix d’une lame sous la gorge, et le troisième qui semblait retenir Baruch, mais qui est désormais enflammé et essaye tant bien que mal d’éteindre les flammes qui le dévorent.
Le Damné, Jervais, reconnait là l’utilisation de magie et ordonne à son sous-fifre encore indemne de tuer Baruch. Avant qu’il n’en ait le temps, le mage fait disparaître les os des jambes de son nouvel assaillant, qui s’écroule au sol.
Je profite de la confusion pour me ruer sur Jervais, et le saisir à la gorge, utilisant mes nouveaux pouvoirs pour rendre ma main brûlante.
Jervais tente de se dégager de ma prise, mais il se débat en vain. Il se décide alors à se transformer en gelée liquide, le rendant impalpable. Avant, j’aurais sûrement pu le retransformer… Mais aujourd’hui, cette nuit, je suis impuissant, réduit à essayer de continuer de le frapper…
Alors que Sagal nous rejoint, et envoie l’homme au sol se noyer dans la Garonne d’une grande bourrasque magique, Baruch à une bien meilleure idée que moi et enferme la gelée de Jervais dans la pierre, lui empêchant tout mouvement, tout en prenant soin de laisser des interstices pour que la lumière du jour vienne le détruire une fois l’aube levée.
Laissant le Damné à cette mort certaine, nous nous dirigeons vers ma planque. Je laisse mes compagnons en route afin d’aller trouver une de mes connaissance – un Nosferatu dénommé Innocent – pour obtenir des informations sur la localisation de Sybille, et je reviens quelques heures plus tard avec une réponse : la soeur de Béatrix, désormais devenue une goule d’ Esclarmonde a été emmenée de force à la Basilique Saint Sernin.
C’est là-bas que nous nous rendons, laissant Béatrix à l’abri dans ma planque.
D’ordinaire, le couvre feu aurait rendu nos déplacements suspects. Mais ce soir, en raison de l’incendie qui frappe la ville, les rues sont pleines, agitées. Nos déplacements jusqu’à la Basilique ne s’en trouvent perturbés qu’une fois arrivés à ses pieds, ou des gardes empêchent les nécessiteux de rentrer pour y trouver leur habituel refuge. Ce soir, l’incendie avait en effet rassemblé les croyants pour une messe spéciale. Agenouillé devant une porte dérobé afin d’en ouvrir l’accès, j’entends Baruch psalmodier un sort pour nous rendre invisibles aux yeux des occupants des lieux.
Une fois à l’intérieur du cloître désert, alors que Sagal s’emploie à détecter des traces de magie dans les différentes pièces du pourtour du jardin, je me rapproche du puits. J’ai fait l’intime expérience du goût des Damnés pour les souterrains, à l’abri de la lumière du jour. Peut-être ce puit est-il un passage?
Baruch décide de s’en assurer en questionnant l’eau, lui demandant si des gens passaient souvent par elle. Elle répond que non, mais lui explique, en des termes imagés, qu’elle peuple non seulement ce puits, mais également une pièce souterraine.
Se transformant en poisson, Baruch se jette dans le puits, à la recherche de cette pièce. Après avoir attendu quelques minutes avec Sagal, sans nouvelles de notre ami, nous rentrons nous aussi dans le puits.
Quelques minutes de nage plus tard – respirer sous l’eau ne m’est désormais plus un problème, et Sagal possède une bonne condition physique – nous découvrons une vaste pièce. Trouvant ce qui ressemble à une berge, nous émergeons de cette eau sombre et glacée.
Non pas que le froid me gène, mais on est toujours mieux les pieds sur terre. J’essaye de comprendre où nous nous trouvons, et j’avance vers une petite pièce faiblement éclairée.
Sybille s’y trouve, enchaînée. Ainsi que Tres.
Je crie ma colère, et me défait aisément du premier sort que le mage me lance, pour tenter de m’immobiliser. Sagal, juste derrière moi, saisit cette occasion pour cribler de roches effilées celui qui tua sa sœur de Sept, vingt ans plus tôt. Avec rage elle l’immobilise, le plaque au mur par une violente tempête.
Me précipitant sur Tres afin de le frapper de mes poings, je remarque Baruch, à l’autre bout du couloir, en train d’incanter. Mais je me concentre sur mon ennemi, qui ne tarde pas à s’endormir des suites du sort de Baruch.
Je profite de ce moment pour le laisser choir au sol, et observer les lieux.
Sagal est déjà penchée sur Sybille, soignant ses plaies comme elle sait si bien le faire.
Je remarque alors des jarres remplies de sang. Je sais l’attrait qu’ont les Tremere pour ce liquide, et pour rien au monde je ne leur laisserait. Je m’en saisis pour les vider dans l’eau, alors que Baruch fouille Tres, trouvant les clefs des chaînes de Sybille.
Une fois revenu auprès d’eux, il reste encore une tâche : Tres ne peux rester en vie. Je me résoud donc à m’en occuper. Après avoir demandé à Sagal et Baruch de sortir, je m’approche du corps inanimé du Mage.
J’ai mis du temps à m’y habituer. Du temps avant d’accepter que c’est ainsi que je dois me nourrir maintenant. Il m’a fallu plus d’un an avant de ne plus avoir la nausée après chaque repas.
Mais c’est la première fois que je ressens du plaisir. Voir cet homme qui a détruit mon ancienne Alliance, qui a provoqué tant de morts parmi mes amis… le voir ainsi, sans défense, me rend heureux.
Je secoue la tête.
Non. Ce n’est pas normal. Ce que je suis n’est pas normal. Tout va changer… je vais trouver une solution.
La nuit m’a beaucoup coûté, alors il faut que je me nourrisse. Ouvrant la bouche, et laissant la Bête en moi prendre le dessus quelques instants, je plante mes canines dans le coup de Tres, et le vide entièrement de son sang.
La nuit finit bientôt. Accompagné de Sybille et de Sagal, nous rentrons en vitesse à la planque pour y passer la journée.
Baruch reste en arrière, et interroge le corps sans vie de Tres. D’abord sur les reliques présentes dans la Basilique, puis sur les raisons de sa trahison des Mages.
“Je n’ai pas trahi les Mages. J’ai choisi un chemin que peu empruntent. Les créatures de la nuit peuvent être de puissants alliés…”
Malgré la mise en sécurité de ses deux filles, Dame Constance refusera de se laisser libérer, acceptant ainsi de rejoindre le paradis auquel elle aspirait. Alors qu’on venait à peine d’éteindre l’incendie qui avait brûlé la moitié de la ville, son bûcher sera érigé, et la Mage Jerbiton sera une victime de plus de l’Inquisition.
Une alliance de Mages sera créée à Toulouse, dont Sagal et Baruch deviendront les premiers membres, en lien étroit avec Béatrix et Sybille. Cette dernière sera étreinte quelques temps plus tard par Esclarmonde pour devenir l’une des deux Roses de France.
Quant à moi, ma recherche n’est pas encore terminée. Il existe un moyen, je le sais. La Golconde est proche, je la trouverais.
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