Campaign of the Month: December 2021

Le Sang versé d'Occitanie

Retour dans le Tellurien
W20 :: Récit 2.3, Septembre 2020

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Contribution de Breloque
⇝ Introduction :

Les sens des garous sont perturbés alors qu’il reviennent à la réalité. Une forêt les entourent et Audric la reconnait sans peine, c’est celle qui jouxte le cœur du cairn, non loin de là où ils sont morts si facilement sous les coups des Griffes Rouges. L’esprit-ancêtre qui les a guidés à travers les royaumes possède un filin umbral avec l’ombre du casque arraché à l’émanation de Simon de Montfort. Cet objet leur permettra d’affronter leur némésis.

Le groupe se dirige en forme lupus dans la direction indiquée par Peau-de-Lune, jusqu’à la ferme qui se trouve dans le cœur de son Sept. Des hommes sont en train de charger une camionnette sous le regard de Lakos. Audric, d’abord suspicieux, reprends forme humaine et s’avance, ses deux comparses loups derrière lui. Sans l’intervention du Sept de la Gloire du Soleil, celui de la montagne de Givre aurait disparu : il y eu trop de pertes. Debout-sous-la-Pluie connaît les visiteurs, puisqu’ils viennent de son Sept.

Un conseil est convoqué dans la pièce principale. Audric constate qu’il n’y a que six garous de son Sept qui sont présents. Cinq membres de la Gloire du Soleil sont présents, tous auréolés de prestige. Œil d’Argent le Crocs d’Argent, Michel Gascoigne le Rongeur d’Os, Combat-les-Ténèbres-dans-l’Ombre le Seigneur de l’Ombre, Björn Petersson, un Fils de Fenris ainsi que Albert Mordeur-de-Flaïels, un autre. Calixte explique qu’un ppont de Lune ouvert avec le Sept de la Gloire du Soleil a permis de défendre le Sept. Porte-le-sang, Coureur-d’Etoiles et Lame-de-l’Aube font partie des héros tombés ce jour.

C’est au tour d’Audric et Debout-sous-la-Pluie de raconter ce qui s’est passé dans les royaumes de l’Umbra. L’assemblée s’anime et discute sur la marche à suivre.

Au final, décision est prise d’accomplir des rites pour que le Sept de la Montagne de Givre se réorganise. Lakos est désignée comme cheffe du Sept de la Montagne-de-Givre. Debout-sous-la-Pluie et Orée-du-Vent sont accueillis par Audric dans sa meute au cours d’un rite adapté. La meute du Harfang accomplit ensuite une chasse rituelle, avant de finir la soirée à une fête organisée par Thadée en l’honneur des morts.

Audric va se recueillir sur les tombes des héros de son Sept. Orée-du-Vent ressent la présence de Chouette alors qu’il déambule dans le cœur du cairn.

Les loups rêvent d’une forêt inquiétante aux ombres cauchemardesques. Dans ce chaos, la nature déformée laisse deviner des formes. Orée-du-Vent y voit un crâne sans sa mâchoire inférieure avec deux grandes canines plantées dans le sol devant un petit étang d’une eau noire et visqueuse… du sang épais et ancien. Cela évoque à Audric la rencontre avec les Pastor dans leur forêt maudite. Debout-sous-la-Pluie ressent un grand danger qui vient de la nuit.

Le lendemain, Audric et ses nouveaux membres de meute pénètrent dans l’Umbra. Aidan Voit-Loin se manifeste et les guide pour remonter un filin umbral jusqu’au fétiche, l’ombre du casque de Simon de Montfort. Leurs pas les mènent dans une ville. Ils aperçoivent les araignées de la Tisseuse qui s’affairent. Le Ver est également présent.

De retour dans le tellurien, la journée est déjà bien avancée. Les garous sont dans une rue pavée de pierres polies dans la ville de Toulouse. Ils font face à un vieux bâtiment à la façade rose, avec de nombreuses moulures et quelques statues blanches. Une sorte de chapelle privée. Un panneau indique que c’est une ancienne commanderie hospitalière.

Dans une ruelle adjacente, Orée-du-Vent hurle pour faire taire la Tisseuse autour de lui et neutraliser les caméras de surveillance.

Audric utilise sa force surhumaine pour briser le cadenas de la porte d’entrée et il est rejoint par Orée-du-Vent. Ce dernier hume des odeurs de mort et de sang, ainsi que les odeurs corporelles de trois individus. Ils progressent tous deux dans l’obscurité sans faire un bruit. Deux personnes teintée par le Ver sont en bas. Le lien mental offert par Chouette permet aux garous de coordonner leurs actions.

Debout-sous-la-Pluie grimpe sur les toits et remarque que toutes les lucarnes sont obturées. Il pénètre sous les combles. Il sent le Ver puissant d’une créature proche de lui. Sans hésiter, il se transforme en Crinos et aiguise ses griffes. Il est rejoint par Audric dont les pas grincent sur les vieilles lattes de plancher.

Les monstres de poil et de rage s’apprêtent à déchaîner leur fureur sur les séides du Ver.

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Le Soleil
W20 :: Introduction (Récit 2.3), Septembre 2020

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La Bastide de Sérou, septembre 2020

Les Lupus du Sept de la Brèche, guidés par la furieuse Pleure sous la Pluie, faisaient des ravages parmi les Garous de la Montagne de Givre. Pleure sous la Pluie tenait dans sa main griffue un klaive hérité des anciens de sa Meute. Son klaive était trempé du sang écarlate de ceux qui avaient brisé les traditions, et laissé sa Meute souffrir et mourir sous les crocs des Danseurs de la Spirale Noire.

Elle enjamba le corps d’un garou éventré et, poussé par la haine, elle abattit son arme sur le dos d’une vieille Crinos au pelage noir. Sans doute une Seigneur de l’Ombre, peut-être l’Alpha du Sept de la Montagne de Givre.

Pour Pleure sous la Pluie, tous ceux du Sept devaient périr, et leur sang abreuverait sa vengeance. Depuis ce jour où la Montagne de Givre avait laissé des Danseurs entrer en son cœur, où sa Meute avait été massacrée sans l’aide de ces homidés, elle ne vivait plus que pour voir sa lame trancher la gorge des corrompus. L’Apocalypse était là, elle le savait, causée par une Nation Garoue affaiblie par les humains, par des Meutes guidées par des Métis, par l’emprise de la Tisseuse sur le monde du Sauvage. La Garou comptait bien rectifier le désordre malsain qui hantait les Pyrénées.

Alors qu’elle et les siens poursuivaient leur massacre dans la forêt umbrale, elle sentit une force puissante faire irruption non loin. Une lumière éblouissante la força à baisser les yeux, et lorsque l’intensité diminua, Pleure sous la Pluie releva le museau. De l’autre côté du ruisseau qui traversait le cœur du Caern, un Pont de Lune avait été créé par le Gardien du Portail de la Montagne de Givre. Elle émit un rire sinistre. Ainsi, les homidés avaient si peu d’honneur qu’ils fuyaient face au danger ? Ils avaient fui de la même façon face aux Danseurs de la Spirale Noire.

La Garou poussa un hurlement bref. Un ordre de charge. Elle bondit sans attendre de l’autre côté du ruisseau, espérant rattraper les fuyards… mais elle fut stoppée dans sa course par un coup de griffes qui accueillit avec violence sa charge. Elle chuta au pied du portail. La douleur était brûlante, comme si les griffes de son ennemi étaient faites d’argent. Elle redressa la tête et vit un puissant Crinos au pelage d’argent qui l’observait de toute sa hauteur, calme, impressionnant. Le Croc d’Argent dégaina un klaive marqué de nombreuses runes, et s’avança, résolu, vers elle.

Par instinct, elle regarda derrière elle et vit ses frères de Sept violemment repoussés par d’autres Crinos, d’autres nouveaux venus. Le Portail n’était pas une porte de sortie, mais une ouverture pour des renforts. Elle se redressa et montra les crocs en grognant, certaine de pouvoir gérer ce contretemps. Ces renforts n’étaient pas de taille face à la haine qui animait le Sept de la Brèche. Elle bondit sur le Crinos, klaive à la main, pour lui faire regretter d’être venu interrompre sa vengeance.

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Le Champ de Guerre
W20 :: Récit 2.2, Septembre 2020

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Contribution de Sylas
⇝ Introduction :

Nous sommes en route pour le « Champ de Guerre », un des 13 royaumes de l’Umbra profonde. Nous allons enfin combattre l’émanation du Seigneur Acier et en espérant bien sûr que nous puissions le vaincre, nous serons à même de connaître ses points faibles. Suivre Aidan Voit loin à travers les volutes des Airets n’est pas aisé et ce même si Chouette nous gratifie de ses ailes.

Soudain un chemin se formalise avec de nombreux panneaux indiquant les nombreuses batailles à revivre. Nous y sommes ! Comme marchant le long d’une digue c’est au son des clameurs des combattants que nous quittons le chemin principal pour suivre une sente discrète qui nous mène rapidement à une grande structure moyenâgeuse, sorte de château fort altéré avec un pont de pierre enjambant un abyme pulsante.

L’atmosphère et envoûtante, l’environnement aux couleurs pourpres est constellé de nombreux rochers qui lévitent. Devant la porte du château, des guerriers prêts à combattre et défendre le donjon, nous font face.

Derrière eux, la silhouette fantomatique colossale d’un guerrier en armure dont le casque a fusionné à son crâne squelettique accapare toute notre attention ! Je reconnais immédiatement le type d’émanation guerrière qui avait tenté de porter atteinte à Sac à Cendres alors qu’il était coincé entre les deux mondes lorsque nous avions traversé le site nucléaire non loin de Narbonne.

Sous le pont de pierre d’énormes créatures serpentent, tels des Krakens ou des Léviathans de légendes.
Il va nous falloir vaincre tous ces opposants pour entrer dans ce donjon, car c’est ce Donjon qui nous apportera les réponses dont nous avons tant besoin.

Orée du vent décide de plonger dans les brumes sous le pont pour entrer en contact avec les créatures gigantesques… Le Fou ! Elles sont teintées par le Ver, je le sens, j’en suis certain ! Celui-ci ne fait absolument pas cas de mon avis et continue sa folle entreprise. Qu’à cela ne tienne ! Après un regard à Debout sous la pluie nous décidons de nous préparer à livrer bataille en aiguisant nos griffes sur la roche dure du pont.
C’est alors qu’Orée du vent revient vers nous, avec dans son sillage une sorte d’énorme dragon d’os imprégné de l’essence du Kaos.. Celui-ci exhale des vapeurs pourpres crépitantes d’éclairs. Il ne semble pas être agressif envers nous …. Qui sait ? Peut-être aurons-nous un allié après tout !

Le combat s’engage, Debout sous la pluie frappant comme un sourd, disloquant son adversaire qui se dissolve littéralement dans l’air. De mon côté, afin de nous éviter une pluie de carreaux d’arbalètes, je décide de sauter sur la première tour de garde. Grâce à Harfang, je m’envole directement au contact des deux tireurs.
De son côté Orée du vent n’est pas un Haroun et sa première tentative se solde par un échec qui l’enrage. Heureusement ces esprits nous frappent avec de l’acier et nos puissantes musculatures sont à même de résister au tranchant de leurs lames.

L’écho de Dragon qui se trouve toujours derrière Orée du Vent projette alors un éclair qui vient dissoudre l’adversaire de son nouveau maître.

Le combat fait rage et rapidement nous nous rendons compte que ces humains n’ont aucune chance face à nous … Mais alors que la moitié des soldats a été éradiquée, le Squelette géant, haut de plus de quatre mètres, s’anime et enjambe l’escalier qui le sépare de notre esplanade.

Dans la cohue, Debout sous la Pluie arrache littéralement les membres de ses adversaires et même si Orée du vent souffre de ne pas être aguerri à l’art de la guerre, son compagnon liquéfie son adversaire d’un éclair.
Alors que le sentiment de toute puissance nous anime, nous faisant au passage oublier le traumatisme de notre massacre par les Griffes Rouges, Debout sous la pluie accuse un coup de hache magistral.
Le sol tremble sous les pas du squelette géant qui continue son approche en écrasant au passage un de ses esprits guerriers.

Voyant cet ennemi colossal fondre sur nous alors que mes deux frères loups sont en combat singulier, je sens la colère monter en moi et je me rends le plus impitoyable et menaçant possible afin de faire ressentir à l’Emanation du guerrier géant ce qu’est la Vraie Peur …. Celui si se retrouve alors figé de terreur. C’est notre chance !

Je me jette alors sur le géant, mais son armure n’est pas qu’un simple décorum, et je me retrouve à terre sous le coup d’un retour de force d’un de mes propres dons. Puis c’est la curée … nous nous jetons tous les trois sur cette horreur ambulante et lui assénons tous les coups que nos forces nous permettent. A chaque coup porté, la cotte de maille renfermant les milliers d’âmes des morts au combat face à cette horreur hurle à nos oreilles et encaisse la majeure partie de notre puissance.

Orée du Vent se jette dans la bataille, non sans avoir méticuleusement observé notre assaillant et découvert son point faible. Mais ses coups ne sont pas assez violents pour porter leurs fruits, et ce ne sont que des entailles qui sont faites coups après coups.

Mais c’est sans compter la terrible puissance martiale de Debout sous la pluie, Haroun au lignage des plus purs, qui finit par crever de sa puissante patte griffue l’enveloppe mystique de l’émanation, protégée de sa cotte de maille qui hurle milles morts … le géant s’écroule sur lui-même, explosant au passage, nous balayant de ces fluides noirâtres. Debout sous la pluie porte sur son bas d’horribles veines pourpres, presque noires, stigmates du combat, alors qu’entre ses griffes il ne reste plus que le casque squelettique qui tombe au sol telle une vieille casserole.

Je suis persuadé que ce casque est corrompu et même s’il aurait fait un trophée unique, je préfère ne pas le toucher.

Aidan arrive alors que nous nous inquiétons de la santé de Debout sous la pluie. .. Il nous confirme ce que nous craignions ; Il semble clair que notre frère est désormais marqué par la corruption.
Après quelques minutes de repos nous activons le mécanisme qui ouvre la herse et nous pénétrons dans une grande salle de banquet.

C’est alors que sous nos yeux se déroule une vie d’homme, il y a 1000 ans ; Celle de Simon de Montfort … empli de colère et de haine pour ses frères et sa famille durant toute son enfance et son adolescence. Nous le voyons, une fois adulte, rejoindre les croisades où sa haine lui fait massacrer infidèles aussi bien que croisés pas assez zélés à son goût.

Couvert de lettres de marques mais toujours sans terres, sa haine se transforme en un plaisir sadique alimenté par le fait de massacrer tous ceux qui se dressent contre lui. De retour en France, ce plaisir provoqué par la mort d’autrui retombe et c’est alors que l’opportunité de rejoindre la croisade contre les cathares que le Pape Innocent III est en train de former lui donne à nouveau l’occasion d’assouvir ce plaisir malsain.
Semant la haine et le désespoir, le sac de Bézier étant le point d’orgue de son œuvre macabre. l’Histoire se souviendra de son « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ». En à peine une décennie tout le sud de la France lui appartenait.. Lui que tout le monde haïssait et dont le nom faisait trembler, jusqu’au plus vaillant chevalier.

Jusqu’au jour où son casque fut fendu, écrasé par une « Femme » qui avait osé se dresser contre lui.
Lui, Simon de Monfort, le Boucher de Bézier venait de s’incliner sur le champ de bataille … L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais même une fois mort, la puissance de sa haine lui permit de rallier à lui moult esprits dans le royaume des Morts, attirant par la même occasion l’attention d’Abhorra qui l’exfiltra du royaume des morts et l’éleva au sein de Malféas, le Royaume du Ver, où il devint le Seigneur Acier (du fait de son armure) … Inspirant la terreur qui pousse les armées à combattre.

Nous comprenons alors que le Casque du guerrier squelette n’est autre que le reflet du casque impénétrable de Simon de Monfort. Ce casque est lié à une relique située dans le monde Tellurique, quelque part en Europe. Serait-ce le casque que portait Monfort lors de l’assaut contre Toulouse et qui fut écrasé par le rocher qui provoqua sa mort ?

Nous reprenons plus ou moins connaissance sur le sentier principal … face à nous la sortie du Royaume et derrière nous, la bataille dont nous sommes sortis victorieux.

Aidan, nous guide vers les grands Halls de nos sœurs Furies Noires, afin de nous y reposer et de montrer à leur Reine que nous n’avons point faillit.

Nous sommes accueillis par Miah la reine Furie qui nous félicite, elle qui a vaincu Simon de Montfort il y a 1000 ans de cela. Nous avons mérité le droit à une seconde chance ; Nous pourrons retourner dans le monde Tellurique et revenir à la vie, si nos corps nous le permettent encore. Le repos et les bienfaits du Toucher de la Mère de leur Théurge nous ragaillardissent et c’est après ce repos mérité que nous reprenons le chemin des Airets pour rallier le monde Tellurique, guidés par une ancienne Furie.. Aidan désormais lié à moi nous renouvelle son soutien et nous demande de participer à la mise à mort de notre « Roi noyé » lorsque nous serons face à lui …

Il est évident que notre combat face au Seigneur Acier sera un combat de légende ou toutes les alliances seront nécessaires. Il faudra le combattre dans la réalité, mais aussi dans l’Umbra.

Une fois arrivés en Pénumbra, nous n’avons aucun mal à traverser le goulet de notre Caern et nous sentons immédiatement qu’une fois au cœur du Caern, nous ne sommes pas seuls ….

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Le Piège
W20 :: Introduction (Récit 2.2), Septembre 2020

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Narbonne, septembre 2020

Les flammes qui se dégageaient du Macar, un bar à vin du centre-ville, rougissaient les nuages sombres de cet automne pluvieux. La nuit s’approchait timidement, entre chien et loup, et les pompiers s’activaient pour éteindre l’incendie. Les badauds étaient nombreux aux fenêtres ou sur les trottoirs du cours de la République de Narbonne, et parmi eux, le jeune Issa qui observait la scène d’un œil dégoûté.

Il savait que les Danseurs de la Spirale Noire étaient à l’œuvre. Sans doute un coup d’éclat de la Meute de la Lune Brisée, obéissant au Ver et à son Alpha, Paul Simon. Les Garous dévoyés étaient venus de Carcassonne, leur fief, pour mener plusieurs offensives sur le territoire du Sept de la Couette en Patchwork. Sans l’intervention de la Meute du Harfang, le Caern urbain de Narbonne serait tombé depuis longtemps. Mais Issa fut tiré de ses pensées par des cris soudains en provenance des fumées du Macar.

Le fronton du bâtiment, trop affaibli par l’incendie, s’effondra sur les sapeurs paniqués. Par réflexe, le Rongeur d’Os bondit sous forme Glabro dans les décombres enflammés et utilisa sa force surnaturelle pour déblayer au plus vite les gravats brûlants et secourir les combattants du feu piégés à l’intérieur. Sa puissance lui permit d’ouvrir une brèche, mais rapidement, il comprit que d’autres victimes étaient coincées dans le bâtiment et s’avança malgré les flammes.

Autour de lui, tout était embrasé et il peinait pour respirer dans les fumées noires dégagées par l’incendie. Aidant d’autres blessés à trouver la sortie de fortune qu’il avait lui même créé, Issa Cherche-la-Meute sentit une présence malfaisante dans le bâtiment. Dans le feu, le Garou distingua une forme étrange, plus vraiment humaine : un pseudo-pompier dont les bras s’étaient mués en deux tentacules violacés s’avançait vers lui.

Un piège. L’incendie du Macar était un piège pour forcer la Couette en Patchwork à se révéler. Fait rare pour être mentionné, le dolent Issa esquissa un sourire satisfait. Ainsi, le vieux Sac-à-Cendres avait eu raison. Le Théurge avait expliqué que selon lui, la Meute de la Lune Brisée s’en prendrait au Macar, non pour détruire le QG de la Couette, mais pour forcer cette dernière à s’exposer. Et face à Issa, au cœur d’un bar en flammes, un Flaïel puissant s’avançait pour dévorer l’âme du Garou.

Il jeta un coup d’œil dans son dos : l’effondrement avait fait fuir les badauds et les pompiers s’étaient prudemment éloignés, trop occupés à soigner les victimes évacuées. Devant lui, l’esprit corrompu avançait, langue pendante, visage flasque, les tentacules dressés vers le Garou. Issa n’eut même pas besoin de pousser le hurlement qu’ils avaient convenu. Franchissant les décombres enflammés, deux Garous bondirent à ses côtés. La rusée Mord-Dorée, Ragabash du Harfang, et la puissante Estelle Mange-Matin, Ahroun des Marcheurs sur Verre. Leur pelage reflétait les flammes mais dans leur regard, Issa lisait une détermination à toute épreuve. A son tour, il se transforma en Crinos. Le Flaïel hésita face aux trois Garous. C’était un piège, et il venait d’en être la victime…

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Le Réveil
V20 :: Récit 2.21, Septembre 2020

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Contribution de Flokta

⇝ Introduction :


Récit de Nanosh

Le corps momifié de Mahadi prenait toujours la poussière dans son placard, dans un recoin des Bains de Saint Aubin. Après l’avoir attaché et disposé sur un canapé dans le petit salon, la coterie entama une discussion sur les conditions de son réveil.

Elena finit par s’ouvrir les veines au-dessus d’un verre à cocktail, qui traînait derrière le bar. Il valait mieux éviter que les crocs de Mahadi ne s’approchent trop de son poignet.

Le pieu, lentement enlevé du corps de l’Assamite, finit sur le sol sans pour autant le tâcher. Dominic prit soin de tenir fermement son corps pendant que le verre lui était porté à la bouche, ou ce qu’il en restait.

Dans son enveloppe quasi momifiée, la vie revint peu à peu. Gorgée après gorgée, le sang s’infiltrait, et son corps redevenait “humain”, les muscles se bandèrent, les tissus s’étirèrent, les muqueuses s’imbibèrent.
Il devint de plus en plus gourmand. Le sang débordait, et coula le long de son corps, trouvant un chemin entre ses guenilles et disparaissant au fil de sa course sur son corps renaissant.

Et puis elle arriva. Sa Présence, sa puissance, son aura. Elle enveloppa la pièce en quelques instants. Le silence fut brisé par ses mots, que personne ne comprit sur le moment. Ces mots venaient d’un temps et d’un pays bien éloignés.

C’est à ce moment que Dominic eut une merveilleuse idée : le forcer à utiliser sa force nouvellement acquise pour améliorer son apparence. Certes, Mahadi ressemblait désormais totalement à un mortel, mais surtout, il commençait à s’agiter. Sa bête commençait à prendre le contrôle, à vouloir sortir pour se nourrir et s’abreuver, crocs dehors.

Sa frénésie se calma et prit fin quand Elena lui murmura quelques mots… tandis que Dominic remplissait à son tour le verre de sa propre vitae. Une fois le verre vidé, son corps retomba, satisfait. Après quelques instants à nous observer, il ouvrit la bouche et une faible voix en sortit, parlant une langue ancienne et incompréhensible. Personne ici ne le comprit en tout cas.

Dominic se concentra et nous dit après un moment qu’il avait réussi à “discuter” avec Mahadi. Il était heureux et reconnaissant pour ce que l’on avait fait, mais se demandait surtout s’il est en sécurité et si l’autre était ici.

“Il sait que tu es ici, avec nous.” répondit Elena.

Mahadi semblait vouloir que l’on parte tous d’ici, en vitesse. Si Rutor savait, nous étions en danger. En très grand danger. Après quelques paroles et négociations pour que l’on détache ses mains, nous apprîmes que Rutor descendait d’un grand sorcier, qui jadis avait fait de sombres alliances à l’encontre de Dieu pour devenir plus puissant, grâce à un certain manuscrit volé pendant la guerre, maintenant finie depuis 800 ans.

800 ans que Mahadi était dans cet état également.
800 ans à servir de calice pour Rutor.
800 ans que le sang ancien de Mahadi, renforçait notre ennemi.
800 ans que le manuscrit, de rouge vêtu, guidait Rutor comme il avait guidé son maître.

Nous avons essayé de faire comprendre à Mahadi que le monde d’aujourd’hui n’était plus celui d’hier. Que de sa réalité, il n’existait plus rien. Mais également que, même si nous lui donnions l’occasion d’éliminer Rutor, il devrait rester avec nous.
Il avait toujours faim. Et il avait l’air bien décidé d’aller chasser dehors, pour nous épargner en guise de remerciement. Quand Dominique lui proposa de nouveau son bras, il ne répondit que “Connaissez-vous le sang des Assamites ? Êtes-vous prêt à accepter ce que cela engendre ?”

D’après les légendes, les Assamites étaient connus pour vider entièrement leurs proies de leur sang. Une Diablerie à chaque repas. Dominic baissa doucement sa manche.

Ses liens totalement ôtés, nous lui proposâmes de lui amener un repas ici et il accepta sous l’insistance de Dominic et de son pistolet. Ce que Mahadi avait dit n’était pourtant pas une menace. Mes compagnons finirent par souper eux aussi, pendant que j’attendais dans les confortables canapés des bains de Saint-Auban.

Une fois fini, Mahadi se releva humblement. Son corps s’était entièrement reconstitué et… il était imposant. Pas tant par sa carrure, que par son aura. Il ressemblait, par ses gestes, ses paroles et son regard, à un noble ; voire même.. à un roi ? Ce qui était sûr, c’est que ce n’était pas n’importe quel Damné que nous avions là.


Quelques jours passèrent, où Mahadi apprit sur notre monde. Nous lui avions même déniché une encyclopédie en Arabe ancien, qu’il arrivait à lire, pour qu’il puisse rattraper les siècles perdus. Les questions fusaient et il en avait conclut que la technologie était l’œuvre du Malin, créée par des sorciers dont nous devrions nous méfier comme de Rutor.

La vie reprit son cours aux Bains, Mahadi avait récupéré un salon privé pour sa tranquillité et son érudition, le monde allait et venait dans ce lieu de plaisir comme à son habitude.

Cette routine fut brisée par la venue d’un homme, créant un énorme silence parmi mes comparses. Un grand homme, imposant qui se dirigeait droit sur nous, sans animosité apparente. Themistocles fut le nom que j’entendis dans un chuchotement. L’allié de mes compagnons, qui leur a sauvé leurs non vies, est entré dans ces lieux pour la première fois. Et honora mon clan en m’appelant “Homme des étoiles”. Pour un Ravnos, cela était rare. Nous sommes plutôt habitués à la haine et à l’humiliation venant des autres lignées.

Il avait été, d’après ses mots, pris pour cible par les séides de Rutor, qui l’auraient retrouvé à cause du danger qu’il représentait pour ses plans. Thémistocle continua en nous informant que Ruthor était à la recherche de Sang ancien, pour finaliser ses plans. Et que ce sang ancien se trouvait à l’hôpital de la Grave. C’était la seule chance que l’on avait pour empêcher Rutor d’atteindre son but et de conserver nos chances de le battre.

Elena était réticente. La dernière fois qu’ils s’étaient confrontés directement à Rutor, elle s’était retrouvée séparée du groupe.

Après cela, la décision fut prise de présenter Mahadi à Thémistocle. Après tout, il était un allié. Dominique était allé chercher Mahadi, entouré de livres dans son salon.
“Le moment est arrivé.”
En redescendant, Dominic perçut un moment l’esprit de Mahadi. Sa lame pourrait enfin recommencer à punir les pécheurs de ce monde.

Quand Thémistocle aperçut Mahadi, il en resta pantois. Un sang ancien, un guerrier si puissant, avec nous, dans ce lieu si éloigné de son monde. Dominic procéda à une présentation rapide tandis que les yeux de Thémistocle scrutaient le moindre centimètre de notre invité.
Un Arabe ancien sortit de sa bouche lorsqu’il prit la parole. Mahadi, d’abord surpris, répondit agressivement à ce que Thémistocle venait de dire.
“C’est un drôle de compagnon que vous avez là. Il a connu des temps révolus, qui n’étaient qu’il y a quelques semaines pour moi, bien avant que je sois plongé en torpeur. “

Thémistocle rebondit sur ces dires : “ Cette alliance est bien étonnante : Un cathare, un Maure et des Damnés. Cela me rappelle un temps ancien dont j’aurais voulu ne jamais me souvenir.”
Il enchaîna en disant que, si Rutor avait déjà eu le sang de Mahadi, il ne devait lui manquer que celui de Dame Elyssa, retenue à l’hôpital de la Grave, pour compléter sa puissance. Notre objectif était établi, nous devions nous en emparer et la sauver !

Alors nous devions réunir toutes les forces disponibles. Après énumération de leurs alliés, Elena proposa son Sire, Nerio, ce barbare si musclé qu’il pourrait soutenir le monde à lui seul. Mais son camp n’était pas entièrement le nôtre. Nous disposions d’une heure. Thémistocle repartit se préparer et une tension s’installa.

Pendant l’heure de préparation, Elena contacta finalement Nerio. Nous pouvions faire un plan dans un plan. Dire à Nerio que d’ici peu, vers minuit, la Camarilla serait débordée et dispersée pour laisser le soin au Sabbat de passer à l’action – et disperser les sbires de Rutor pour nous.
Dominic s’était préparé une caisse avec un drone et son arme. Son costume était impeccablement repassé également. A Mahadi fut remis un couteau de cuisine. Il était doué avec les armes blanches, c’était le mieux qu’on avait sous la main. De mon côté, Livio et Indra, mes infants, s’étaient préparés avec quelques membres de la famille.

Et c’est là que le premier problème arriva. Elena reçut une réponse de Nerio. Elle était attendue à minuit moins dix pour aider Nerio et le sabbat.

Dominique proposa de lui poser un lapin, mais elle ne put s’y résoudre. Elle décida, après beaucoup d’hésitation, de suivre son Sire pour nous assurer une diversion suffisante pour laisser l’hôpital avec le moins de garde possible.


A 23h, nous étions tous prêts. Ma famille et mes Infants étaient là, faisant rugir leurs moteurs, prêts à partir au combat. Sur le chemin vers l’Hôpital de la Grave, Mahadi n’aimait pas beaucoup ces “chariottes du diable” et nous avons dû ralentir un peu. Sang ancien peut-être, mais bien faible face à une voiture !

Une fois arrivées, Dominic ouvrit la voie dans cette grande bâtisse. Il nous fit passer par le chemin qu’ils avaient déjà pris la dernière fois. Nous entrâmes dans les urgences, en ne passant pas inaperçus pour le personnel avec nos cuirs et nos armes, mais personne n’osa trop nous approcher. De là, nous rejoignîmes une aile de l’hôpital en travaux. Dominic souleva un grillage pour nous laisser passer et un de mes hommes resta ici pour surveiller nos arrières.

A l’intérieur de cette aile, l’odeur était prenante. Le renfermé et l’humidité s’étaient infiltrés partout. Devant nous, une pièce se présenta. Personne à l’intérieur. On ne put voir que les sacs de couchages disposés de manière anarchique et des réchauds ici et là avec des repas encore chaud dessus.
Cette salle, si vide, n’avait rien d’intéressant… à l’exception de cette gigantesque statue, à moitié dans l’ombre et pourtant si rayonnante. Cette statue ailée, armée d’une épée aussi haute que moi avait le visage voilé. Des inscriptions étaient gravées sur la face de son piédestal, mais nous n’étions pas là pour ça.

Dominic perçut rapidement une voix, plus en profondeur dans les sous-sols. Alors que nous nous dirigions vers l’escalier, une ombre bondit et Thémistocle se retrouva en quelques secondes à l’autre bout de la pièce que nous avions traversée.

Elle était là. Une Gargouille se tenait face à Thémistocle, qui avait d’ors et déjà répliqué et se battait pour sa vie.

“LIVIO, prends les hommes et occupez vous de ça.”

Livio, accompagné de Mahadi et de la famille s’occupèrent de cette créature, pendant que menés par Dominic, Indra et moi nous descendions l’escalier.
Un étage plus bas, une salle, ou plutôt une fosse. Un tas de corps, ceux des personnes vivant plus haut il y a encore quelques heures, avait été vidé de leur sang.

Les voix se firent plus fortes et plus claires. La voix d’Aymeric fut reconnue, un ancien Damné, proche de Dame Elyssa se trouvait encore un étage plus bas. Les escaliers descendus avec discrétion, le tableau se faisait plus complexe. Surtout que nous n’étions plus que trois.
En face de nous, une cave, avec des piliers. Au fond, un lit baldaquin, où se trouvaient Dame Elyssa et Aymeric. Ce dernier se disputait avec un homme, propre sur lui, d’un blond étincelant, si étincelant qu’on pourrait croire qu’il brillait dans la nuit. Jules de Grévy.

A notre droite, dans un renfoncement, une goule, le chauffeur de Dame Elyssa. Et au centre, devant nous, une deuxième gargouille. Serait-ce un des signes du zodiaque de Rutor? Les Gémeaux seraient-ils ici ?

Malgré notre discrétion, la gargouille nous repéra et s’avanca vers nous en nous ordonnant de ne pas avancer. Dominic lui répondit calmement, en sortant son arme et lui tirant dessus. Je le pensais plus diplomate que cela.

La gargouille se protégea de son aile, mais l’attention était maintenant sur nous. L’homme blond nous demanda ce que nous faisions ici. Dominic répondit – toujours calmement – que nous venions sauver Dame Elyssa de cet endroit. De Grévy enchaîna en disant qu’il était en mission pour son Prince, et que si nous partions maintenant, il demanderait lui-même clémence pour nous, face à son Prince, Rutor.

“Vous osez me parler de sanction et de clémence, à moi, Prince Ravnos? Écartez-vous et partez sans résistance ! Ou vous subirez ce que l’on réserve aux traîtres par chez nous.”
Ces mots furent les miens, quelques instants avant que les crocs de mon interlocuteur ne sortent et que ses yeux ne deviennent plus jaunes que ses cheveux. Une peur intense, profonde et bestiale m’emporta. Même ma Bête intérieure était terrifiée.

Voyant son Sire prendre peur, Indra sauta sur la Gargouille pour contre-attaquer. Esquivant un coup, Dominic rentra dans l’esprit de la gargouille en l’obligeant à devenir plus humaine et moins monstrueuse, lui prenant sa vitae au passage. Indra en profita pour bondir de la gargouille sur Jules de Grévy et le mordit.
A ce moment-là, encore terrifié et alors que je commençais à remonter les escaliers, un bruit résonna. La gargouille venait de tomber. Thémistocle se tenait alors devant moi, descendant. Il m’agrippa par les épaules et effaçant la terreur par ses mots en quelques phrases, et je redescendis.

De retour dans la pièce, Mahadi se trouvait derrière la Gargouille. Indra était toujours aux prises avec De Grévy et Enzo, le chauffeur, s’attaquait à Aymeric.

Le combat ne faisait que commencer.

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L'Ermite
V20 :: Introduction (Récit 2.21), Septembre 2020

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Limoges, septembre 2020

La ville était calme, à l’image de la Vienne, le long fleuve tranquille qui la parcourait. Malgré les efforts des mortels pour l’enlaidir, cette belle cité ressemblait beaucoup à celle qu’il avait connue dans le passé : un bourg sans surprise, sans vice, sans ambition.

Il y avait bien eu Aliénor d’Aquitaine, duchesse de province, qui avait étreint le trône de la ville par son séant confortable, et Richard de Coeur de Lion avait fait de même, ce rustre croisé bien loin de l’image qu’on se faisait du seigneur anglais.

Il les avait connus, et quelques autres, heureusement peu nombreux. Il s’était détourné des hommes après le massacre de Montségur, après avoir perdu sa protégée dans les flammes de Toulouse, après avoir vu son espoir monter sur le bûcher de la folie. Des jumelles de Constance de Toulouse, Béatrix avait été sa préférée, et c’était celle qui s’était éteinte en même temps que les flammes qui l’avaient dévorée. Sa sœur Sybille était plus déterminée, plus ambitieuse. L’une était la lumière, l’autre était l’obscurité, et le vieux Philosophe n’avait pas été étonné d’apprendre qu’Esclarmonde la Noire en avait fait sa descendance.

Il s’était éloigné de Toulouse après Montségur, et avait trouvé ermitage à Limoges, une ville parfaite pour qui veut rester paisible. Les siècles avaient coulé sans qu’il ne s’en aperçoive, et à présent qu’il contemplait pensivement les reflets de la lune sur les quais de la Vienne, il s’imaginait vivre encore deux millénaires de cette paix qu’il affectionnait.

C’est l’envol des canards qui le tira de sa rêverie nocturne. Leur soudaine envolée désordonnée réveilla ses instincts de prédateur les plus enfouis, et avant de comprendre ce qui se passait, Themistocle figea le temps.

Sur les bords du fleuve, les gouttes d’eau des éclaboussures semblaient léviter en l’air alors que les ailes déployées, les volatiles étaient immobiles en plein vol. Le Damné se tourna légèrement et aperçut celui que les canards avaient entendu, une ombre dans les ombres, figée elle aussi. Malgré la nuit, le philosophe le reconnut immédiatement. Marc Langer, le fidèle serviteur de Rutor, visiblement armé pour la guerre, s’était glissé dans les broussailles des quais pour prendre le vieux Brujah par surprise, pieu dans une main, hache dans l’autre. Non loin, d’autres hommes étaient postés, des Goules sans doute, toutes armées et prêtes pour une bataille sans retour.

La vieille méthode. Themistocles sourit. Langer avait été un chasseur de vampires qu’Inya, la Lieutenante de Rutor, avait Etreint, et visiblement, il n’avait pas oublié la façon de se débarrasser d’un Damné encombrant. Car si Langer était là, c’est que Rutor venait de décider que Themistocles était devenu un obstacle dans son plan pervers. Est-ce que les trois nouveau-nés avaient parlé ? L’avaient-ils dénoncé ? Le vieux soldat grec pesa toutes les options et leurs conséquences. Il finit par soupirer : désormais, Limoges ne serait plus le lieu de sa retraite paisible, il allait devoir trouver un autre refuge quelque part dans le monde pour fuir les mortels, les Damnés et leurs folies.

Mais d’abord, Langer.
Themistocles se plaça à côté du tueur, concentra son sang et relâcha son emprise sur le Temps.

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La Fin
W20 :: Récit 2.1, Septembre 2020

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Contribution de Prolixe
⇝ Introduction :

C’est la fin du monde. La mort de Gaïa. Si jamais la mort de Gaïa pouvait avoir un sens. Le Tellurien risque de s’effondrer sur lui-même. C’est certain.

Alors des forces convergent vers les Pyrénées et viennent, qui de sa propre initiative, qui comme envoyé du
sept de la Gloire du Soleil, c’est sur le territoire du sept de la Montagne de Givre que le dernier point de résistance s’est formé. Et c’est la dernière saillie qui n’est pas prise par l’avalanche.
_ * Pas une vraie avalanche hein, là je dis avalanche, mais y a pas de neige. Enfin si, il y a de la neige dans les Pyrénées, mais pas là, pas à St Machin. Quand je dis l’avalanche, c’est une image pour parler des forces du Ver. Non, pas une image sur du papier, une image dans la bouche. Non, pas vraiment dans la bouche… Rhaa tu m’énerves! *_

Autour du coeur du Caern, là où le Tellurien et l’Umbra se superposent, là où le rituel se tient, nous sommes présents, aux côtés des membres du sept. En son centre Peau de Lune, crinos en transe, tente de joindre un ancêtre, sous la litanie puissante et envoutante de Calixte le Maître du Rite. Ils se lient pour appeler un héros qui, par le passé, a défait les séides d’Abhorra.
_ * Ouais, je sais ce que ça veut dire séide. Ca t’étonne? *_

Mais c’est dans ce moment sacré, et dans ce coeur du territoire du sept, que l’ennemi a choisi de porter son coup. Une meute de Griffes rouges du sept de la Brèche bondit des fourrés. Ils sont nombreux, violents, tous en crinos.

Je m’élance au-devant d’eux et fouille déjà les entrailles de Saigne sous la pluie, qui semble guider cette meute. Quand Peau de Lune rompt sa transe et hurle, épée dressée… “Nul ne faillira”!
Portés par son élan, le combat redouble et Orée du vent a fort à faire contre un ennemi particulièrement massif.
_ * Il paraît que tous les théurges du canton sont horrifiés. Et ouais. *_

Alors que Peau de Lune s’écroule sous les coups d’une extrême violence de l’ennemi, une présence chaleureuse et puissante se fait sentir dans notre dos. De la taille de deux homidés, un fantôme barbu et à la tignasse rousse apparaît. Vêture primitive vaporeuse, c’est un guerrier qui a vu de nombreuses batailles.

Mais le combat redouble, un nouvel ennemi tombe, la moitié du visage arraché. Mais la vague des Griffes rouge nous submerge et, chacun à notre tour, nous nous écroulons. Le noir se fait, autour de nous et seuls les râles des loups qui agonisent nous parvient encore.
_ * Tiens, j’étais jamais mort moi. C’est toujours comme ça? *_

Nous reprenons nos esprits et nous flottons. Non. Nous ne sommes aussi lourds que d’habitude. Deux lupus et un crinos. C’est l’Umbra. Typique. Un air vivifiant chargé d’embruns vient nous aider à ouvrir complètement les yeux. Nous sommes trois. Peau de Lune, Orée du vent et moi. Nous sommes sur un promontoire qui surplombe un océan de nuages bleutés. Ça pourrait être beau et exaltant, mais je sais où nous sommes.

Des pas derrière nous, l’ancêtre, le géant. Il est maintenant à une taille plus ordinaire mais reste spectral. Il s’adresse à Audric : “tu m’as appelé, me voici.” Audric met un genou en terre.

Orée du vent murmure “Ne sommes-nous pas en Terre de l’été”?
_ * Si seulement. Orée du vent m’a l’air d’être un grand savant sur les choses. Un loup qui en a dans la caboche. Mais, les terres d’été? Sérieusement? *_

Nous sommes morts. Et nous sommes dans l’Umbra Sombre. La terre des défunts oubliés. Le vortex qui aspire ceux dont on n’a pas besoin de se souvenir. Faisant appel au plus profond de ses connaissances, Orée du vent acquiesce.

Nous portons chacun une large paire d’ailes. Et elles semblent fonctionner! Ca doit avoir un rapport avec Chouette.
_ * Des fois, je suis tellement malin que je m’en épate moi-même. *_

A bien y regarder, Orée du vent est transformé en profondeur. Son pelage ressemble davantage un plumage duveteux, de minuscules petites plumettes. Il doit être très proche du Harfang pour en revêtir la livrée.
Peau de Lune rayonne de toute la majesté de son sang et pour ma part, je suis recouvert d’une légère couche de neige fraiche qui volette autour de moi.

Mais l’arpenteur silencieux vise mieux pour le second trait, il reconnait Aidan Voit-loin, qui a connu de nombreuses batailles.

Voit loin nous questionne, veut savoir qui nous sommes. Il se présente comme un Hurleur Blanc, cette antique tribu au destin funeste et maintenant disparue. Ce héros ancien détecte en Peau de Lune l’odeur du Grand Cerf, le Mégalocéros. Il a l’impression de le retrouver.

Le Crocs d’argent explique son combat, raconte sa crainte de voir ré-émerger la guerre entre les races, alimentée par Haine. Voit loin compatit, il veut aider Peau de Lune et empêcher les horreurs du passé de ressortir. Mais pour nous autres, Orée et moi, c’est l’océan des souvenirs oubliés qui nous attend. Nous allons nous évaporer.
_ * Franchement, ça me ferait mal! Et mon combat légendaire? Et ma mort riante sentant le sang de mes adversaires couler dans la gorge et se mêler au mien? Et Gaïa? Peut-être que ça intéresse un arpenteur, mais pas moi! *_

Peau de Lune défend notre cause et plaide la nécessité que nous formions une nouvelle meute pour résister à Aborrha et renverser leSeigneur Acier. Nous sommes les héros, les héraults, de Chouette. Nous devons pouvoir accomplir notre devoir.
_ * Alors là. J’ai rien compris. Il bégaie? *_

Des spectres commencent à sortir de l’océan. Intrigués et de plus en plus nombreux, ils se rapprochent. Notre spectre à nous, Aidan Voit loin, nous incite à plonger et nous dissimuler sous les brumes pour éviter ces flaïels.
_ * Oui, il ya des spectres, et des spectres. Je sais, c’est pas simple, mais quand on veut survivre ici, il faut savoir faire la différence entre le bon spectre et le mauvais spectre. T’as pas saisis? *_

Peau de Lune use de sa prestance et de sa colère pour éloigner un temps les flaïels mal intentionnés. Voit loin accepte de nous aider à continuer notre lutte. Mais il nous faudra négocier notre retour auprès de certains esprits puissants pour fouler à nouveau le monde matériel. La cause qui nous anime sera notre seul moteur et la seul ancre dans le Tellurien. Nous consacrerons le reste de notre âme et de notre destin à la destruction d’Abhorra et de son envoyé. Voit loin nous servira de guide.

Nous empruntons un airet, ces sentiers étranges et changeant de l’Umbra qui parcourent les royaumes. S’en éloigner est dangereux. Mortel. Si la mort a un sens ici. Nous nous envolons, et c’est grisant, exaltant, c’est comme courir, mais dans les trois dimensions. Je vole, j’exulte. Et évidemment, je m’éloigne. Moi. Le coureur d’airets, le chasseur de l’Umbra. Les spectres, à distance et impressionnés par la colère de Peau de Lune, nous suivent néanmoins et se rapprochent de moi, ils me tournent autour et me harcèlent mais je parviens à résister et à rejoindre mes compagnons. Je ne suis pas seul. Je suis effrayé par l’idée d’avoir pu me perdre.

Nous finissons par arriver en vue d’un palais majestueux. Hispanisant et orné de nombreuses colonnades, il aurait sa place dans une collection de style Al Andalous. Nous pénétrons en son sein. Un hall immense aux plafonds culminants à plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Des enfilades de colonnes à ne plus pouvoir les compter. En son centre, un espace s’élargit, flanqué de quatre immenses statues équestres. Quatre guerrières colossossales brandissent des lances iridescentes pointant vers le centre. Au fond de cette immense nef, une volée d’escaliers monumentaux aboutissent à un trône. Nous sommes dans le temple palatin des Furies Noires. C’est là que séjournent les héroïnes de la tribu.
_ * Pfffou… beaucoup trop de mots, là. Je me suis arrêté à “Nous” *_

Des gardes, féminines elles aussi, nous barrent la route. Les guerrières sentent le miel et le reste du palais développe des arômes de de rosée du matin sucrée. Une musique discrète et envoûtante semble vibrer dans l’air. Le lieu est régenté par Mia héroïne des héroïnes, adversaire acharnée de la Pulsion de Haine.
_ * Si, c’est vrai! elles sentent le miel ! *_

Les gardiennes nous questionnent sur nos identités et sur nos volontés. Elles ne semblent pas percevoir Voit loin qui pourtant reste à nos côtés. Notre masculinité, même sous nos formes actuelles semble les interpeller. Néanmoins elles nous laissent passer et monter les marches vers le trône.
_ * Tellement triste de laisser cette odeur derrière nous… *_

Mia rayonne littéralement et sa présence semble déformer l’espace et la lumière autour d’elle. Reine et conseillères, nous sommes face à d’authentiques légendes. C’est Orée du vent qui a le courage de prendre la parole. Il vante les mérites de Peau de Lune, la pureté de nos intentions et l’impérieuse nécessité de notre tâche et de la chute du lieutenant d’Aborrha.

Ces mots résonnent pour Mia et celle-ci nous narre son histoire. Lorsqu’elle foulait le monde matériel, luttant contre l’oppression des hommes et des ennemis de Gaïa, Mia eut à faire face à un certain Simon de Montfort, seigneur de Mont l’Amaury et grand tourmenteur de ses contemporains. Elle parvint, avec l’aide de ses soeurs, à le pousser au trépas. Mais la colère et la haine l’ont accompagné dans l’Umbra sombre et ont attiré l’attention d’Aborrha. Simon de Monfort et le Seigneur Acier ne font qu’un. Et il est plus fort que jamais. Une armée est à ses côtés.
_ * Moi j’ai rien compris. Va falloir se battre? *_

Mia ne peut que nous accorder ce que nous lui demandons. Elle-même brûle d’agir mais ne le peut. Elle nous met en garde sur la nécessité d’unir les meutes, car seuls nous n’y parviendrons pas. Une alliance avec les serviteurs de la Tisseuse pourrait même s’avérer nécessaire. La force est indispensable, mais l’intelligence est nécessaire.
_ * Je t’ai dit que les gardiennes sentait le miel? J’aime bien ça, le miel *_

La Furie Noire peut nous accorder un retour sur le monde matériel, mais elle nous propose également un autre choix. Commencer la lutte dans l’Umbra. Monfort continue sa lutte au Champ de Guerre, ce royaume éternellement martial de l’Umbra. Nous pourrions nous y rendre pour le défaire. Si cette action nous révélera à ses yeux, la victoire sur le champ de bataille nous permettrait également d’ajouter à la colère et à la haine un autre sentiment. La peur.
_ * Ben oui, il suffit de le défaiter! défaiser? défaillir? déféquer? enfin le batter quoi…"_

C’est évidemment cette solution que nous choisissons. Comment refuser un combat héroïque dans un royaume entièrement dédié à cela? Une conseillère s’approche de nous et nous entraîne vers l’extérieur. Au seuil du palais, le vide. Rien. Un néant absolu. Seules douze sphères gravitent au loin, comme de gigantesques perles au cou de l’Umbra. Douze Royaumes et tout un entrelac scintillant de filins fragiles. Les airets. Champ de Guerre ne nous attend pas. Seigneur Acier non plus. Ils vont apprendre à nous connaître.

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La Cérémonie
W20 :: Introduction (Récit 2.1), Septembre 2020

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La Bastide de Sérou, septembre 2020

L’Europe était en feu. Au cœur de chaque territoire, de chaque Sept, de chaque Meute, de chaque Garou, était né le sentiment de connaître la fin d’un monde, d’assister à la mort de Gaïa avec une injuste impuissance. Tous, en leur âme, en leur esprit, voyaient s’envoler l’espoir de remporter cette lutte contre les séides du Ver et de la Tisseuse.

Et pourtant, tout n’était pas perdu. Les regards étaient braqués sur un petit Sept du sud de la France qui avait réussi à trouver un allié improbable : un esprit ancestral capable de défendre son territoire de vie face au Ver, le Mégalocéros. Une Meute soudée avait réussi à retrouver un fétiche unique et à s’harmoniser à lui. Le cœur de leur Caern avait été fusionné avec l’esprit de l’esprit animal, et un sanctuaire sacré s’était dressé face à la haine qu’apportaient avec eux les flaïels du grand esprit mauvais, le Seigneur Acier.

Ce dernier avait dressé projet de quitter les royaumes astraux du Ver et de fouler à nouveau Gaïa pour répandre la parole de son mentor, Abborah, démon majeur de la Haine. S’il n’avait pas encore réussi à franchir les frontières du monde terrestre, ce n’était qu’une question de semaines, peut-être de jours avant que cela n’arrive, et déjà, ses séides orchestraient des luttes, des guerres, réveillaient les anciennes jalousies, proféraient des menaces et jouaient avec les nerfs des humains pour offrir au Seigneur Acier un monde de Haine qu’il n’aurait alors qu’à embraser de quelques mots.

Pour le retarder – ou mieux, le vaincre – des Garous de toute l’Europe s’étaient présentés aux portes du Sept de la Montagne de Givre. Parmi eux, Orée du Vent, un sage Arpenteur Silencieux guidé par Chouette jusqu’ici, et Debout sous la Pluie, un Fils de Fenris qu’une bataille majestueuse et sans doute apocalyptique, n’effrayait pas, bien au contraire.

Ces deux fiers Garous se tenaient, avec quelques autres, autour d’un cercle de pierres dressées, au cœur du Caern de la Montagne de Givre. Ils accompagnaient par leurs chants, leurs hurlements lupins, le Maître des Rites qui baignait Audric “ Peau de Lune “ dans les fumées de l’Umbra, à la recherche d’un Esprit Ancêtre. Le savoir était la clef, tous le savait, et les Garous cherchaient à invoquer l’Esprit d’un puissant Guerrier ayant vaincu la précédente incarnation du lieutenant d’Abborah. Le rituel était compliqué, la tension était palpable, une odeur acide se dégageait de l’Umbra, mais rien n’arrêterait les théurges qui sanctifiaient Audric et sa lame…

… Et les loups attaquèrent à ce moment-là. Partout autour d’eux, des formes lupines bondirent sur les membres de la Montagne de Givre, les prenant par surprise, eux qui se pensaient protégés par le Sanctuaire. Les loups fondirent en meute sur les ritualistes, et certains prirent leur forme naturelle, celle de Garous puissants portant les marques des Griffes Rouges. Le Sept de la Brèche venait en force pour se venger de la perte des siens, aveuglés par leur haine fratricide.

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Le Sire
V20 :: Récit 2.20, Septembre 2020

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Contribution de Kapryss

⇝ Introduction :


Les jours s’accumulèrent, devenant des semaines. Peut-être même des mois. Difficile à dire, comme le temps n’a plus d’emprise sur les Damnés.

A l’égard de la coterie, Rutor avait fait preuve d’une grande indifférence, le Tremere avait délibérément, effrontément ignoré Dominic, Alex et Elena lorsqu’il les avait croisé à l’Elysium. Dans le même temps, le Comte Arzailler avait semblé en proie à une inquiétude grandissante, sous la pression de la Cour de Paris. Cette même Cour qui, à l’inverse, avait semblé se désintéresser d’eux – Charles de Sens n’écrivait plus, et laissait sa protégée Ventrue et ses alliés livrés à eux-mêmes. Les Tremere de Paris, contactés par Dominic, n’avaient pas davantage manifesté leur soutien, lui ayant ri au nez à son récit des découvertes… Seul Themistocles, le Philosophe de Limoges, les avait parfois contacté par l’intermédiaire d’ Argo, se montrant soucieux de leur avenir.

Elena frissonna, remontant le col de son manteau sur son nez alors qu’elle passait la porte des bains de Saint-Aubin. Dans son dos, elle ressentit le regard inhumain et froid, inquisiteur de la gargouille qui l’avait suivie depuis la discothèque… Elle ne s’y faisait définitivement pas. Comme ses deux comparses, elle était surveillée dans le moindre de ses mouvements par les sbires de Rutor.

Ils n’avaient pas chômé : se sachant en danger, Dominic et Elena avaient œuvré ensemble à renforcer la sécurité de leurs deux planques, les bains et la discothèque. Des vigiles supplémentaires, des pièces cachées, ils n’avaient pas lésiné sur les moyens. Dominic avait même installé dans le sous-sol des bains un atelier, dans lequel il travaillait consciencieusement sur des drones. Il disait vouloir se battre à armes égales avec l’ennemi.

Mais l’ennemi était multiple. Rutor, évidemment, mais également les Mages, qui n’avaient pas refait surface – ni les Soeurs de Fanjeaux, ni les hommes de la Technomancie. Et que penser du Damné en torpeur qu’ils avaient sorti du domaine de Rutor ? Celui-ci avait toujours dans le cœur le pieu planté par Alex, et était sujet de débat au sein de la coterie. Il s’agissait clairement d’une cible du Tremere, mais l’ennemi d’un ennemi était-il forcément un ami ?

De retour aux bains de Saint-Aubin, Elena interrogea Dominic du regard, et celui-ci secoua la tête par la négative. Tout deux étaient inquiets : Alex avait disparu depuis plusieurs jours et au fil des recherches, les rares témoins avaient rapporté un incident dans une ruelle, clairement d’origine surnaturelle. Jusqu’ici, ils n’avaient pas retrouvé le corps du Gangrel, et gardaient donc espoir.
Leur dialogue silencieux fut interrompu par Emi, la goule d’Elena. Une jeune femme demandait à la rencontrer, elle répondait au nom d’Indra.

Si le cœur d’Elena battait encore, il aurait sans doute manqué un ou deux battements. Elle accepta l’entrevue avant même que Dominic n’aie pu réagir, et Emi ouvrit la porte à la visiteuse avant de s’éclipser. Avec assurance, silencieuse et souple comme un félin, une jeune Damnée tzigane entra.
Elle respirait la fougue et la liberté, contraste étonnant avec l’attitude digne et toute en maîtrise de soi de la Ventrue. Et pourtant, leurs regards s’étaient liés à l’instant même où la nouvelle venue était arrivée.

« Une rumeur est parvenue jusqu’à nos rêves, sœur. Celui dont le nom inspire la peur serait sorti de l’anonymat… Nous nous sommes installés au Nord de Toulouse. Mon Sire aimerait te rencontrer, cette rumeur l’intéresse grandement. »

Quelques minutes plus tard, Indra revint, accompagnée d’un Ravnos d’une grande prestance. Un bel homme, charismatique, lui même accompagné de plusieurs suivants, mortels et goules.
Dominic ne semblait pas rassuré par la présence de ces tziganes dans leur refuge, mais il faisait confiance à Elena. Il entreprit, par précaution, de renvoyer chez eux tous les mortels qui composaient le personnel des bains et de fermer l’établissement pour le reste de la nuit.

Le Ravnos se nommait Nanosh, il était le Sire d’Indra et de son frère de sang Livio. Un Prince, non pas de la Camarilla mais de la liberté, leur expliqua-t-il. Il confirma ce qu’avait déjà expliqué son infante, à savoir qu’il avait été réveillé dans son Rêve par un cauchemar qui portait le nom de Rutor.

« Est-ce vrai ? Est-ce vrai que sa tombe a été découverte il y a 200 ans ? »

A ses interrogations, Dominic et Elena répondirent qu’effectivement Rutor foulait librement le sol de Toulouse, et ils révélèrent l’ampleur de ses projets, sa couverture Victorien Charlier, ses nombreux alliés… la seule exception à leurs explications fut l’existence de Themistocle, le Philosophe. Celui-ci leur avait fait promettre de garder le secret, ils ne désiraient pas rompre ce serment.
La discussion fut interrompue soudainement par l’arrivée d’un visiteur désireux de rencontrer Elena. Dominic alla à sa rencontre, laissant la Ventrue en conversation avec les Ravnos puisqu’aucune animosité ne transparaissait ni d’un côté ni de l’autre.

Quelle ne fut pas la surprise du Tremere en se retrouvant face à un homme décharné, hagard, dans un état visiblement second… comme un zombie, la goule – que l’on avait sans doute malmené psychiquement plus d’une fois – récita le texte qu’on lui avait ordonné de rapporter.

« J’ai un cadeau pour Elena. »

Inquiet, Dominic projeta son esprit à la rencontre de celui du pauvre mortel. Il y vit des images… celle, d’abord, du Maître. Grand, si puissant, si généreux, il le choisissait pour lui offrir son sang, et lui, heureux élu, était fier, pressé de goûter à ce sang, pour ressentir encore une fois le bonheur et le plaisir intenses. Et puis une autre image, celle d’Alex inconscient, dont l’on traînait le corps inanimé jusqu’à un entrepôt peu avenant. Encore une autre image, celui du Maître qui lui demandait d’aller porter un message à Elena, aux Bains de Saint-Aubin. Oh, comme il serait fier une fois le travail accompli, il récompenserait, avec son sang, oui !
Le Damné s’arracha à l’esprit de la goule et s’ébroua. Il avait sa réponse : le cadeau était un message de Nerio, le Sire d’Elena.

Il informa la Ventrue de ces découvertes, et elle consentit à aller à la rencontre de la goule pour écouter le message. Nerio la convoquait dans un entrepôt, cette nuit-même, désireux de la rencontrer. Dans le cas d’un refus ou d’agressivité de sa part, il tuerait tout simplement Alex.
Elena était désemparée. Alors qu’elle expliquait à Nanosh et Indra qui était Alex, Dominic installa un mouchard GPS sur la goule afin de tracer ses mouvements futurs – peut-être ainsi pourraient-ils en apprendre plus sur les planques de Nerio. Finalement, la décision fut prise de se rendre à l’entrepôt. Alex avait beau être un Gangrel insupportable et rebelle, Elena n’aurait jamais pu se résoudre à le laisser à la Mort Ultime sans rien tenter.

La Kadjar se gara une heure plus tard devant le fameux entrepôt. La zone était mal famée, mal éclairée, faite de vieilles usines et de hangars à l’abandon, un cadre sinistre. Sans hésiter, Elena se dirigea vers un homme qui montait la garde devant l’entrepôt, talonnée par Dominic et Nanosh.

« C’est toi Elena ?
- Oui.
- Il avait pas dit « seule » ?
- Non. »

Il haussa les épaules, et s’écarta de l’entrée.
A l’intérieur de la pièce, l’atmosphère était lourde, le temps semblait suspendu. Plusieurs Damnés se trouvaient là : deux brutes à la mine renfrognée qui regardèrent entrer les intrus d’un air suspicieux, Nerio, immense et élégant, ainsi qu’*un Gangrel blond*, maigre et voûté, qui se penchait avec un regard d’animal visiblement envieux de mordre sur un autre Gangrel, couvert de sang et lourdement enchaîné dans un coin. Alex.

Nerio prit la parole et s’adressa à Elena. Il décrivit, avec un calme glacial, la liberté que représentait le Sabbat face au carcan insupportable de la Camarilla. Il avait ouï dire que cette dernière à Toulouse était proche de vaciller, et il tenta de convaincre son infante de le rejoindre, de prendre place auprès de lui dans la meute du Sabbat, afin de renverser la Cour d’Arzailler.

« Tu as trop longtemps été bercée par le doux envoûtement de ces dormeurs, de ces Mathusalems et Antediluviens dont la non-vie est aussi immobile que la torpeur… Viens avec moi. Nous balaierons la Mascarade, ensemble. Il est temps que règne la liberté sur Toulouse. »

Quelques semaines auparavant, Elena aurait farouchement refusé cette offre. Mais depuis, le sentiment d’abandon par Charles de Sens, la peur de l’impuissance face à Rutor avaient grandi en elle, et elle était désormais en proie au doute.
Dominic était moins hésitant, et préparait déjà mentalement un plan d’attaque. Il utilisa sa magie Tremere pour sonder discrètement les présents, afin de s’assurer de leur nature Damnée, et estimer leur puissance.

Nerio s’intéressa subitement à Nanosh, qui affichait un sourire narquois, visiblement peu inquiet de la situation.

« Et toi ? Que viens-tu faire dans cette équation ?
- J’accompagne. Crois moi, si j’avais voulu te nuire, tu aurais déjà perdu ta non-vie.
- Silence. »

Le Prince Ravnos n’eut d’autre choix que d’obéir face à l’ordre lancé par le Ventrue. Pour autant, il ne se départit pas de son sourire et croisa les bras, comme pour attendre nonchalamment que l’effet se dissipe.

« Alors ? Te joindras-tu à moi, ma fille ? »

Elena avait repris contenance et aplomb. Elle répondit par une question en retour : pourquoi maintenant, après dix ans de silence, subitement s’intéresser à sa non-vie et requérir son aide ? Nerio ne répondit pas clairement, se contentant de renouveler ses belles promesses de liberté, et d’une belle place à ses côtés dans la nouvelle Toulouse défaite de ses carcans. Dominic intervint, et tenta subtilement d’en apprendre davantage sur l’identité de son propre Sire.

« La Camarilla nous a tout appris. Tout ce que nous savons depuis notre étreinte, nous lui devons. Nos Sires nous ont abandonné à la Mort Ultime, nous ne savons même pas qui ils sont à l’exception d’Elena. »
La voix enrouée, rauque d’Alex, rebelle comme à son habitude, lui répondit.

« Aucune importance. C’est pas ton vrai Père. »
Il se tourna vers le Gangrel blond et lui cracha au visage.
« Comme moi, de toute façon, c’est Gassan mon vrai Père. »

La réaction du Gangrel – son Sire, comprirent ses compagnons – fut immédiate : il le saisit à la gorge et ses griffes s’enfoncèrent dans sa chair, faisant perler le sang frais sur celui, séché, qui maculait son cou.
Nerio, ignorant complètement le Gangrel et son bourreau, consentit à donner le nom du Tremere qui avait étreint Dominic, un Tremere dénommé Constantin.
Un beau mensonge dont Dominic ne fut pas dupe. Usant à nouveau de sa télépathie, il alla lui-même arracher à l’esprit du Ventrue les informations qu’il avait tant recherché.

Son Sire s’appelait Amalt, et partageait avec Nerio un lien fort. Tremere anti-tribu, il avait été élevé par son propre Sire, Rutor, mais les deux s’étaient quittés dans un esclandre et c’est Nerio qui avait servi de père à Amalt, le protégeant de la traque lancée sur lui par les Tremere. Récemment, Amalt et Nerio s’étaient disputé, à la suite… d’une trahison, peut-être.

Avant de pouvoir en tirer d’avantage d’informations, Dominic fut arraché à sa concentration par un cri de douleur d’Alex. Celui-ci avait tenté de paralyser son agresseur à l’aide de son regard ophidien, une discipline enseignée par Gassan, mais il avait échoué et la pression des griffes sur sa gorge s’était fait plus forte. Le sang coulait abondamment à présent.
Conscient que la situation dégénérait, Nanosh tenta d’avancer plus loin dans l’entrepôt, mais Nerio lui barrait la route. Il sortit alors, prétextant devoir prendre l’air, et fit le tour du hangar, silencieux comme un rêve. Il s’appliqua à crever les pneus de tous les véhicules, empêchant ainsi qu’on les poursuive s’ils devaient éventuellement fuir. Cela prit quelques minutes, après quoi il entra de nouveau dans l’entrepôt par l’arrière, et parcourut les salles jusqu’à retrouver les autres, se plaçant derrière Nerio sans que celui-ci ne remarque sa présence.

A l’intérieur, Elena usait de ses pouvoirs Ventrue pour ordonner au Gangrel de cesser de torturer Alex. Nerio réitérait son offre, ses promesses, et la négociation peinait à évoluer. Elena hésitait, Dominic lui-même commençait à douter.

Et puis d’un seul coup, le Sire d’Alex revint à la charge, blessant à nouveau gravement Alex, qui peinait de plus en plus à contenir sa Bête Intérieure. Consciente qu’il s’agissait de chantage pour la faire céder et que cela ne cesserait pas, Elena abdiqua, acceptant d’aider Nerio. Celui-ci, en conséquence, ordonna immédiatement au bourreau d’arrêter de jouer.

« Non… je n’ai pas fini. »

Sous le regard horrifié, impuissant de ses compagnons de coterie, Alex fut plongé en torpeur par son Sire qui planta, avec un regard malsain et dénué de pitié, ses griffes profondément dans son corps et le laissa là, inconscient, se vider de son sang, toujours entravé de ses chaînes.
Nerio entra dans une grande rage et lança un puissant ordre Ventrue : « Recule ». Effrayé, comme un animal craintif, le Gangrel fila se cacher dans un coin sans demander son reste.

C’est Nanosh qui brisa le silence, faisant sursauter Nerio. Il déclara accepter lui aussi le marché du Sire d’Elena, et se dirigea, confiant et fier, vers la porte d’entrée. Elena et Nerio échangèrent leurs numéros de téléphone, puis les Damnés de la coterie récupérèrent le corps de leur ami en torpeur avant de sortir à leur tour.
Nanosh tenta, par sens de la provocation, d’attaquer le garde à l’entrée. Mais l’homme – plutôt la goule – était puissant et esquiva facilement. Le Ravnos rit, peu rancunier, et retourna à la voiture avec Elena et Dominic.

L’état d’Alex était très critique, et Elena dut le nourrir d’une grande quantité de son propre sang afin qu’il survive au voyage. Une fois arrivé au domaine des Bains de Saint-Aubin, il fut emmené au sous-sol afin que son corps soit à l’abri le temps qu’il guérisse. Cela prendrait sans doute du temps…

Les tziganes qui composaient la Cour de Nanosh étaient toujours là, et s’étaient instinctivement placés en défenseurs des Bains, pour permettre à leur Prince et à ses nouveaux alliés de recouvrer leurs forces un moment. Puis, Nanosh décida de renvoyer ses sujets à leur campement, au Nord de Toulouse, tandis que lui s’installait au domaine comme nouveau membre de la coterie des Infants Perdus.

Les trois Damnés restants débriefèrent la rencontre avec le Sire d’Elena. Moins attaché à la Camarilla, Nanosh était assez confiant quand à la décision d’Alliance qui avait été prise. Dominic quant à lui la trouvait risquée : un Tremere qui se détournait de la Camarilla était voué à la Mort Ultime, par un sort très puissant qui liait le Clan. Mais contre Rutor, tous les alliés étaient finalement bons à prendre. Il leur fallait rassembler autant d’aide que possible.

Tenter de faire, de tout ennemi de leur ennemi, un ami.
Il était temps de réveiller Mahadi.

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Le Gangrel
V20 :: Introduction (Récit 2.20), Septembre 2020

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Toulouse, Septembre 2020

La lune était rousse dans le ciel toulousain, comme gorgée du sang des innocents. De rares nuages ponctuaient la voûte céleste, et le Vampire resta un moment à les observer, cherchant à y voir des animaux fantastiques ou des monstres de cauchemar. Sans résultat. Il haussa les épaules et se concentra à nouveau sur sa proie, en contrebas des toits sur lesquels le Gangrel patientait.

Dans la ruelle, un jeune Damné discutait à la sortie d’une discothèque avec une future victime. Le Gangrel le connaissait bien, il le traquait depuis des semaines. Depuis que Nerio lui avait confié son plan, depuis le début de la Guerre du Sang. Plusieurs villes étaient déjà tombées entre les mains du Sabbat, et Nerio voulait faire de Toulouse la capitale Sabbate française. Trimblio le Gangrel l’aurait suivi jusqu’en enfer si le Ventrue le lui avait demandé, alors pourquoi pas Toulouse.

Surtout que cela lui permettait de renouer avec son Infant, cette petite chose ridicule qui pavanait sous cette belle lune rousse au pied de cette boîte de nuit. Jamais Trimblio n’aurait imaginé que la Camarilla laisse survivre des Infants du Sabbat, et il était impatient de planter ses crocs dans le cou de sa progéniture pour goûter sa vitæ, connaître ses souvenirs, ses petits secrets, ses sales habitudes, ses vices et ses peurs.

Ne tenant plus en place, le Gangrel prit la forme d’un grand rapace et fondit sur Alex, en contrebas. Il s’abattit sur lui toutes griffes dehors, et son bec plongea dans ses chairs mortes avant de reprendre forme humaine. L’Infant était aux prises avec son Sire, son véritable Sire, et la rencontre serait brève mais – Trimblio l’espérait – intense.

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