Campaign of the Month: December 2021

Le Sang versé d'Occitanie

Audiences & Doléances
Vda :: Récit 1.7, Printemps 1226

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Contribution de Breloque
⇝ Introduction : Le Fanatique b_fanatique.png

Printemps de l’an de grâce 1226

L’abbé Miquel apprends à la coterie qu’un ermite se trouvant dans les Pyrénées aurait un grand pouvoir de guérison sur les possédés. Plusieurs témoins parlent de miracles et cela donne bon espoir aux damnés.

En effet, les vampires espèrent libérer Estelle de son fardeau et entreprennent un voyage dans les montagnes afin de rencontre ce mystérieux guérisseur. La coterie et la goule d’Adhémar s’assurent la compagnie d’une solide escorte de soldats vétérans. Après tout, les campagnes environnantes sont le royaume de ces abjectes et féroces créatures que sont les loups-garous.

Heureusement, le groupe ne fait aucune mauvaise rencontre en chemin.

En approchant du but, les damnés ne peuvent s’empêcher de ressentir une étrange sérénité, un bien-être intérieur. La nuit est douce, et une légère brume nimbe les lieux d’une certaine féerie. Des torchères allumées les guident jusqu’à un dolmen, leur destination.

Un vieil homme s’y trouve. Son visage buriné est couvert de symboles réalisés avec un pigment bleuté. Son corps est emmitouflé dans une grande cape bleu nuit. Il semble au fait de la nature des vampires. Après quelques échanges, il accepte de les aider.

Estelle, assistée par son maître, s’avance. Après une incantation, la brume s’épaissit autour d’elle.
Quelques secondes après, l’ermite est pris de convulsions. Le cou tendu, une voix rauque qui n’est plus la sienne sort de ses lèvres :

« Dans la demeure de bois naîtra le fils d’un citoyen éternel, d’une interdite en fuite, du roi de l’autre pays. Au dernier jour reviendra l’imbaptisé, l’abandonné, le retrouvé. Dans le feu, il défendra son héritage, que tous puissent le connaître. »

Sebastian redresse l’homme qui s’est effondré après avoir prononcé cet augure inattendu.

Les damnés interprètent les paroles de l’ermite : le citoyen éternel est une référence assez directe au « parfait », le bon homme cathare qui vit une vie sans défaut dans le purgatoire de l’existence humaine. L’interdite en fuite, c’est une personne qui ne peut pas accéder au paradis, coincée dans le monde matériel. Le roi de l’autre pays, c’est le nom que donnent les cathares à Dieu. Et la référence au feu rappelle aux damnés le funeste bûcher d’Alvaro. Le dernier jour pourrait être une citation de l’Apocalypse et l’imbaptisé, l’antéchrist… De bien mauvaises nouvelles. Sophia émet l’hypothèse que la demeure de bois pourrait être un cercueil.

L’ermite dit avoir eu un malaise après avoir défait l’emprise du malin sur Estelle. Cette dernière ne ressent pourtant rien de particulier. En guise de salaire, il demande qu’un don soit fait à l’abbaye de Fontfroide, une congrégation de moines installée récemment.

De retour à Béziers, dans les mois qui suivent, Estelle se montre de plus en plus dévote et se convertit au catharisme.

Les semaines passent.

Wolfram von Glattfurt, un damné du clan Malkavian au service de Stephano, demande audience auprès de Sebastian. Il est accueilli dans la nouvelle salle du conseil de l’Elysium de Béziers, abritée dans le château au centre de la cité. Sebastian y a fait installer une grande table triangulaire, et il est assisté de Sophia et Adhémar pour le recevoir.

L’invité offre un présent à Sebastian : une cassette contenant différents objets. Une copie du nouveau testament en latin, qui vient directement de la bibliothèque du Vatican. Une très belle Lyre faite par un artisan vénitien, une véritable œuvre d’art. Une magnifique dague byzantine, probablement volée à la famille royale lors du sac de Constantinople. Des présents choisis avec soin pour chaque membre du Conseil.

Il souhaite revenir sur les évènements qui ont vu la naissance de la créature des ténèbres. Il cherche à se renseigner sur elle pour pouvoir lutter contre elle selon ses dires. Selon lui, cette monstruosité n’était pas le fruit de la maîtrise des ombres des Lasombra, mais bien un rejeton infernal. Les derniers mots d’Alvaro sont évoqués… Et selon le Malkavian, le « Passeur », n’est autre que Martin, la goule d’Alvaro. Après quelques échanges salés avec Sophia et un rappel des règles de l’Elysium, le damné prends congé.

Mais le lendemain, une nouvelle audience est demandée par Wolfram. Il veut interroger Estelle et la brûler. Selon lui, l’Interfector Intenebris a touché l’âme de cette servante. Et le feu permettrait d’en apprendre plus.

Sa demande est rejetée.

Dans une tentative d’apaisement, Estelle est appelée pendant la séance et réponds aux questions de Wolfram. Pendant les échanges, les damnés notent que d’autres personnes ont pu dormir à la Curie Ecarlate et être touché par la chose des ténèbres. Le lendemain, des sœurs du couvent attestent qu’Estelle ne porte aucun stigmate sur son corps.

Quelques mois plus tard, à la mi-Septembre, les damnés sentent un appel impérieux monter en eux : ils sont convoqués par Esclarmonde, en la ville de Carcassone.

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Le Fanatique
Vda :: Introduction (Récit 1.7), juin 1226

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Béziers, 21 juin 1226.

Les bois autour de Béziers n’étaient jamais très sûrs. Des marauds s’en prenaient aux caravanes des marchands ou de l’Eglise, fondant sur leur escorte, les délestant de leurs biens, pillant leurs trésors, et il se disait qu’une guilde de voleurs était à l’œuvre.

Mais un autre danger s’était manifesté depuis quelques mois, qui terrorisait bien plus les fermiers du coin : le fanatique de Dieu. Celui-ci s’en prenait à des cathares, lorsque ces derniers s’aventuraient trop loin des villes et des villages. La rumeur disait que lorsque venait la nuit, elle repartait avec son butin, et au petit matin, on retrouvait le corps calciné du malheureux, brûlé sur un bûcher comme au temps de Simon de Montfort.

Pourtant, Wolfram von Glattfurt n’était pas un fanatique de Dieu. Sans doute Damné, comme d’autres, mort et vivant, il s’était vu refuser de rejoindre le Paradis, le purgatoire ou mêmes les enfers. Il avait été oublié de Dieu, et Dieu ne l’intéressait plus. Ce qui l’intéressait, en revanche, c’était le démon. Celui qui avait pris corps à Béziers en 1209 devant Eon de l’Etoile lorsque Alvaro avait commencé à brûler. Ce démon représentait un pouvoir terrifiant et admirable, et Wolfram avait compris que ce mystère serait celui qui guiderait sa non-vie pour les décennies à venir.

La femme gigottait faiblement devant lui. Avant de la monter sur le bûcher, il l’avait saignée. Cela l’avait rendue plus docile, plus vulnérable, plus malléable, et à présent que les flammes commençaient à danser sous elle, la victime s’éveillait. De plus en plus vive, elle tentait de se dégager, de crier malgré le bâillon, mais rien n’y faisait, les liens étaient trop serrés pour ses maigres forces.

Wolfram attendait, curieux, prenant des notes sur un parchemin. Il regardait sans passion les flammes dévorer sa victime, et notait les effets du feu sur elle. Mais lorsque le corps fut entièrement consommé par le feu, il conclut son parchemin. Encore un sacrifice inutile.

Quel était le secret d’Alvaro ? Comment le démon avait pu prendre pied dans le monde des vivants ? Les Damnés de Béziers avaient-ils la réponse, eux qui avaient côtoyé le seigneur des ombres ? Et cette servante qui leur appartenait, était-elle un lien vers les mondes infernaux ? Serait-elle son prochain sujet d’expérience ?

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L'Accident
Ars Magica :: Récit 2.9, Hiver 1205

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Contribution de Kapryss
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Journal d’ Astrid

Je suis si heureuse ! Enfin, enfin mon rêve se réalise et je me trouve en compagnie de fées, elles sont si belles ! Elles ressemblent aux humains, mais sont plus pâles, plus fines, leurs yeux sont plus grands que les nôtres. Et elles semblent amoureuses des arts de toutes natures. Au moment où j’écris, nous sommes installés dans le logement que la reine Eliora a fait préparer pour nous. Dehors, on entend leurs chants qui résonnent dans tout le village, c’est un véritable ravissement.

Elles n’ont de cesse que de nous poser des milliers de questions sur notre monde : est-ce qu’il a changé depuis 600 ans ? Pourquoi les humains sont-ils si petits et laids ? D’où viennent les vêtements étranges que l’on porte ? Cette multitude de questions est posée avec tant de bienveillance et de respect que nous nous appliquons à répondre patiemment à chacune, même les plus désarmantes.

Tout à l’heure, les fées nous ont demandé de chanter avec elles. Gaubert m’a surprise, il chante si bien qu’elles étaient ravies et ne veulent désormais plus le lâcher d’une semelle. Jeanne a tenté de l’imiter, mais ce fut une catastrophe, les fées se sont enfuies en se bouchant les oreilles. Pauvre Jeanne… Quand à moi, je tâchai de faire bonne figure, mais face à leurs voix merveilleuses, je ne pouvais évidemment pas rivaliser. Elles m’ont encouragé, me disant que je ne pouvais que progresser. Elles sont tellement gentilles !

La nuit est tombée, et le ciel des fées n’est pas noir comme le nôtre. Il est d’un bleu profond, sublime, et les quelques nuages épars l’illuminent de couleurs et de nuances. C’est incroyable. Je tâche de graver chaque détail dans ma mémoire, pour tout raconter à maman lorsque nous repartirons dans notre monde.

Jeanne a bien tenté de localiser l’aura du livre que l’on recherche, mais les flux magiques des fées sont si présents, c’est un tel fouillis, qu’elle n’y est pas parvenu. Elle est toujours inquiète, elle pense encore à ce que le satyre disait sur ce peuple. Moi je pense qu’ils ne sont pas dangereux, j’espère qu’elle parviendra à leur faire confiance elle aussi, peut-être après avoir passé une bonne nuit de sommeil. Elle et Gaubert se sont déjà endormis, il est temps que je fasse de même.


Je parviens à peine à écrire tant mes yeux sont brouillés de larmes.

Cette journée avait pourtant merveilleusement commencé, le réveil avait été très doux et un ciel teinté d’une belle palette de rouges et d’oranges chaleureux nous avait accueillis au sortir du logement. Les fées nous ont offert de quoi nous sustenter, des fruits frais aux goûts étonnants, sucrés, acidulés parfois – Gaubert trouva évidemment à se plaindre de l’absence de gibier.

Après quoi, il avait décidé de mettre en action le plan qu’il avait peaufiné la veille au soir. Après avoir rassemblé autour de lui un public conséquent de fées de toutes tailles, il débuta un récit incroyablement prenant et crédible narrant l’histoire d’un vieux manuscrit maudit qui rendait malade quiconque l’approchait, et aurait été perdu dans le monde des fées depuis plusieurs siècles. Il voulait de cette façon pousser le public à réagir, peut-être à parler du livre que nous recherchons. Voulant bien faire, je tentai de lire dans l’esprit d’une des fées du public si le récit prenait.

Ce qui suivit fut un véritable désastre que je ne m’explique toujours pas. Non seulement je ne pus percevoir quoi que ce soit, mais pire encore, ma magie blessa la fée, qui prit sa tête entre ses mains et hurla de douleur. Choquée, je stoppai immédiatement mon sort, mais il était trop tard et le mal était fait. La douce créature s’écroula inconsciente, recroquevillée sur le sol.

Je perdis toute faculté à réfléchir tant le choc fut rude. Les larmes jaillirent de mes yeux sans que je ne puisse les retenir. J’avais blessé une fée, peut-être causé sa mort… Mon seul réflexe fut d’appeler Jeanne à l’aide afin qu’elle tente de soigner la pauvre fée. Je ne vis point ce qui se passa ensuite, car je fus conduite à l’écart par trois petites fées soucieuses de comprendre ce qui m’attristait tant.

Alors je confiais à ces fées que j’étais responsable de ce qui arrivait à leur amie. Qu’il s’agissait d’un accident, et que j’étais sincèrement désolée. L’une d’elle, dénommée Guye, m’indiqua qu’elle allait prévenir la reine de ce qui était arrivé à Valeis.

C’est le nom de la fée que j’ai peut-être tué. Valeis.

Je fus reconduite auprès de Gaubert et ressentis le besoin de me cacher dans ses bras, chose bien inhabituelle. Il dut sentir l’intensité de ma peine, car il me serra contre lui maladroitement quelques instants.
Valeis avait été portée chez elle, le sort de Jeanne n’ayant réussi à la ramener consciente. Les fées autour de nous se dispersaient déjà, et des chuchotements nous parvenaient au milieu des chants du village.

« Est-ce que c’est la malédiction du livre qui a blessé Valéis ? »
« Est-ce que c’est la faute des trois étrangers ? »

Mon inquiétude et ma peine sont immenses. J’appréhende la colère de la reine, mais ce serait une colère légitime. Je suis impardonnable. Et je ne me pardonnerai jamais.



Au moment ou Astrid couche ces mots à l’encre sur son journal, Jeanne est ailleurs. Ayant entendu l’existence de fées savantes dans le village, elle s’est mise en quête de l’une d’elles, et a été conduite par une myriade de fées gazouillantes auprès d’un dénommé Valo, qui lui a été décrit comme le plus ennuyeux de tous.

Il fallut à la jeune mage beaucoup de patience afin que l’homme fée, hautain et méfiant, ne daigne la considérer comme une savante digne de trouver auprès de lui des réponses. Elle dut user de charme et d’éloquence ainsi que de subtilité afin d’amener discrètement le livre dans la conversation. Il lui confirma le récit selon lequel il y a plusieurs siècles, des humains étaient venus déposer une offrande contenant un livre à l’attention des fées. Jeanne manifesta son intérêt à voir le livre, la réaction de Valo fut des plus déconcertantes.

« Jeune fille, connaissez-vous le Papago ? »

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Doté de plumes, mais aussi de poils, le bec trop long et plat, les ailes trop courtes pour voler, incapable de voir en relief du fait qu’il ne soit affublé que d’un unique œil. Voilà comment Valo décrivit cet étrange animal. Unique, mais bien inutile donc, et de fait oublié de tous, plus recherché par personne.

Comme le fameux livre, d’après lui. Unique certes, mais bien inutile – Valo n’en pouvait comprendre le sens, il le jugeait tout juste bon à servir de décoration – alors pourquoi le rechercher ? Surtout, ajouta-t-il, au vu de la faible espérance de vie d’un humain, pourquoi perdre son temps à cette quête ?

Jeanne ne démordit pas et fit preuve de ténacité, si bien qu’il finit par céder. Le livre, raconta-t-il, était dans le palais, dans la salle du trésor de la reine, et il accepta d’intercéder auprès d’elle pour qu’elle accepte de laisser Jeanne le voir.

Valo ajouta qu’il serait ravi de rencontrer les amis étrangers de Jeanne le soir venu, et tous deux quittèrent les lieux en direction du palais.



Comme il fallait s’y attendre, deux fées de grande taille – des gardes, sans doute – sont rapidement venues nous trouver et nous escorter vers le palais sur ordre de la reine Eliora.

Je n’ai pas le cœur à décrire la magnificence de la salle du trône où nous fûmes conduits, Gaubert et moi. La reine était bien évidemment en colère et me fit de telles remontrances que je pleurai à nouveau. Gaubert tenta de prendre ma défense, assurant qu’il s’agissait d’un accident, et que Jeanne saurait très certainement y remédier maintenant que la cause avait été identifiée. Mais la reine ne voulut rien entendre, nous défendant fermement d’approcher Valeis.

J’eus l’impression qu’à mesure que Gaubert insistait, la reine prenait des décisions de plus en plus radicales. Elle décida de mettre fin aux festivités, de nous bannir du village. Puis finalement, de nous interdire à jamais l’accès au monde des fées.

Mon cœur se brisa en deux.
Non seulement j’avais brisé la confiance que les fées pouvaient accorder aux humains, et même si c’est d’importance moindre, j’avais également réduit à néant notre possibilité d’accomplir la quête qui nous aurait permis, à mes compagnons et moi, d’accéder au statut de mages accomplis. Tous mes rêves s’écroulaient à mes pieds sans que je ne puisse rien y faire pour rattraper mes erreurs.

Hagarde, je sentis une présence puis un contact : le prince Jahah s’était approché de moi pour me serrer dans ses bras, moins maladroitement que Gaubert il faut bien avouer. Je m’abaissai à sa hauteur et l’enlaçais en retour, m’accrochant à corps perdu à cette ancre inespérée, à ce soutien qui me parut bien frêle au milieu du tumulte de mes pensées. Et j’entendis son chuchotement, à mon oreille.

« Moi, je te crois. Quand tu dis que c’était un accident, je te crois, parce que je peux sentir ton cœur. Si tu pars, je viendrai avec toi. »

Il ne me laissa pas le loisir de répondre, retournant auprès de sa mère. Et de toute façon, nous fûmes raccompagnés dehors aussi sec par les deux grandes fées afin d’aller préparer nos bagages pour repartir.
Nous avons croisé Jeanne en sortant du palais, accompagné d’un homme fée nommé Valo. Elle nous a dit qu’elle allait demander l’accès au livre. Gaubert lui a expliqué la situation, je me suis assise la tête entre les mains pour tenter de reprendre mes esprits. Nous sommes retournés dans le logement, il faut que je prépare mes affaires. Je suis tellement triste. Tout va bien se passer, me dit Nïm. Pour la première fois depuis bien des années, je ne suis pas sûre de le croire.



L’ambiance dans la salle du trône était bien évidemment tendue lorsque Valo entra suivi de Jeanne. Derrière un grand pylône décoré d’or, elle put apercevoir l’homme-corbeau gardien du grand chêne par lequel ils étaient arrivés lui lancer un regard torve avant de s’éclipser dans l’ombre.
Valo fit sa requête à la reine, qui rétorqua que le moment était mal choisi. Jeanne eut beau arguer qu’elle n’était même pas au fait de l’accident, la reine l’ignora somptueusement, et il fallut la patience et les arguments soigneusement choisis du savant afin qu’enfin elle ne cède.

La salle du trésor était de taille respectable, gardée par deux grandes fées. En son sein, pêle-mêle, étaient entreposées des bibelots précieux, des écus frappés d’un sceau très ancien en langue arabe, des tapis… tout un tas de richesses qui auraient rendu n’importe quel humain plus riche que le plus riche des rois prenaient ici la poussière comme de simples objets de décoration.

Valo sortit de ce fouillis un grand manuscrit relié de cuir sombre et le tendit à Jeanne. Elle y découvrit un texte en latin, qu’elle tenta de déchiffrer avec peine. Elle ne parvint qu’à comprendre le sens général du texte : cela concernait un signe rouge, lié à la lune, et qui accompagnerait le temps des révélations. Le manuscrit mentionnait un rituel permettant aux « maudits » (elle ne put trouver de meilleure traduction au terme latin employé) de combattre le soleil en invoquant des entités supérieures par le biais du sang. Jeanne fit la moue : ses connaissances occultes étaient trop ténues pour comprendre, il lui aurait fallu les compétences d’Astrid pour bien faire. Lorsqu’elle fit part de cette remarque à Valo, il lui affirma que jamais la reine ne permettrait à Astrid d’accéder au manuscrit. Et Jeanne eut beau tenter la franchise, mentionnant même leur rencontre avec le satyre pour faire montre de bonne volonté, rien n’y fit. Elle ressortit penaude pour rejoindre ses compagnons prêts à partir.



C’est l’heure. Nous sommes retournés au palais dire adieu à la reine. Je lui ai donné une fleur magique que j’ai créé pour qu’elle l’offre à Valeis lorsqu’elle guérira, en guise d’excuse, même si je suis impardonnable. Elle a simplement répondu « si elle guérit… ».
Jeanne a encore demandé à aller soigner la blessée, la reine a de nouveau fermement refusé. Gaubert a arrêté d’essayer d’argumenter, il est résigné, tout comme je le suis.

Je suis seule devant le palais à présent, je tremble comme une feuille. Gaubert et Jeanne sont partis faire quelque chose, je ne sais pas quoi, ils n’ont pas voulu me dire, ils m’ont dit d’attendre là.
Jahah n’est pas venu, je l’ai cherché du regard mais il est introuvable. C’est mieux comme cela, il doit rester auprès de sa mère, dans son village, entouré de ce peuple merveilleux. Mon monde n’est pas fait pour lui, il est bien trop rude et froid. Ici, il est bien. Ici, c’est si doux, si merveilleux… voilà que je pleure encore.


Elle est morte. Valeis est morte. Je l’ai vue, j’ai vu son fantôme à la fenêtre, elle me regardait. Je n’ai pas bien vu son visage car elle était loin, mais je le sais. Elle me hait. Et moi aussi, je me hais.
Nous arrivons en vue du grand chêne. Jeanne et Gaubert se chuchotent des choses. Je m’en fiche. Je ne veux même pas savoir ce qu’ils se disent. J’ai tué une fée. Je suis impardonnable.



Gaubert et Jeanne sont terriblement inquiets. Astrid, habituellement si joyeuse et enthousiaste, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Sombre, elle marche comme un automate, sans sourire…

Alors Gaubert ne tient plus. Il souffre de voir son amie ainsi, et décide, avec l’appui de Jeanne, de lui envoyer mentalement le souvenir de ce qu’ils sont allés accomplir un peu plus tôt lorsqu’ils lui ont demandé d’attendre. Astrid se fige, à l’instant où les images défilent dans son esprit : Gaubert usant de son sourire pour convaincre les fées de les mener à Valeis sur ordre de la reine Eliora. L’intérieur de la maisonnette, petite et chaleureuse, de la pauvre fée toujours inconsciente, veillée par une amie fée soucieuse. Les doigts de Jeanne qui s’illuminent à mesure qu’elle tisse le contre-sort. Et la belle Valeis qui s’éveille, sans souvenirs de l’incident, éprouvée mais saine et sauve.

Alors qu’Astrid reste immobile à tenter de faire le tri de ses souvenirs et de ceux, contradictoires, placés dans sa tête par Gaubert, un jeune garçon surgit d’un fourré et file comme une flèche se fourrer dans les bras de la jeune mage troublée. Jahah – car c’est bien lui – insiste auprès des trois compagnons pour partir avec eux dans le monde des hommes. Jeanne et Gaubert mettent peu de temps à accepter, mais Astrid est davantage sur la réserve.



Qu’aurait dit ma maman si je m’étais enfuie, lorsque j’étais petite ? Elle aurait sans doute été dévastée. Et la reine Eliora le sera aussi car j’ai d’abord refusé que Jahah nous suive, et puis finalement, face à leur insistance à tous j’ai laissé faire. Je n’avais pas la force de me battre contre eux.

Une pensée méchante a traversé mon esprit. Je me suis dit : elle a brisé mes rêves et volé mon bonheur. Alors je vais voler le sien. J’ai regretté aussitôt cette pensée.

Il restait un problème afin de repartir dans notre monde. Le satyre et la tortue nous attendaient sans doute dans la grotte, espérant le butin que nous leur avions promis. Alors j’eus une idée, celle d’utiliser Jahah afin qu’il aille subtiliser quelques pièces et objets de valeur ainsi que le fameux livre dans le trésor de sa mère, afin que nous payions nos passeurs. Utiliser l’enfant… cette idée aussi, je l’ai regrettée aussitôt. Qu’est-ce qui m’arrive ?



Nul ne broncha à la proposition d’Astrid : cette tentative désespérée de récupérer le livre était sans doute leur dernière possibilité avant de devoir quitter ce monde.
A la grande surprise des trois mages, Jahah se métamorphosa alors sous leurs yeux en un jeune homme fée d’une vingtaine d’années, qui leur adressa un clin d’œil avant de disparaître à une vitesse surnaturelle. Il reparut peu de temps après, chargé d’un sac de cuir contenant une certaine quantité d’écus Maures ainsi que le livre relié de cuir. Comme elle l’avait déjà fait auparavant sur le manuscrit qui les avait guidés ici, la jeune Merinita rendit le livre invisible pour les yeux, afin qu’il ne tombe pas entre de mauvaises mains.

Le petit groupe se mit en marche vers la grotte, et sans surprise fut accueilli par le satyre et sa comparse à carapace. Souhaitant conserver les richesses dérobées aux fées, Gaubert tenta le bluff, déclarant qu’ils avaient échoué à récupérer quoi que ce soit. Le satyre mordit à l’hameçon, et menaça le mage de le laisser retrouver seul le chemin vers son monde. Jeanne et Gaubert ne cédèrent point, arguant qu’ils pouvaient bien se repérer seuls. Il n’en était rien, et Astrid le savait bien, elle subtilisa donc dans l’esprit du satyre l’itinéraire à suivre dans les grottes pour retrouver le lac. Finalement, c’est colériques et bredouilles que la tortue et le satyre quittèrent les lieux, pensant vouer les étrangers à s’égarer.

L’itinéraire n’était pas simple, et il fallut de longues minutes et les indications précises d’Astrid pour que les mages et leur nouveau compagnon de route ne retrouvent finalement le bord du lac, passage entre les mondes. Le courant y était fort et n’était pas favorable, la nage n’était pas à envisager. C’est en vaporisant toute l’étendue d’eau qu’Astrid parvint à résoudre le problème, rendant par la même occasion inoffensif le Gardien céphalopode.

L’ascension vers la surface se fit sans encombres supplémentaires. Et finalement, le groupe retrouva l’air glacial de l’hiver et le ciel noir de la nuit du monde des humains.



Mahadi nous attendait. Nous aurions du nous en douter, il était là à nous attendre, et il n’était pas seul.
Ce fut Gaubert qui les repéra le premier, alors qu’il était occupé à tenter de réchauffer le pauvre Jahah, pas préparé à la rudesse de notre hiver. En réaction immédiate, une boule de feu surgit des mains de notre compagnon et alla frapper les ennemis de plein fouet. La riposte fut rapide, Mahadi se jeta sur lui avec l’intention ferme de le tuer.
Tout alla très vite, chacun de nous concentra sa magie à vaincre Mahadi, et nous parvînmes à l’immobiliser totalement et à faire fuir ses sbires. Nous prîmes la fuite à notre tour afin de rejoindre une auberge où nous sommes à présent en sécurité – du moins nous l’espérons. Jeanne a pu soigner les blessures de Gaubert, ce bougre de Maure l’aurait sans doute tué s’il n’était pas aussi résistant.

Je m’apprête à présent à déchiffrer le livre. Mes connaissances en latin sont bonnes, cela ne devrait donc pas être trop difficile, d’autant que Gaubert va essayer d’augmenter mes facultés mentales par magie. Nïm me chuchote que tout va bien se passer.

Après tout, il ne peut plus rien m’arriver de pire, n’est-ce pas ?

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Le Danger
Ars Magica :: Introduction (Récit 2.9), Avril 1212

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Alliance de la Crête des Brumes, Avril 1212

Alors qu’il observait les autres Mages dans la salle du Conseil, là où tous se réunissaient pour décider des orientations de l’Alliance, Oculo fut assailli d’un sentiment angoissant. Il les côtoyait depuis des décennies, et s’était toujours méfié d’eux, surtout de Clavius le muet. Mais à présent, il sentait un vrai danger, il sentait qu’ils tramaient quelque chose dans son dos.

Ce n’était pas de la simple jalousie. Cela, il s’y était habitué. C’était plus profond que cela. Evidemment, Clavius était le plus suspect, toujours à fureter à droite à gauche, son crapaud malsain non loin. Oculo était à présent convaincu que le vieux mage était tout à fait capable de parler, mais s’y refusait. Est-ce une malédiction, ou un contrat sombre passé avec les Enfers ? Après tout, Oculo avait découvert qu’un des Mages de l’Alliance – mais lequel ? – pactisait avec le Cercle Rouge, ce collège de magiciens infernalistes capables du pire, et de pire encore. Était ce le malsain Clavius, ou le vieux fou de Félix, qui puait les arts obscurs à plein nez ?

Oculo maniait la musique et savait faire parler les consciences, mais plus les années passaient, plus il sentait ce danger autour de lui. L’Alliance n’était plus la belle tour sacrée qui rayonnait dans la région. Elle vivait son crépuscule et avec les Croisés ratissant les environs, qui pourchassaient les Cathares partout où ils se trouvaient, tôt ou tard, il faudrait prendre parti. Que feraient les mages reclus et craintifs ? Lui, il passerait un accord avec les nobles de l’Eglise. Après tout, il était un Mage réputé, pas une de ces raclures de caverne. Que pourraient lui faire ces hommes menés par Simon de Montfort ?

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Le Voyage
Ars Magica :: Récit 2.8, Hiver 1205

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Contribution de Derry
⇝ Introduction : La Crainte b_crainte.png

Récit de Jeanne

Un son mélodieux se fit entendre dans la caverne. Gaubert n’était que rage, souffrance et colère. De plus, le pyromage se retrouvait dans le noir complet.
Mais, dans son malheur, le jeune homme avait eu de la chance. Il s’était échoué sur une corniche quelques dizaines de mètres au-dessous de ses consœurs. Sans cette aspérité dans la roche, la cascade aurait probablement été bien plus funeste…

Toujours à terre, après mon splendide échec à rattraper mon ami, je fus rejointe par Astrid et nous tentions de contacter Gaubert. Ce dernier, utilisant un peu de notre Vis pour palier à son état, alluma un feu pour éclairer la zone autour de lui. La maîtresse de Nïm suggéra alors que nous fassions pareil et la lumière fut.

Nous étions en train de réaliser la distance nous séparant du blessé quand un bruit de métal raclant le sol se fit entendre.

Dans la hâte, Astrid réalisa une liane solide qui nous permit dans un premier temps de rejoindre Gaubert afin que je le soigne, pendant que mon aînée d’un an rejoignait les bas-fonds de la caverne. Elle y fut d’ailleurs accueillie par le même bruit qui se rapprochait d’elle. Elle appela, pour demander de l’aide… La réponse fut immédiate et elle se fit agripper par un tentacule géant.
Les renforts étant arrivés, j’allumais la zone grâce à un des sorts favoris de Gaubert et notre tête brûlée en profita pour cramer le poulpe dorénavant visible. Cela eut pour effet de libérer notre éternelle optimiste de l’étreinte de son ami céphalopode.

Nous étions enfin réunis et j’en profitais donc pour créer une barrière anti-fées, Astrid nous ayant informé de la nature féérique des lieux. Pendant ce temps, Gaubert en profita pour éclairer d’un flash la zone, nous montrant alors une immense caverne semblable à une gueule de bête mythique, remplie de quelques coffres, tapis, de l’argenterie éparse, et d’effilées stalagmites (la chute intégrale aurait vraiment été douloureuse).

Nous identifions également un “lac” qui servirait de gorge où se cachait notre monstre peu amical. L’intervention magique de notre amie des animaux sur l’humeur du poulpe eut raison de son hostilité, même si elle ne parvint pas à discuter réellement avec lui.
Le calme revenu, nous nous mîment à fouiller et observer, mais le trésor promis semblait avoir été pillé. Seules quelques pièces retrouvées éparpillées témoignaient de la présence passée de merveilles. Les bibelots n’offraient aucune aura magique mais mon regard fut attiré par celle de l’eau. Cette dernière semblait être liée au royaume des fées et même être un portail vers leur monde.

Pendant qu’Astrid tentait vainement de changer l’eau en l’air, j’incantais afin d’augmenter le courant de l’eau pour accélérer le voyage. Et, sans savoir si cela avait marché, je plongeais…

Et je fus sauvé par une envie de vivre extrême qui me fit nager comme une sirène, mon sort n’ayant visiblement eu aucun effet. J’émergeais dans le noir de l’autre côté de la grotte, seule… Mais je l’avais fait, j’avais franchi la barrière. Cet exploit fut rapidement partagé par mes compagnons d’aventure qui me rejoignirent successivement.

Gaubert incanta et la lumière fut. Et quel spectacle s’offrit à nos yeux ébahis : le plafond ressemblait à un ciel nocturne étoilé. Des champignons se nourrirent de la lumière du pyromage et émirent un halo bleuté. La végétation atypique était omniprésente et la chaleur y était suffisamment douce pour sécher nos vêtements rapidement.

Deux silhouettes s’approchèrent alors : Une tortue géante marchant sur ses deux pattes arrières et un satyre.

Après des salutations polies, le demi bouc nous demanda ce que nous faisions ici. La discussion tourna assez rapidement au vinaigre et Celle-qui-nage, le reptile, nous demanda de retourner d’où l’on venait, son camarade nous menaçant presque.

Ils étaient assez étranges et difficiles à percer, se montrant à la fois légers dans leur propos mais très pertinents voire philosophes. Après quelques échanges, Lerache le satyre nous paraissait plus ouvert à marchander, et après qu’il ait demandé à goûter le chagnon (ce qu’Astrid refusa évidemment catégoriquement), Gaubert fit une démonstration d’Ignem en vantant les propriétés du Vis et négocia notre passage contre un peu de cette ressource.

Celle-qui-nage garda ses positions mais Lerache accepta le marché et prit son tribut avant de nous guider dans son royaume. Sur le chemin, il nous raconta l’histoire du fameux trésor (contenant un gros livre), qui leur avait été confié, mais que des villageois du monde des fées avaient volé, entraînant un conflit de longue haleine et les empêchant de se rendre dans le monde des humains.

Avec leur aide, nous prîmes la décision de tenter de restaurer la paix en récupérant les biens dérobés au village.

Notre guide, qui utilisait les champignons allumés pour transmettre leur luminescence à la végétation environnante, nous perdit sur la route. Il nous fallut une bonne heure pour sortir de la grotte et voir un nouveau paysage totalement paradisiaque.

Tout y était très printanier, fleuri, chatoyant. Une odeur sucrée venait à nos narines. Il y faisait si doux que nous devions nous dévêtir (difficile de croire qu’il y avait encore quelques centaines de mètres nous étions dans le plein hiver pyrénéen).

Au centre de cette utopie, se trouvait un village. Et pas n’importe lequel, celui à l’origine de toute cette pagaille… Et notre prochaine destination.

Sur la route, nous sommes arrêtés vers un chêne par un corbeau à taille humaine, armes sorties. Il se présenta alors comme étant Tacoulaminesco, gardien de la vallée. Après lui avoir résumé le motif derrière notre venue, il nous demanda de retirer tout le fer que nous avions sur nous pour pouvoir nous guider au village, où nous étions attendus par la Reine…

Ce village était pittoresque. Il était plein de petites créatures humanoïdes ailées. Plein d’individus dignes des contes pour enfants mais aussi des individus très proches des humains, mais dotés d’une grâce naturelle les distinguant de notre espèce. Et les décorations des bâtiments étaient clairement réalisées à partir de différents éléments du trésor (pierres précieuses, or, argent, amphores). Nous avons même reconnu certaines inscriptions en arabe sur certaines pièces. Une chose était sûre, nous étions au bon endroit.

La Reine Eliora nous attendait au centre de la place principale et nous souhaita la bienvenue à Caroya. Cela faisait 600 ans que des humains n’étaient pas venus. Elle nous avait entendu arriver du monde matériel et déclara donc 3 jours de fêtes. Cela tranchait véritablement avec l’attitude de nos deux compères croisés précédemment. Nous étions apparemment ici en amis…

Son fils, le prince Jahah, nous fut présenté et sembla fasciné par Astrid, il lui demanda si elle était une fée… et continua à poser plein de questions sur notre monde.

Après avoir été guidés jusqu’au palais, et profité d’un bon bain et de plaisirs gustatifs, nous avions décidé de nous isoler pour planifier la suite. Nous allions donc profiter de leur hospitalité le premier jour, avant de commencer notre enquête à partir du second.

Nous avions cependant commencé à obtenir des informations grâce au prince, notamment leur sensibilité au fer qui les rendait malades, la rivalité avec les gens de la montagne (apparemment jaloux des villageois) et plus particulièrement des Knockers, qu’il nous décrivit comme des êtres très lents et peureux, et des satyres, qui cherchaient à leur voler biens, femmes et enfants….

Dans quel pétrin nous étions-nous encore jetés à pieds joints ? (et cette fois, j’avais sauté la première…)

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La Crainte
Ars Magica :: Introduction (Récit 2.8), Août 1211

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Alliance de la Crête des Brumes, Août 1211

Dans les cavernes humides sous la Tour de la Crète des Brumes, le mage Félix se livrait à quelque expérience sur ses rats. Les années passées dans l’obscurité de son Sanctum l’avaient rendu pâle et décharné, et il négligeait son apparence et sa santé, au point qu’en franchissant l’entrée de son laboratoire, Vulcris eut un haut le cœur. Félix Nécromius ressemblait à un être squelettique, tenant à peine debout, vêtu de haillons et son regard plissé par la forte luminosité de la lanterne de la nouvelle venue semblait vide de tout intellect.

Vulcris savait qu’il n’en était rien. Elle était bien placée pour savoir que le représentant de la Maison Bonisagus était sans doute le plus intelligent des mages de l’Alliance, et c’est bien pour cela qu’elle venait le voir. En douce. Sachant que personne ne saura sa démarche.

Autour d’elle, les petits couinements des rats se firent plus stridents, et elle voyait leurs minuscules yeux malfaisants tournés vers elle.

« Félix, cher confrère, je…

- Parle sans crainte, oiseau de malheur. Ici, à part les rongeurs, nul ne te jugera jamais.

- Je… J’ai remarqué des allées et venues étranges, ces dernières nuits. Dans des toits où je me trouvais, j’ai vu des ombres entrer dans la Tour, à la recherche de Grimgroth. Pas vraiment des ombres. Des esprits. Des morts qui marchent.

- Mes amis à poils ont noté ce manège également. Les nouveaux amis du Maître de l’Alliance. Je pense qu’il l’aime autant que mes rats t’apprécient, mais il n’a pas le choix. Comme mes rongeurs, qui sont obligés de te supporter.

- Ne penses-tu pas que nous devrions… intervenir ?

- D’autres le font pour nous. Nos apprentis. Grimgroth les a envoyés au loin, et lorsqu’ils reviendront, ils auront notre destin entre les mains.

- Oh » fit Vulcris, impressionnée. « Ces petites choses fragiles ont un tel pouvoir ?

- Oui, assurément » répondit le mage de Bonisagus. « Et ce sera là leur véritable test dans la vie de Mage complet, mais ce sera également l’épreuve ultime de notre Alliance. S’ils échouent à prendre la bonne décision, nous finirons tous ici, dévorés par les amis ici présents. »

La mage boiteuse se sentit parcourue d’un frisson. Sa vie de souffrance était entre les mains pataudes de jeunes Mages ignorants. Elle devait se préparer à leur retour, elle ne voulait pas qu’ils échouent et la condamnent à pire que la vie qu’elle possédait.

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Quelques années de répit
Vda :: Récit 1.6, 1209-1226

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Contribution de Breloque

Les années qui suivent les évènements de la prise de Béziers…

Eon de l’Etoile subit les affres de la malédiction d’Alvaro. Il met toute son énergie à pourchasser la moindre relique ou rumeur pour tenter de s’en défaire, en vain. Il disparaît peu après dans les Pyrénées.

Au départ d’Eon, la servante d’Adhémar, Estelle, est confiée à Sebastian. Elle est victime de possession, devient extrêmement violente et perd son ombre. Elle est désormais enfermée la nuit pour éviter qu’elle ne se blesse ou blesse son entourage.

Stephano, le damné envoyé de Rome, s’est détaché de la croisade et s’installe dans la région de Béziers, où il apporte son soutien à Sebastian pour qu’il reconstruise la ville. Ce dernier est nommé Régent de la ville. Adhémar devient son éminence grise, embrassant une nouvelle identité sous le patronyme de “Fortunat Folame”. Il siège comme mestre dans de nombreuses guildes, et possède plusieurs bordels et tavernes.

La croisade poursuit sa route, comme une vague emportant tout sur son passage.

Carcassonne résiste un temps grâce à ses hauts remparts. Mais elle tombe par traîtrise lors de pourparlers où Raymond-Roger de Tancravelle trouve la mort. C’est ensuite Toulouse, qui tombe une première fois devant la puissance de l’armée croisée.

Esclarmonde évite la mort définitive en trouvant refuge auprès de Béatrix de Foix. Elle accable l’hérésie caïnite pour avoir apporté le fléau de la guerre dans le sud de la France. Désireuse d’assurer sa survie et de ne pas répéter les erreurs passées, elle tisse un réseau d’influence encore plus puissant, nouant de nouvelle alliances et plaçant ses pions partout dans la société du sud de la France.

Simon de Montfort est nommé Vicomte de toutes les cités principales d’Occitanie. Il impose sa loi par la barbarie, tuant et mutilant. Il laissera son empreinte sanglante dans l’histoire de la région, incarnant la brutalité de la croisade.

Il trouve la mort en 1218 sur le champ de bataille lors d’un nouveau siège de la ville Toulouse, la tête écrasée par le projectile d’une catapulte.

Esclarmonde la Noire est présente dans la cité pendant ce siège. Le siège est abandonné peu après la mort de leur commandant. La situation se calme peu à peu. La Toréador reprend son trône parmi les damnés. Preuve de la détente, Stephano di Roma prend ses quartiers dans la ville.

Depuis la mort de Simon de Montfort, les cathares vivent à nouveau au grand jour. La quatrième croisade est terminée. Seul un irréductible groupe de Frères Prêcheurs, dirigé par Dominique Nunez de Guzman, des missionnaires évangélistes, essaient de remettre le pays cathare dans le droit chemin de l’Eglise.

Adhémar étend progressivement son influence dans la région au fur et à mesure que l’emprise de la croisade et de Rome s’atténue. Nostalgique de sa Constantinople natale et désireuse d’apporter un peu de lumière à Béziers, Sophia devient une mécène reconnue, favorisant les érudits et les artistes. Elle donne vie à plusieurs cercles de penseurs. Ces différents salons trouvent une résonnance dans la société biterroise.

En 1222, Esclarmonde se rends à Béziers pour constater l’excellente gestion de la cité ainsi que son rayonnement nouveau. Elle nomme officiellement Sebastian au poste de Prince de la ville. L’histoire ne retiendra pas la chanson que lui chantera Adhémar dans un jardin privé, les yeux révulsés comme ceux de son clan savent le faire.

La coterie connaît un regain d’influence après avoir rencontré la Reine.

A la même époque, depuis le changement de Prince à Paris, une certaine Salianna, matriarche du clan Toreador, dirige la cour d’amour de Paris. Son influence grandissante fait de plus en plus d’ombre à celle d’Esclarmonde.

Pendant ces quelques années, les vampires entreprennent des recherches mais ne retrouvent aucune trace de Natalena et de son enfant. La Chambre Verte évoquée par Alvaro se révèle être une des pièces du siège de la Curie Ecarlate à Béziers. En fouillant les décombres, ils y retrouvent des morceaux de cercueil calcinés qu’Adhémar révèle comme étant gorgés d’ombre.

Hélas, la paix n’aura été que de courte durée dans le sud de la France.

En 1226, Louis VIII affirme que ceux qui nient la Croix nient son pouvoir divin, portant ombrage à son règne. Il décide de redresser cela par les armes. Il entreprend d’expurger le sud des hérétiques avec des dizaines de milliers de chevaliers et d’hommes d’armes.

Après avoir fait tomber Avignon, son armée fond sur la ville de Carcassonne. L’Occitanie n’a pas fini de saigner.

Il va de soi qu’un pouvoir vampirique est derrière ça…

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La Chute
Ars Magica :: Récit 2.7, Hiver 1205

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Contribution de Yakurou
⇝ Introduction : Le Trésor b_tr_sor.png

La douleur à mon genou est de plus en plus intense. J’essaie de fouiller dans ma besace, quelque chose… n’importe quoi qui pourrait servir. Mais mes mains poisseuses de sang n’arrivent pas à desserrer les cordons qui en ferment l’accès.
Il fait noir dans cette caverne. Il y a des bougies dans mon sac, je le sais. Mais je n’arrive pas à l’ouvrir. Le cordon résiste, provoquant encore plus de douleur sur les plaies de mes mains.
J’entends des appels plus haut… probablement Astrid et Jeanne, a moins que je ne devienne fou? Un grattement en dessous de moi. Des griffes qui raclent la terre, résonnant dans un noir d’encre…

Un mouvement près de moi me fait paniquer. J’attrape la première chose que je trouve près de moi. Un morceau de bois? Un rocher? Peu importe. Je le lance vers le mouvement, dans un cri de douleur.

On m’a raconté un jour qu’un mourant voyait sa vie défiler devant lui, mais de l’extérieur. Comme une scène qui ferait des saltimbanques.
On m’a raconté aussi comment soigner une blessure par magie. Et qu’il fallait faire attention où on mettait les pieds.
Mais bon… on m’a raconté beaucoup de choses…”Tu devrais écouter, Gaubert… ça te servira un jour Gaubert…”

Je peux pas vraiment tout retenir, si?

Ce que j’ai retenu, c’est pourquoi on est là.
On avait trouvé le texte, celui caché dans la boîte à relique, et on avait demandé à Mahadi de nous le traduire. Ça parlait d’un ancien trésor, caché par des maures dans les Pyrénées. Rien de bien intéressant au premier regard. mais Grimgroth avait l’air très intéressé. Il pensait que des objets magiques y seraient cachés, et il nous a demandé d’aller les trouver.

Encore un voyage dans le froid en prévision. Je suis monté dans mon sanctuaire, pour fabriquer des cailloux chauds qui pourraient tenir tout le mois. j’étais à ça de réussir, mais j’ai été déconcentré. Astrid courait dans toute la tour en criant “Est-ce que quelqu’un sait où c’est la tour d’Olbier?!” Alors que je sortais pour lui dire de se taire, je l’ai vu suivre le crapaud-salade de Clavius. Il me fait froid dans le dos. j’ai pas vraiment envie d’aller le voir.

J’ai essayé une nouvelle fois. Mais là c’est les cailloux qui ont explosé…
Impossible de travailler correctement dans cette tour…

Le lendemain, on s’est préparé à partir à l’aube. Mais après quelques heures de marche, je voyais déjà les deux autres commencer à boiter. On n’est pas sorti de l’auberge…

On a passé deux jours à marcher. Leur état ne s’est pas amélioré. On a quand même réussi à trouver l’endroit indiqué sur le fichu bout de papier. Vous savez? Celui à cause duquel on est ici. Mais il se fait tard. Et la fatigue n’aidant pas, on a pas trouver l’entrée de la grotte. On va essayer de trouver un endroit où passer la nuit. Et vous savez quoi? On en est toujours pas sorti, mais on y retourne, à l’auberge.

On a dîné simplement, et on a profité de l’âtre pour se réchauffer. Jeanne et Astrid se sont soignées pendant la nuit, et on est repartis le lendemain.

A la lueur du jour, c’est beaucoup plus simple de trouver l’entrée de la grotte. Mais c’est pas un trésor qui nous y attendait, mais un ours bien endormis. On a chacun eu nos réactions.
Jeanne à commencé à reculer pour sortir discrètement, moi j’ai préparé un de mes sorts, et Astrid… est allé lui dire bonjour. Oui. A l’ours.

Astrid a réveillé l’animal, et commence à lui parler, alors je le crame pas tout de suite. Ça dure un moment, et puis l’ours s’est levé, et s’est dirigé vers la sortie. Astrid nous a regardé avec un grand sourire “Il sait où c’est, il nous emmène!”

On a suivi l’ours, qui nous a emmenés vers une autre grotte, dont l’entrée est bien plus haute. Je commence l’ascension avec Jeanne pendant qu’Astrid dit au revoir à son nouveau copain. Je venais à peine d’arriver en haut que Jeanne a commencé à crier. j’ai cru qu’elle tombait, alors je me suis précipitée pour l’aider. Si je l’avais pas fait, une flèche m’aurait traversé la tête.
Je la tire au sommet, en essayant de voir d’où viennent les flèches. Mais dans la nuit, je ne vois que deux reflets d’acier qui filent vers nous, sans réussir à trouver leur point de départ.

Ils étaient quatre. Deux avec leur arc, un peu sur le côté. Et deux en bas, avec leur épée, dont Mahadi. Je ne l’imaginais pas en besoin urgent de trouver un trésor, vu son allure. Mais on a pas vraiment le temps de se questionner.
Une fois relevé, Jeanne parvient à immobiliser les archers, et il ne me faut pas longtemps pour les réchauffer à grand coup de boule de feu.

En bas, c’est un peu plus compliqué. Astrid n’a pas l’air de se rendre compte de ce qu’il se passe. Je l’entends parler avec des gens. Faudra que je lui dise qu’on peut pas tout résoudre avec de la causette.

A priori, ils ne sont pas aussi sympas que les ours. Un des deux a essayé de l’attaquer, mais le deuxième l’a empêché. Et voyant que leurs camarades ont pris feu, Mahadi sort une petite lame, et se cache derrière Astrid. Il a dit des choses, mais j’ai pas bien écouté. Ca parlait de porteur de dons, et de se rendre…
Le deuxième épéiste, par contre, n’est pas caché. Je me prépare à lui envoyer une boule de feu, mais Jeanne me bouscule, me disant de penser à Astrid.

Mais c’est pas elle que je vise, c’est l’autre à côté!
Je la repousse. Pas le temps pour les bavardages, mais il s’est passé un truc étrange.
Mahadi est plus derrière Astrid, mais devant elle. On verra ça plus tard… Ma boule de feu part vers l’autre assaillant, qui illumine d’une lumière réconfortante les alentours.

Ça a dû leur suffire, parce qu’après ça, ils se sont enfuis. J’ai bien essayé de continuer de les allumer, mais ils étaient trop loin.
Jeanne a réussi à en immobiliser un des archers, mais à quoi bon? Il avait pas grand-chose à nous apprendre. Et de toute façon, les quatres savaient déjà qu’on était des mages. Alors on l’a laissé repartir.

J’ai sorti une bougie de mon sac, et je l’ai allumé, pour qu’on puisse voir quelque chose à l’intérieur. C’était une grotte…Classique? enfin, je crois. Elle avait rien de spéciale, si ce n’est qu’elle puait le renfermer. On fouille les lieux. Il doit y avoir un trésor ici quand même…
On trouve des petits chemins, des boyaux qu’on emprunte.
Et d’un coup, une sorte de pression se fait sentir. comme si… comme si on venait de passer une barrière magique?
Astrid et Jeanne me disent qu’on vient de passer dans une dimension. Une dimension féerique, a priori.
Jeanne et Astrid comment a parlé de la dimension, de ce qu’on peut y trouver, de ce qu’on peut y faire… Moi, j’ai continué à explorer.

On vous a déjà dit qu’il fallait regarder où vous mettez les pieds? Bah croyez moi, ça suffit pas. Il faut regarder plus loin. Ma bougie dans une main, mon bâton de marche dans l’autre, j’ai avancé dans un boyau pour voir ce qu’il y avait derrière.

Et il n’y avait rien. je suis tombé

Il fait noir dans cette caverne. Il y a des bougies dans mon sac, je le sais. Mais je n’arrive pas à l’ouvrir. Le cordon résiste, provoquant encore plus de douleur sur les plaies de mes mains.
J’entends des appels plus haut… probablement Astrid et Jeanne, à moins que je ne devienne fou? Un grattement en dessous de moi. Des griffes qui raclent la terre, résonnant dans un noir d’encre…

J’ai peur…

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Le Trésor
Ars Magica :: Introduction (Récit 2.7), Printemps 750

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Fostat, Printemps 750

Ses soldats avaient combattu et étaient morts en martyrs, et le Calife Marwan savait que ce même destin l’attendait. Mais il n’était pas prêt à rencontrer Allah, et dans la nuit de Fostat, cette ville bâtie sur les ruines d’une antique cité byzantine, il fuyait.

Son escorte peinait à le suivre, tellement il courrait vite, craignant pour sa vie, et tout maître absolu du Califat Omeyyade qu’il était, il ne ressemblait qu’à un homme rabougri, les joues marquées de la poussière, de ses propres larmes, de son propre sang.

Soudain, devant lui, la nuit prit forme et l’attrapa par son turban. Marwan manqua de s’étrangler, stoppé net dans sa course. Il réalisa que devant lui se tenait un grand homme à la peau sombre, dont seul le regard – un regard de sang – était visible sous les étoffes qui lui masquaient le visage.

« Où te rends-tu, ô Seigneur des Omeyyades ? Ton destin t’attend cette nuit, et tu ne verras pas l’aube se lever. »

Le Calife, le souffle toujours court, espérait voir débarquer son escorte mais celle-ci tardait : derrière lui, il n’entendait que le silence.

- Je… mais.. qui… parvint à bafouiller le Calife des mondes arabes.

- Je suis Jamal, votre Grandeur, émissaire des Abbassides, et membre de la secte des Fils d’Haquim. » lui répondit son agresseur, d’un ton narquois.

Marwan était le descendant en ligne directe du grand oncle de Mahomet, et le Califat Omeyyade avait fait de Damas la capitale qui dominait toute l’arabie. Les Abbassides étaient leurs cousins et pires ennemis. Mêmes les chrétiens n’étaient pas aussi dangereux que les Abbassides. Le Calife se savait perdu.

« Tu es venu en Jérusalem pour y trouver un trésor, fils de chienne, poursuivit Jamal d’une voix menaçante. Dis moi où tu l’as caché, et Allah t’accueillera en un seul morceau.

- Je… ne l’ai plus, parvint à articuler le Calife, toujours à moitié étranglé par la poigne de Jamal sur son turban. Mes biens les plus précieux sont partis vers Damas.

- Tu mens, mortel. L’assassin serra au point d’étouffer Marwan. Où sont les reliques que les Perses avaient enterrées sous Jérusalem ? J’ai tué tes hommes qui se rendaient à Damas, ils ne portaient pas le Manuscrit du Signe Rouge. Tu sais où il est, alors parle, tant qu’il te reste une langue pour le faire. »

Le Calife se savait condamné, qu’il parle ou qu’il se taise. Mais avant de perdre la tête, il lança une dernière bravache :

« Le Manuscrit et d’autres trésors sont emmenés loin de moi… et j’ignore où. Sans doute vers l’Espagne… ou plus loin encore… là où aucun Abbasside ne les trouvera jamais. Mes hommes s’assureront que mon héritage ne tombe jamais entre tes mains… ou celles de mes traîtres de cous… »

Sans plus attendre, le Damné serra le turban de Marwan d’une force surnaturelle et le linge devint aussi tranchant que l’acier. La tête du Calife alla rouler sur le sol, et le corps de l’Omeyyade s’effondra dans une gerbe de sang dans la ruelle déserte de Fostat. Jamal regarda la nuit, déçu et pensif. Les Fils d’Haquim retrouveraient le Manuscrit, maintenant ou dans mille ans, et ils le détruiraient. L’esprit étriqué de Marwan avait imaginé que Jamal voulait le pouvoir qu’il refermait, mais aucun être sur la terre d’Allah, ni vivant, ni mort, ne devait jamais utiliser le Signe Rouge. Car alors, les pires créations du Très Grand viendraient sur les hommes pour se repaître de leur haine.

Il lui fallait quitter rapidement Fostat, puis rejoindre Cordoue. Les Omeyyades avaient établi leur repaire loin au nord, sur les terres ibériques, et le trésor devait être en route dans cette direction.

Jamal se fondit dans la nuit alors que la garde du Calife arrivait enfin. L’empire des blasphémateurs envers Mahomet prenait fin ce soir, mais l’Assamite n’avait pas fini son œuvre.

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La Valeur
Ars Magica :: Récit 2.6, Hiver 1205

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Contribution de Kapryss
⇝ Introduction : Le Gamin b_gamin.png

Hiver de l’An de Grâce 1205,
Baronnie de Miglos

Journal d’Astrid

Le banquet de ce soir était agréable. Le baron de Miglos est décidément un homme généreux, qui offre le meilleur même s’il possède peu (il y avait peu de viande à sa table, ça n’était pas pour me déplaire d’ailleurs). Il y avait également un autre invité du baron à la table, un Maure dénommé Mahadi Al-Razad qui au cours de la soirée nous a charmé de ses nombreuses histoires au sujet de Constantinople et des civilisations antiques. Il a volontiers assouvi nos curiosités, et je dois avouer avoir été fascinée par l’ampleur de ses connaissances, d’autant qu’il n’était sûrement pas né à l’époque de nombre de ses anecdotes. Je dois consigner tout cela dans ma mémoire afin de le répéter à mon tour à mon mentor, Oculo. Nul doute qu’il sera fier de moi !

Mahadi nous a indiqué n’être que de passage à Miglos – en effet, ayant déjà transité par Marseille et quelques autres villes, il aurait pour projet de rejoindre Foix, puis Toulouse. Jeanne l’interrogea alors sur le but de son voyage, si celui-ci lui permettait une élévation spirituelle, et le Maure se ferma brusquement, répondant précisément ces mots :

« Au dessus des hommes, il n’y a qu’Allah. Il serait folie que de penser pouvoir s’élever. »

Reprenant son air léger, il expliqua mener ce voyage afin de découvrir de nouvelles cultures et d’y confronter certaines de ses idées, notamment au sujet de ce qui est digne ou ce qui ne l’est pas.

Que je suis sotte, j’en oublie de décrire ceci : aux côtés de l’étranger, deux hommes d’armes se tenaient silencieux, en protection. Mais également, derrière lui étaient présents deux esclaves aux colliers de fer. C’est Gaubert qui, le premier de nous trois, osa l’interroger à leur sujet. Mahadi répondit qu’il ne savait pas quel avait été leur crime, les ayant acheté ainsi. Il nous expliqua calmement que ces esclaves avaient perdu le droit d’être considérés comme des hommes et d’être maîtres d’eux même. A l’instar d’objets, ils n’avaient plus de valeur. J’ai demandé à Mahadi quelle était la valeur d’un homme, il a simplement souri.

Je n’avais pas grand faim. Je laissai bien volontiers ma part de gibier à Gaubert, qui comme à son habitude mangeait et buvait plus que de raison. A tel point que lorsque le baron de Miglos demanda à notre groupe d’où nous venions, il répondit sans méfiance que nous venions de Tarascon, et que nous étions à la recherche d’une Dame tout de blanc vêtue et d’un marchand l’accompagnant. Se reprenant, comme s’il réalisait son erreur, il expliqua vouloir acquérir un bien qu’elle possédait. Le baron nous indiqua connaître la Dame, et nous la nomma : Blanche de Congost, une Cathare, noble nièce du seigneur Raymond de Pereille. Il parut surpris de l’existence d’un bien de valeur en sa possession cependant.

Alors qu’il cherchait à en apprendre davantage sur l’objet que Gaubert avait mentionné, Mahadi l’interrompit, prenant congé afin d’aller se promener dans la ville endormie sous la neige – un peu après cela, Gaubert et Jeanne m’indiquèrent qu’il avait choisi cet instant à dessein, comme s’il avait voulu nous aider à esquiver la requête du baron.
Néanmoins, le baron nous apprit que Blanche de Congost s’était mise en chemin deux jours auparavant, afin de rencontrer les Parfaits, ces guides spirituels Cathares, dans les villages reliant Miglos et sa destination finale, Montségur.

Nous sommes à présent dans la chambre que le baron nous a gracieusement prêté pour la nuit. Nous avons décidé de repartir dès le lendemain à la recherche de Dame Blanche, mais auparavant, nous allons sortir à la recherche de Mahadi, peut-être en sait-il un peu plus.


Le village de Château-Renaud était paisible, endormi sous la neige et sous la lune. Nous nous étions séparés pour retrouver notre homme, et ce furent Jeanne et moi qui trouvâmes Mahadi aisément les premières. Lorsque je l’approchai et lui proposait de partager un moment à marcher ensemble, il accepta et me sourit – quel spectacle étrange que ce sourire et ces yeux clairs comme la lune au milieu de ce visage à la peau hâlée !

Jeanne remercia Mahadi de nous avoir évité la question indiscrète un peu plus tôt. Il répondit avec bienveillance.

« Ne me remerciez pas, c’est bien normal. Certaines choses n’ont pas à être sues par les esprits faibles. Pour son propre bien, il est préférable qu’il reste dans l’ignorance. »

Il nous dressa alors un portrait du baron d’après sa propre opinion. Je l’écoutai patiemment et voyant là une ouverture, l’interrogeai sur Blanche de Congost. Il refusa dans un premier temps de répondre, prétendant ne pas pouvoir juger ni décrire les gens… mais je ne lâchai pas prise. Il venait bien de nous dépeindre le baron, alors pourquoi pas la Dame ? Mahadi mordit à l’hameçon. Il nous présenta Blanche comme une femme assurée, volontaire, et un peu têtue, ne supportant pas qu’on lui refuse quoi que ce soit, sans doute en conséquence d’une enfance gâtée. Malgré tout, il la décrivit bienveillante, digne, mue d’une volonté de bien faire. Ils n’avaient que peu discuté, leurs avis religieux étant fort différents.

Jeanne posa une nouvelle question, assez risquée de mon point de vue : comment avait-il perçu que nous étions des esprits « plus élevés » que les autres ? Sa réponse m’étonna, me rassura également. Il nous expliqua qu’il avait perçu chez nous des similitudes avec sa grande éducation et son propre parcours. Il ajouta être heureux qu’une relève soit là, quoiqu’un peu jeune.

« On a souvent peur de ce que l’on ne connaît pas. Mais je ne discerne pas cette peur en vous. Tandis qu’ailleurs on me craint, moi l’étranger, l’hérétique. »

Nous sommes de retour dans notre chambre, Gaubert n’est pas encore rentré. Cela inquiète Jeanne… mais c’est un grand garçon, il ne lui arrivera rien, j’en suis certaine.


J’en étais sûre ! Il est revenu dans la nuit se coucher, et ne se souvient même de rien ! Sans doute trop d’eau de vie aura eu raison de son esprit… je demanderai à Virgile de lui concocter quelque émulsion contre la migraine à l’occasion.

Nous allons très vite nous mettre en chemin, nous avons décidé de passer par la tour de la Crête de Brume afin d’informer Grimgroth de nos avancées, ce n’est qu’un petit détour. Le baron nous a gentiment offert des vêtements chauds, nous sommes presque prêts à partir.


Que j’ai le cœur lourd… Oculo semblait si peu intéressé par les récits que je lui ai rapporté de Mahadi, il savait déjà tout, et même davantage. Même ma carte, qui s’étoffe pourtant chaque jour, ne lui inspira aucune fierté.
Jeanne eut plus de chance avec son mentor, Felix. Celui-ci lui expliqua que la relique que nous recherchions pouvait être imprégnée de l’une des quatre auras, et qu’elle devrait pouvoir le ressentir grâce au Vim. Jeanne est convaincue qu’elle saura détecter ainsi la présence de la relique sur la Dame blanche.

Grimgroth nous rappela, avant notre départ, de ne pas faire irruption plus que de raison dans les affaires des vulgaires. Il ajouta également que les religieux étaient prompts à s’emporter, aussi, nous devions prendre garde de n’en pas froisser.
Il consentit à nous créer des montures par magie, afin que nous rattrapions au plus vite la Dame. Nous voici déjà au troisième village, mais l’on nous informe encore qu’elle est déjà repartie.

Jeanne semble souffrir du froid malgré ses fourrures. Cet hiver est décidément bien rude.


Dernier village avant Montségur, et nous sommes arrivés encore une fois trop tard. Blanche de Congost est déjà repartie, sans doute aura-t-elle atteint Monségur la veille d’après les informations que les badauds nous ont fourni, et c’est après une bonne nuit de sommeil que nous nous y rendrons également.

Gaubert était encore une fois aviné ce soir, et à la question « que pensez-vous des cathares ? » posée par l’un des hommes de l’auberge, il ne sut répondre que quelques bafouilles qui, je le crains, firent naître une certaine méfiance à notre égard. Pourtant, il était évident que cette ville était majoritairement cathare… nous ne nous attarderons pas, et repartirons tôt demain matin.


Enfin, je trouve un moment pour consigner cette journée si riche en rebondissements. Elle commença par l’ascension, dès l’aube, de la montagne que nous connaissons si bien et au sommet de laquelle est juchée la tour de Montségur. Il nous sembla être hier, lorsque nous aidions à sa construction. Aujourd’hui, le château abrite plus de deux cents âmes, et même s’il n’est pas tout à fait achevé, il reste imposant et impressionnant.
Quelques ouvriers du chantier étaient là et reconnurent sans mal Gaubert, qu’ils informèrent de l’arrivée effectivement récente de la Dame.

Ce fut Jeanne qui trouva, par le biais de Romain le médecin, à nous accorder une entrevue avec elle. Lorsque nous entrâmes dans le châtelet, nous vîmes que les lieux avaient été aménagés pour accueillir les Parfaits et Parfaites. La Dame entra, accompagnée de près par un homme aux frasques de marchand, et suivie par une femme plus âgée qui n’était autre que Forneira de Pereille, la mère du Seigneur Raymond. Une enfant courut immédiatement alors pour se jeter dans mes bras et je peinais à reconnaître la petite Esclarmonde, tant elle avait grandi !

Avec son absence de subtilité et de diplomatie caractéristiques, Gaubert prit la parole et mentionna immédiatement le vol de la relique. Blanche de Congost s’offusqua – c’était bien prévisible – et le marchand, un certain Pons de Béziers, tenta de nous jeter dehors. Tout s’emballa alors : Gaubert résistait à Pons, et la cheminée rougeoyait dangereusement de sa colère. Blanche ne cessait de vociférer qu’il s’agissait là d’un scandale, et ce fut l’intervention sensée de Jeanne qui calma un peu la situation. Elle parvint, et cela tint du miracle, à amener la Dame à nous narrer ce qui s’était réellement passé dans cette auberge.
Ainsi, elle était bien à l’initiative du vol, qui avait amené nos amis dans une si fâcheuse posture. Animée d’une fougue semblable à celle d’une enfant têtue, elle nous expliqua avec amertume avoir voulu donner une bonne leçon à ces moines, qu’elle décrivit « exhibant de stupides ossements comme si cela avait une quelconque importance, et jetant de la poudre aux yeux des crédules. »

Le sort de nos amis emprisonnés ne l’intéressait guère. Je tentai de l’amadouer, argumentant que la valeur de trois âmes innocentes était tout de même plus élevée qu’une simple leçon d’orgueil… elle n’en voulut rien savoir. Jusqu’à ce que finalement Gaubert ne mentionne le seigneur de Pereille et notre aide sur le chantier. Elle s’apaisa directement. Je ne sais vraiment comment décrire à quel point le retournement de la situation fut inattendu. Subitement, nous étions face à une Dame certes piquée dans son orgueil, mais très digne, et qui nous montra en souriant la fameuse relique, un ossement de main dans un délicat coffret de bois ouvragé. Elle nous fit même part de sa découverte d’un double fond dans le coffret, qui s’ouvrait à l’aide d’une petite clé habilement camouflée dans le bois.

L’objet que renfermait le double fond était un manuscrit de quelques pages, si vieux (je l’estimai datant de deux à quatre-cent ans) qu’il n’avait très certainement aucun lien avec la relique elle-même, et rédigé en une langue arabe qu’aucun de nous n’étions capables de déchiffrer. Blanche de Congost accepta de nous céder le coffre et la relique ainsi que le manuscrit, afin que nous portions secours à nos trois malheureux compagnons. A une très simple condition : celle de mentir et de ne point l’accuser d’être coupable auprès du comte de Foix, afin qu’elle soit blanchie de cet acte.

Nous ressortîmes de la tour après de succincts adieux, je n’eus que peu de temps pour bavarder avec la petite Esclarmonde à mon grand regret ainsi qu’au sien. Nous demandâmes évidemment à ce que nos salutations soient transmises au Seigneur de Pereille, et Forneira elle-même nous assura que ce serait fait.

Nous sommes en pleins préparatifs pour nous rendre à Foix à présent, pour libérer nos amis au plus vite. Jeanne est occupée à soigner ses engelures, et puis nous partirons. Elle est parvenue à identifier une aura de nature divine sur le manuscrit – sa maîtrise de la compréhension du Vim m’impressionne toujours !


Nous avons chevauché un peu plus de deux jours pour relier Foix. Je suis fourbue et j’ai fort mal aux fesses, mais au moins, nous sommes arrivés sans encombres.
Nous avions décidé en chemin d’un plan très simple : Jeanne devait donner à Gaubert l’apparence d’un banal mercenaire, qui allait entrer dans le château avec le coffre de la relique et mentir prétendant l’avoir retrouvé dans un campement de bandits. Il serait suivi par Nïm, capable de m’alerter si le moindre imprévu contrariait notre infiltré.

Cela a fonctionné, je suis si heureuse ! Gaubert nous a rapporté comme le comte et sa garde étaient mal à l’aise à l’idée d’avoir incarcéré des innocents, et comme il a ordonné immédiatement leur libération. Nos pauvres amis sont en bien piteux état, amaigris, fatigués et faibles… mais ils sont libres à présent. Nous allons les accompagner jusqu’à l’Alliance de la Crête de Brume, afin qu’ils y prennent un repos rudement mérité.

Nous avons décidé de garder le manuscrit afin de le rapporter à Grimgroth. Sans doute les moines ignoraient tout de son existence, il ne leur manquera donc pas.


Cela fait déjà trois jours que nous sommes revenus à la Tour. Je suis allée porter quelques plantes médicinales à l’érudit qui soigne nos rescapés. Leur état s’améliore lentement, j’en suis fort rassurée.
Je fus très surprise d’apprendre que de toute l’Alliance, seul Clavius possédait quelques notions de langue arabe, et bien trop peu… il peine terriblement à traduire et à retranscrire le manuscrit, qui semble pour le moment être un récit au sujet d’un trésor enfoui.

Gaubert a proposé que nous chevauchions jusqu’à Miglos, afin d’y demander à Mahadi Al-Razad de nous traduire convenablement le texte. C’est une bonne idée, il acceptera sûrement, et lui qui connaît tant de récits d’aventures, il saura peut-être nous en dire plus.
J’ai créé une copie magique du manuscrit, l’original restera caché précieusement à la Tour pendant notre voyage. Nous partons dans quelques heures.


Le baron Guilhem de Miglos était ravi de nous revoir, et nous a une fois de plus accueilli comme des héros et convié à sa table pour le repas du soir, une fois la nuit tombée. Alors qu’il était introuvable dans le château tout le jour – peut-être promenait-il dans le village ? – nous y avons retrouvé Mahadi, qui accepta de nous traduire le texte après le repas. Chose étrange, encore une fois il ne toucha pas sa nourriture…

Voici, fidèlement retranscrit je l’espère, la traduction qu’il nous énonça :

« Au nom d’Allah, puissant et miséricordieux. Moi, Abd al-Rahman, en l’an 133 après l’exil du Prophète, tient à informer le commandeur des croyants, grand calife de Cordoue, des faits suivants : l’an dernière, chargé par mon Sultan de dissimuler une partie de notre trésor pris aux infidèles, nous avons trouvé une cache idéale dans les Pyrénées. Après la tour de guet d’Olbier, il faut suivre une étroite vallée qui monte entre deux pics, emprunter cette vallée jusqu’au sortir de grands bois et prendre alors le sentier sur le flanc de la montagne de droite. Après dix minutes de marche, on trouvera l’entrée d’une grotte. Il faut y pénétrer, puis traverser quatre salles basses et prendre garde au gouffre qui mène dans la plus grande grotte que j’ai jamais vue : c’est là que nous avons déposé tout le butin. Soyez prudent, car les passages sont dangereux et un de mes hommes s’est noyé dans le siphon. Je pense que nous pourrons dans quelques mois, ou un peu plus tard, monter une expédition pour aller récupérer ces richesses. Qu’Allah vous garde, ô commandeur des croyants !
Abd al-Raham »

Il fut visiblement intrigué par le texte, mais ne posa pas de question sur sa provenance. D’après lui, le texte date de l’an de Grâce 754, ce qui correspond à mes approximations. Après quoi nous le remerciâmes, et il se retira en souriant, nous saluant de cette bien énigmatique formule :

« Que vos nuits soient longues. »

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