Campaign of the Month: December 2021

Le Sang versé d'Occitanie

L'Oeuvre
Ars Magica :: Introduction (Récit 3.7), octobre 605

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Fanjeaux, octobre 605

Dans les profondeurs de la Terre, une lente mélopée s’élevait et résonnait contre les parois de la caverne. Les ouvriers avaient bien avancé, et les fondations du temple avaient été consolidées. A présent, sous les poutres et les portants, les chants montaient vers la surface, puis vers le ciel, à qui ils étaient destinés.

Devant elle, des centaines de fidèles s’étaient assemblés. A genoux, ils priaient et imploraient les révélations qu’elle pourrait leur apporter. Elle les regardait, en silence, de sa hauteur, alors qu’ils amenaient vers elle moutons, chèvres, veaux et vierges, qu’ils offraient en sacrifice espérant sa bénédiction. Le sang des sacrifiés coulait à ses pieds, et elle aimait ça. Un sourire était dessiné sur son visage.

Assise, ses ailes déployées, elle observait, muette, les efforts des pêcheurs pour obtenir ses faveurs. Elle tenait une épée devant elle, puissante, menaçante. Certains y voyaient l’épée de la Justice, mais en vérité, c’était l’épée de la Haine que leur sang abreuvait. Elle souriait.

Elle était le chœur des Dominations. Elle était l’envoyée du Ciel, celle qui ordonne. Elle décidait ce qui devait être fait, au nom de Dieu. Et avant que ces serviles fidèles ne se mettent à genou devant la croix, elle avait été l’envoyée du Jupiter, capable d’abattre la foudre sur les mécréants, les incroyants.

Elle était aussi vieille que le monde, mais elle ne lui appartenait pas. De qui elle était l’œuvre ? Elle même l’avait oublié. Mais elle avait un but. Un but de colère, de brûlante vengeance. Voici ce qu’elle était. Statue de pierre, immobile à jamais, elle insufflait la haine à ceux qui la contemplaient.

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Innocent
Vda :: Récit 1.11, septembre 1226

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Contribution de Breloque
⇝ Introduction : La Princesse b_princesse.png

Toulouse, 19 septembre 1226

Peu après le crépuscule, Sophia annonce à ses comparses qu’elle doit partir pour une mission urgente, qui ne devrait pas durer trop longtemps.

La fidèle goule d’Adhémar est missionnée pour trouver une nourrice pour s’occuper du nourrisson orphelin né parmi les monstres de la nuit la veille.

De son côté, Dame Esclarmonde reçoit le Prévôt de Toulouse, Urraca Sanxes de Lérida. L’entrevue dure un peu plus de trente minutes.

Dans trois jours, un prince sera désigné dans la ville de Toulouse au château Narbonnais qui fait office d’Elysium de la ville lors de la prochaine Assemblée des Anciens.

Folch arrive à la maison comtale où les vampires de Béziers résident. Il est accompagné d’un singulier personnage. Un damné au visage monstrueux, la peau couleur de cendres, les canines protubérantes. Il porte une armure noire sur son imposante silhouette.

Dame Esclarmonde, dans son infinie bonté, confie un nouvel allié aux damnés biterrois, qui connaît bien les sombres recoins de la cité toulousaine. Il se nomme Innocent, un Nosferatu du cru.

La Reine convoque d’ailleurs les trois vampires pour une entrevue. Dans la chambre à côté, un bellâtre à demi vêtu sur qui la Dame vient de se nourrir. Elle et Innocent évoquent les personnalités ayant un droit de vote au Conseil et quelles sont les pistes pour les convaincre de faire le seul bon choix.

Les damnés désormais menés par Innocent se rendent au Château Narbonnais peu après Dame Esclarmonde. Adhémar salue les majestueuses statues qui ornent le hall, puis les vampires vont se présenter au chambellan et au prévôt, en respect de l’étiquette vampirique. Ce dernier demande à s’entretenir avec Sebastian et Fortunat. Il s’inquiète de l’hérésie caïnite et fait savoir son hostilité aux cathares.

Les trois vampires vont ensuite rencontrer Salim Al-Ahzan, l’ambassadeur Assamite. Ce dernier n’est pas insensible aux sujets des arts et des sciences, chers à la coterie. Les damnés font l’éloge du projet de Dame Esclarmonde visant à établir un âge florissant et insistent sur le fait que lui et les siens n’auront rien à craindre quand elle accéderait au titre de Reine.

La discussion à peine terminée, c’est le nordique Arnaud Fils de Willa qui fait une entrée tonitruante dans le Château Narbonnais. Il apostrophe Esclarmonde avec morgue et véhémence. Mais elle répond avec douceur et prestance, faisant irradier de mille feux son aura. Lucita, la Lasombra à la tête des frères prêcheurs, y résiste et a regard fort réprobateur envers la Toréador : après tout, il n’est pas convenable d’utiliser des pouvoirs de disciplines dans un lieu neutre tel que le Château Narbonnais.

Innocent guide discrètement Sebastian et Adhémar à travers les ruelles enténébrées de la ville, évitant les patrouilles de gardes jusqu’à une demeure discrète dans un quartier populaire. Thémistocle habite là et Sebastian s’agenouille devant le Sire de son Sire.

La conversation est passionnée entre le vieux Vampire et l’infant de son infant. Mais rien n’y fait, Thémistocle souhaite avant tout protéger les bons hommes des évènements à venir. Et il pense qu’Esclarmonde attisera les braises de la guerre et refuse de voter pour elle.

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La Princesse
Vda :: Introduction (Récit 1.11), septembre 1226

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Toulouse, septembre 1226.

La nuit, la belle Toulouse était soumise au couvre-feu. Nul ne pouvait se déplacer sans attirer l’attention de la garde, et en payer les conséquences. Les rues de la capitale du Pays d’Oc étaient désertes, lugubres, plongées dans l’obscurité, et ce couvre-feu était aussi un moyen de protéger les bonnes gens des malandrins qui rêvaient de les détrousser. Pourtant, près des rives de la Garonne, un homme marchait prestement. Il tenait à la main une lanterne sourde, offrant peu de lumière, mais suffisamment pour savoir où mettre les pieds. Il finit par arriver à sa destination, une bâtisse massive en bois, à l’entrée du quartier Saint Cyprien, à deux pas du Pont couvert, le seul passage permettant de traverser la Garonne. Vérifiant que personne ne le suivait dans les ombres, il frappa à la grande porte. Deux coups secs. Le bruit du loquet de bois lui indiqua qu’on ouvrait, et la porte s’entrebâilla. Le portier de garde le reconnut, et Salim entra dans l’Hôpital de la Grave.

“ Est-elle arrivée ? demanda-t-il, sa voix teintée d’un accent espagnol.

“ Oui, messire. Elle vient à peine d’arriver. On lui a offert l’hospitalité comme vous l’aviez demandé. “

“ Bien, conduisez moi à elle. “

Alors qu’il s’enfonçait dans les couloirs étroits de l’hôpital, le vieil Assamite remarqua les lits de fortune dressés à la hâte, les malades maigres et fiévreux, les rares soignants, visages masqués, qui allaient de dortoirs en dortoirs. La Grave accueillait ceux atteint des grands maux, et la période était propice aux épidémies. Mais son guide le mena vers l’arrière du bâtiment, là où l’on agrandissait l’hôpital à travers ses fondations, en creusant dans la roche des tunnels et des galeries. Dans quelques années, de nouvelles salles souterraines viendraient s’ajouter aux dortoirs existants, mais à présent, à cette heure de la nuit, les artisans n’étaient pas à l’ouvrage. L’endroit était désert, hormis une petite chambre, assez isolée du reste du bâtiment, fermée par une porte de bois.

Salim frappa quelques coups et entra. Son invitée était là, devant lui, les sourcils froncés, inquiète de l’irruption de l’Assamite ibérique. Le vieux sage la regarda. Elle était belle, fraiche, porteuse d’espoir et de noblesse. Le sang de la lignée des rois de Constantinople coulait dans ses veines, mélangée à l’héritage des Princes de Jérusalem.

“ Dame Sophia, je vous salue. Je suis Salim Al-Ahzan, et c’est pour moi un honneur de vous recevoir en ma qualité de Vizir des Fils d’Haquim. Je sais que votre voyage a été mouvementé, et que des Damnés vous espèrent à leurs côtés pour la lutte politique qui s’ouvre par l’arrivée de Dame Esclarmonde auprès du trône Toulousain. Mais les Fils d’Haquim ont pour vous une tâche qui vous mènera loin de la belle Toulouse. “

Il attendit qu’elle réponde, hocha la tête en souriant lorsqu’elle le pressa de questions, puis continua : “ Votre Sire, Mahadi al-Razam, était chargé par les Fils d’Haquim de retrouver un vieux manuscrit, volé il y a plusieurs siècles par les croisés en Terre Sainte et rapporté ici, au Pays d’Oc. Malheureusement, le très honoré Mahadi a disparu il y a une vingtaine d’années, sans laisser de traces. Malgré nos recherches, nous n’avions pas retrouvé votre Sire ni l’ouvrage qu’il traquait. Mais il y a quelques semaines, une de mes Goules infiltrées chez les Ventrues a découvert une information capitale : Mahadi, toujours de ce monde, est retenu par une coterie Damnée du Clan Tremere, dans les contreforts pyrénéens. Vous comprenez, noble dame, ce que les Fils d’Haquim espèrent de vous ? “

Salim plissa les yeux. Devant lui se tenait une guerrière, un assassin mortel, capable de retirer la vie, et la non-vie, de ses ennemis avant qu’ils n’aient même remarqué sa présence. Si les Tremere avaient capturé Mahadi, son Infante était la plus qualifiée pour le sortir de leurs griffes. Restait à savoir pourquoi ils l’avaient maintenu en vie, et surtout… où se trouvait le Manuscrit du Signe Rouge…

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La Découverte
Ars Magica :: Récit 3.6, Avril 1213

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Contribution de Yakurou
⇝ Introduction : Le Faucon b_faucon.png

La nuit était sombre, la nuit était noire. Une de ces nuits qui restent à jamais dans les mémoires.

Après leur combat contre Tremere et l’enterrement d’Astrid, c’est d’un pas traînant que Baruch et Gaubert s’éloignèrent dans la forêt, guidés par la pâle lueur de la lune et par une douce lumière magique.

Seul le bruit de leur pas venait perturber le calme du moment. Leur seule communication se limitait à une main difficilement levée, et un doigt pointé dans une direction par Baruch. Complètement perdu, aussi bien géographiquement que mentalement, Gaubert n’hésita pas à suivre la direction qu’on lui donnait, prenant juste le temps de rechercher la présence de foyers aux alentours, cherchant une trace de vie, en vain.

Après de longues minutes de marche dans la direction indiquée, Gaubert repèra de la chaleur. La chaleur d’un corps, tranquillement allongé dans une petite cabane, entouré de nombreux animaux.

C’est après deux coup francs portés à la porte par le jeune Mage du Flambeau que l’entrée de la cabane s’ouvrit sur une femme. C’était une Maure, étonnamment vêtue, qui accueillit les visiteurs nocturnes comme si elle les attendait. Baruch la reconnut immédiatement.

Sagal. Tu m’a déjà aidé par le passé. Je viens encore requérir ton aide”

Il n’en fallut pas plus pour que Baruch soit allongé sur un lit de fortune, et que Sagal s’occupe de lui, laissant Gaubert s’asseoir dans un coin, le regard perdu, à contempler le mur en face de lui.

Quelques minutes plus tard – ou peut-être quelques heures ? Le temps semblait défiler différemment pour les trois occupants de la cabane…
Une fois les plaies de Baruch pansées, Sagal s’écarta de lui, le laissant au monde des songes, pour se rapprocher de Gaubert. Naviguant entre les plantes et les branches qui avaient élu domicile dans la cabane, elle vint s’asseoir en face du mage roux.

“-Et toi? Es-tu blessé?
- Non
- Pourtant, tu le sembles. Même si ce n’est pas physiquement”

La discussion tourna court : Gaubert expliqua vaguement les raisons de son état, mais ne voulant pas s’attarder sur le sujet il ne tarda pas à rejoindre lui aussi le royaume des songes, laissant le calme réinvestir les lieux. Sagal en profita pour écrire une lettre pour les gardiens de la forêt, avant de profiter de la nuit elle aussi.

Habituée aux réveils matinaux, Sagal était sortie de la cabane au moment même où le soleil s’élevait à l’horizon, rejoignant son potager, d’où elle extirpa une botte de carottes, afin d’en faire son petit déjeuner.

Elle fut bientôt rejointe par Gaubert, qui retrouva dehors Aurore, son familier, sous la forme d’un faucon roux, tandis que Baruch fouillait la cabane à la recherche de livres qu’il ne trouva jamais.

Une fois les trois mages réunis, et après que Sargal ait surpris Baruch dans sa fouille, la mage Bjornaer – le contenu de sa cahute n’en faisait aucun doute – demanda de l’aide.

Elle ne connaissait pas les villes de la région, et n’avait pas l’habitude de se mêler aux vulgaires. Elle expliqua qu’une de ses sœurs de Sept s’était fait tuer au couvent de Prouilhe, par un infernaliste. Très vite, Gaubert fit le rapprochement avec le monastère de Fanjeaux, où était enfermé Christole. Et la simple mention des mages internalistes suffit pour que les deux nouveaux arrivants acceptent d’aider Sagal.

La discussion s’interrompit lorsqu’Aurore prévint Gaubert de la présence d’un danger à l’extérieur. Sondant le dehors, Gaubert repéra très vite la chaleur de deux individus s’approchant de la cabane.

Sagal semblait les connaître, et les deux hommes furent invités à entrer. Elle les présenta comme les “Gardiens”. Ils souhaitent savoir d’où venaient les deux nouveaux-venus et ne semblèrent pas croire leur histoire, jusqu’au moment où Baruch défit un de ses bandages, pour leur montrer ses cicatrices.

“Nous venons d’un endroit où les bêtes font ce genre de cicatrices”

Ces mots clouèrent le bec du plus fougueux des deux – un jeune homme répondant au nom de Lotal Brise-le-silence – alors que sans cérémonie, son compagnon, dénommé Agus Cendre-d’Etoiles se saisit du bras de Baruch afin d’en étudier de plus prêt les blessures.

Tout le monde tomba d’accord sur le fait qu’il faudrait surveiller l’endroit, à défaut de pouvoir fermer le passage vers le Sanctum de Tremere. Pourtant ce n’était pas l’entrée du Régo Infernal qui semblait inquiéter les deux amis de Sagal, mais l’influence du Ver… un terme étrange, qui laissa Gaubert dans l’incompréhension.

Quoi qu’il en soit, Agus proposa d’accompagner Sagal, Gaubert et Baruch jusqu’à Fanjeaux, laissant à Lotal la lourde tâche de transmettre aux autres Gardiens la localisation de la grotte de Betharam ainsi que sa surveillance, ce qui ne fut clairement pas pour lui déplaire. Gaubert offrit ses souvenirs au jeune homme, afin qu’il la retrouve sans difficulté.

La décision fut prise de passer à Tarbes afin d’y trouver des chevaux. Sagal et Argus préféraient la quiétude des bois, et choisirent de rester dehors pendant que Gaubert et Baruch seraient à l’intérieur de la ville. Après un repas et une nuit à l’auberge, Les deux mages s’isolèrent de la foule, afin de tirer de la terre trois gemmes polies qui leur serviraient à payer leur fournitures. Gaubert partit au marché, Baruch chez un forgeron, afin d’y acheter une arme de bonne facture.

Une fois leurs achats terminé et après avoir laissé traîner leurs oreilles pour entendre les dernières nouvelles, Gaubert et Baruch rejoignirent Agus et Sagal à l’endroit convenu. Mais leurs deux compagnons n’étaient pas présents. Ou du moins, pas comme ils s’y attendaient.

Un chacal et un loup les attendaient au pied de l’arbre, aucun doute n’était possible quand à leur identité. Les deux animaux partirent en pleine forêt, et après avoir échangé un regard, que Gaubert et Baruch les suivirent, faisant attention à ce que leurs chevaux ne se blessent pas.

Le trajet dura plusieurs jours. Chaque soir, autour du feu, de longues discussions eurent lieu, notamment avec Agus, qui se définit comme un “Garou”, un être mi-homme mi-loup.
Il raconta être un défenseur de Gaïa, l’esprit sauvage, qu’il devait défendre contre les humains, le Ver et la Tisseuse.

Le Ver, incarnant la destruction, serait ce qui est apparenté au Rego Infernal, alors que la Tisseuse serait la source de toute société humaine, qui tenterait d’organiser le monde.

Il parla également d’un voile qui empêcherait les humain de les voir, et de l’Umbra, une sorte de Régo auquel les mages n’ont pas accès. Baruch sembla très intéressé par le fait de s’y rendre, mais Agus lui expliqua que c’est impossible.

Le trajet dura plusieurs jours, et se termina par l’arrivée du groupe dans les alentours de Prouilh et de Fanjeaux, ou l’influence du Rego Infernal pour certain, et du Ver pour d’autre, se fit ardemment ressentir.

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Le Faucon
Ars Magica :: Introduction (Récit 3.6), avril 1213

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Fanjeaux, avril 1213

La terre se mourait, là où les armées de la croisade s’étaient installées. Les sols devenait secs, les plantes se desséchaient, les animaux tombaient malades, même les chevaux des croisés. La nature elle-même semblait souffrir de la présence des hommes de Simon de Montfort. Ils avaient transformé le village de Fanjeaux en bastion, et c’était là le cœur de la croisade.

Dans les cieux, un oiseau de proie survolait la plaine, en contrebas de la colline de Fanjeaux et de sa cité protégée. Un clocher et un moulin, quelques champs, de vieilles habitations, un couvent, un petit hameau qu’on appelait Prouilhe. Une simple route menait des murs de la cité à cette église, à ce couvent, et le faucon figeait son attention sur l’endroit. C’était ici, et non plus haut, que se trouvait le cœur du Mal.

Farah, sous la forme du rapace, fondit sur le toit du couvent. Elle le savait, sa magie Bjornaer lui avait montré le chemin de cette perversion : des Mages utilisaient le pouvoir très ancien de ce lieu, et le détournaient pour leurs intérêts. Ils étaient menés par Tres, un homme violent et avide de pouvoir, et celui-ci avait mené de nombreux rituels infernaux sous le couvent des moniales de Dominique de Guzman. Elle avait découvert qu’ils s’apprêtaient à mener un rite qui lierait à jamais le monde des vivants aux Enfers.

La mage Bjornaer n’était pas là pour combattre, juste pour observer, mais en se posant sur l’arrête du toit du couvent, dans l’ombre du clocher, elle sut qu’un danger venait à elle. Sans attendre, Farah reprit sa forme humaine, mais pas avant qu’un pieu de glace vienne la transpercer pour la clouer sur l’aiguille du clocher. Elle eut le souffle coupé, la vision troublée, et commença à suffoquer.

Volant au dessus des toits du hameau, un Mage barbu souriait. D’un sourire mauvais. Il commença à lui parler, lui raconter que personne ne pourrait l’empêcher d’aller au bout, que l’Ordre d’Hermès était dépassé par le nouveau monde que la nuit offrait, et d’autres balivernes que Farah n’écoutait pas. Elle se savait mourante, et paralysée par le pic de glace, elle ne pouvait se soigner. Alors pour que sa mort ne soit pas vaine, elle utilisa ses dernières forces pour envoyer un message, porté par le vent. Quelques mots, qu’elle adressa aux membres de son Sept.

« Les mages Infernalistes au couvent de Prouilhe s’apprêtent à un terrible rituel. Je meurs sans pouvoir l’empêcher. Je compte sur vous, frère et sœur de Sept, pour terminer ce que je n’ai pu finir. Que vos animaux vous protègent, et puissiez-vous protéger la terre. »

Farah n’entendit pas la fin du discours du mage Tres. La mage Bjornaer était déjà partie rejoindre ses ancêtres depuis longtemps lorsque l’infernaliste réalisa qu’il parlait tout seul.

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La Trahison
Ars Magica :: Récit 3.5, Printemps 1213

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Contribution de Kapryss
⇝ Introduction : La Déroute b_d_route.png

Seul le bruit des sabots des montures rompait le silence pesant qui s’était installé. Ils avaient depuis longtemps quitté la route, et désormais chevauchaient sur un fin sentier de terre. Bientôt, il leur faudrait continuer à pied tant le chemin était étroit.
Roc, le compagnon de l’Alliance, était parti de son côté en direction de Foix afin d’y trouver un refuge et un nouveau gagne-pain. Il ne restait que Gaubert et Astrid, en route vers les grottes de Bétharram guidés par Grimgroth, l’ancien maître de leur Alliance.

Le jeune Mage du Flambeau avait le cœur empli de doutes. Ses certitudes avaient été profondément ébranlées par les paroles de Grimgroth, ainsi que par celles d’Astrid. Son amie avait tant changé… il secoua la tête. L’heure n’était pas à se laisser distraire. Grimgroth était un Mage puissant, et il lui fallait s’en méfier. Déjà, il avait remarqué la rapidité et la discrétion avec lesquelles le Tremere était parvenu à guérir de ses blessures : des flèches plantées dans son dos par Roc, il ne restait désormais plus nulle trace alors qu’Astrid peinait et souffrait toujours de celle qui était venue se ficher dans sa cuisse.

Astrid n’était pas dupe. Elle était parfaitement consciente que Grimgroth prenait volontairement des détours inutiles, retardant leur arrivée à destination. Elle n’en fit pas part à Gaubert et se contenta de fixer l’ancien Maître d’Alliance pour lui signifier qu’elle avait compris. Il détourna simplement le regard, gardant le silence.

Finalement, c’est au beau milieu des Pyrénées que leur objectif leur apparut. Il y avait là une grotte aux airs de gueule monstrueuse, béante, sombre, dans laquelle Grimgroth pénétra sans une once d’hésitation, immédiatement suivi des deux Mages. A l’intérieur l’obscurité était maître, et Gaubert dut magiquement éclairer les lieux afin qu’ils puissent voir. L’humidité forte laissait à croire qu’il s’agissait d’une rivière souterraine il y a longtemps asséchée, et ça et là, des stalagmites venaient parfaire l’illusion d’entrer dans la gueule d’un monstre aux dents pointues.
Et puis soudainement, un picotement dans la nuque, une sensation inhabituelle, dérangeante… ils comprirent rapidement : ils venaient de traverser la paroi invisible séparant le réel d’un Rego Infernal.

Tâchant au mieux de réfréner son inquiétude, Gaubert s’interrogea à voix haute.

« Qu’est-ce qui nous attend plus loin ?
- Des réponses. »

C’était Astrid qui lui avait répondu, d’une voix ferme et assurée, aussi assurée que ses gestes, mue d’une détermination à toute épreuve. Lorsque Gaubert chercha Grimgroth du regard, il ne le trouva pas. Le Tremere s’était évaporé. Au moment où il réalisa cette absence, un lourd bruit métallique retentit, celui d’une herse qui s’abaissait derrière eux, les emprisonnant dans la grotte. Le lieu se révéla alors tel qu’il était réellement sans l’illusion puissante qui en masquait la vue aux vulgaires et importuns.

C’était un temple de grande taille, un Sanctum sans doute, si grand qu’il pouvait accueillir une Alliance entière de Mages. Aux murs, des torchères éclairaient des tentures et fanions ornés du blason de la maison Tremere. Au centre de l’immense pièce, un puits très large et luisant d’une étrange lumière bleutée était surmonté d’un énorme cube d’or en lévitation. Ciselé de glyphes dans une langue inconnue aux deux jeunes Mages, entouré de deux anneaux faits d’or eux aussi, il tournait paresseusement sur lui même en flottant dans les airs, certainement animé par un puissant sort. Ni Astrid ni Gaubert n’avaient jamais rien vu de tel. Le lieu aurait pu être magnifique, s’il n’y avait pas eu, ça et là, de nombreux monceaux de cadavres plus ou moins décomposés gisant au sol…

Il y avait aussi le long du mur de droite trois hommes figés, recouverts de chaînes, une expression terrifiée imprimée sur le visage. Ceux-là étaient vivants, mais immobilisés sous l’emprise d’un sortilège puissant. Alors qu’Astrid avançait toujours aussi déterminée en direction du cube, et que Gaubert se dirigeait vers les trois hommes, une voix profonde, puissante, résonna directement dans leurs esprits.

« Qu’avez-vous eu l’audace de venir chercher ici ? »
« Des réponses. », annonça Gaubert.
« Intégrer le Cercle Rouge. », pensa Astrid.

De l’autre côté de la pièce, derrière une herse semblable à celle qui bloquait l’entrée, un homme se matérialisa. Grand, auréolé d’une aura de puissance indéniable, il fixait les jeunes Mages du regard avec calme. A ses côtés, Grimgroth était réapparu et se tenait légèrement voûté, visiblement intimidé.

« Des réponses… et bien, c’est vôtre ancien Maître qui vous les apportera. »

D’une voix légèrement rauque, Grimgroth prit alors la parole. Il expliqua à Gaubert et Astrid les principes des Mages du Cercle Rouge, qui refusaient de se limiter aux trois Rego autorisés par l’Ordre d’Hermès et puisaient volontiers dans la puissance du quatrième, le Rego Infernal. Il leur expliqua brièvement comment cette décision leur avait valu le bannissement et la traque. Hochant la tête, l’autre homme reprit.

« Il est stupide de limiter son pouvoir. Les Mages Hermétiques qui ont décidé cela sont faibles et craintifs. Ils ont peur. Et vous, avez-vous peur ? »

« Jamais de la vie ! », fanfaronna Gaubert. « Non », répondit calmement Astrid. Elle fit un geste en direction des trois pauvres prisonniers, toujours figés dans leur expression de terreur.

« Et eux, pourquoi ont ils peur ?
- Ils ont peur parce qu’ils ont échoué. Ils sont venus ici pour mener un combat perdu d’avance. Un peu comme vous… »

Astrid secoua la tête, serra les poings, et haussa le ton. Elle était prête, et en était convaincue. Elle avait lu le manuscrit du Signe Rouge, elle en avait déchiffré le sens, et son esprit s’était imprégné de la noirceur infernale dont il y était question. Depuis ce jour, elle n’avait fait qu’attendre le bon moment où enfin, elle pourrait prouver qu’elle était digne de devenir un membre du Cercle Rouge. Gaubert tenta de la raisonner, mais cinglante, elle lui rétorqua que son ancien Maître avait fait le bon choix, lui.
Piqué en plein cœur par ces mots, Gaubert se retourna rouge de colère vers la herse de l’entrée et de toute sa puissance, réveilla un brasier pour en faire fondre les barreaux qui les privaient de leur liberté. Rien ne se passa.

« Il est vain de fuir… »

Toujours aussi calme, l’homme souriait à présent, dévoilant des dents blanches comme la mort, aux canines anormalement longues.
Soudain l’un des trois prisonniers se mit à hurler de terreur, les yeux révulsés, le regard tourné vers le puits dont émanait toujours la lumière bleutée. Alors qu’Astrid s’approchait du malheureux, elle entendit un autre des prisonniers tenter de dire quelque chose. Elle s’approcha davantage pour comprendre ce qui n’était qu’un chuchotement.

« Monstre… dans le puits… vouivre… FUIS ! »

Elle n’eut le temps de prévenir Gaubert, qui quand à lui s’était approché du puits pour regarder à l’intérieur. Lorsqu’il repéra la bête remontant le conduit à une vitesse inouïe, il tira par réflexe une boule de feu sans sommation. Elle toucha sa cible mais ne l’abattit pas, et alors qu’elle surgissait hors du puits, le Mage du Flambeau dérapa, ne se rattrapant qu’in extremis d’une chute – sans doute mortelle – au fond du puits.
Face au monstre ailé aux écailles épaisses, Astrid tenta le contrôle mental, sans succès. Peut-être la bête était-elle trop puissante ? Toujours est-il qu’énervée, elle fondit sur la jeune femme pour en faire son festin. Astrid parvint à esquiver les crocs acérés et porta un coup désespéré à la bête avec sa dague, la blessant légèrement.

L’emprise du sort sur les trois prisonniers s’atténuait progressivement, et celui situé au milieu, un Mage de la Maison Ex-Miscellanea dénommé Baruch, semblait retrouver rapidement ses capacités. Il se métamorphosa quelques secondes en oiseau, juste le temps de faire choir au sol les chaînes qui le retenaient captif, puis procéda de la même façon pour libérer l’un de ses compagnons d’infortune. Mais alors qu’il allait faire de même pour le troisième – qui criait toujours – celui-ci fut happé par la vouivre qui l’emporta dans les airs entre ses serres.

Gaubert était parvenu à se hisser hors du puits. Réalisant que la vouivre avait capturé une proie et s’apprêtait à plonger de nouveau dans son antre, il créa magiquement un couvercle de roche dans l’ouverture du puits pour la retenir, et la bombarda à nouveau de flammes. La bête se heurta à la roche et de surprise, aveuglée par le feu, relâcha le malheureux prisonnier de ses griffes. Elle semblait confuse, grattant le sol, et Astrid profita de l’occasion pour tenter à nouveau d’asseoir son emprise magique sur son esprit. A nouveau sans succès. Résignée, elle changea sa stratégie et matérialisa une illusion d’une vouivre plus grande encore, à l’attitude dominante. Cela fonctionna puisque la bête réelle fila se terrer dans un coin, se cachant craintivement sous ses ailes.

L’homme derrière la herse, désormais seul – Grimgroth avait en effet de nouveau disparu – ne loupait pas une miette du spectacle qui se déroulait devant ses yeux. Presque simultanément, deux cris fusèrent.

D’abord, celui de Gaubert, dirigé vers Astrid : « Tu veux rejoindre ces gens qui essaient de nous tuer ? »

Puis, celui de Baruch : « TREMERE ! Viens donc nous affronter toi-même ! »

La révélation créa un choc : Tremere, le Mage Fondateur dont parlent les légendes, était sensé être mort depuis bien longtemps… La stupeur passée, c’est avec une ferveur redoublée qu’Astrid s’approcha du puissant Mage, sortant le manuscrit du Signe Rouge de sa sacoche pour le lui remettre.
Les tentatives d’empêcher la jeune femme de parvenir à ses fins fusèrent immédiatement. Gaubert tenta d’abord d’immoler Tremere avec sa puissante magie de feu, mais ce fut sans effet tant sa Parma Magica était grande. Il reporta son attaque sur le manuscrit, mais là encore, ne parvint pas à abattre les protections qui l’entouraient. Barush, cherchant à lire les pensées de la Merinita afin d’y comprendre ce qu’elle cherchait à accomplir, se heurta à l’opacité de son esprit, acquis depuis son contact avec l’Infernal.
Imperturbable, obnubilée par son objectif, Astrid continuait d’avancer. Elle s’adressa directement à Tremere :

« Je peux vous donner ce manuscrit, à la condition qu’en échange, vous m’enseigniez la magie des ténèbres infernales.
- Oui. C’est possible. »

Le doute n’était plus possible désormais. Exhorté par Baruch, le Mage qu’il avait libéré plus tôt tenta de stopper la jeune femme à l’aide de runes, créant une barrière de stalagmites de glace entre elle et son interlocuteur. Simultanément, Baruch instilla magiquement à Astrid un sentiment de dégoût envers Tremere. Confuse, hésitant entre sa détermination et son aversion nouvelle, elle stoppa son avancée et Gaubert profita de l’occasion pour arracher le livre de ses mains.
Le regard qu’elle tourna alors vers lui, chargé de noirceur, était sans équivoque. Implacablement, elle prit le contrôle de sa volonté et le réduisit à l’état de marionnette, le forçant d’abord à lui rendre le livre, puis à foncer sur le Mage aux runes afin de briser sa concentration.

Prenant la forme d’une brume de ténèbres, Tremere traversa la herse sans difficulté puis reprit forme humaine et avança, calmement mais résolument, vers celle qui tenait le fruit de son désir. Baruch sut qu’il était le dernier rempart pour éviter la catastrophe. Il se jeta entre elle et l’ennemi, tentant le tout pour le tout. La réaction d’Astrid fut cinglante :

« Écarte-toi.
- Non ! Je fais ça pour ton bien… Le dernier qui a voulu le rejoindre n’est jamais réapparu !
- IL SUFFIT. »

Cette dernière phrase, puissante, glacée, résonna dans leurs esprits. Et tous se retrouvèrent soumis au Mage Fondateur. C’était l’ordre d’un Roi, d’un Maître, auquel on n’a d’autre choix que d’obéir, pour lequel on donnerait sa vie et bien plus encore afin de satisfaire les désirs.

Et lorsqu’il tendit la main vers la jeune Merinita, elle y déposa docilement le manuscrit du Signe Rouge.

Tous reprirent conscience à l’extérieur de la grotte, en proie à l’incompréhension. Comment s’étaient-ils retrouvés là ? Dans leurs têtes, un rire sardonique résonnait, de plus en plus lointain.
L’incompréhension laissa brutalement place à la colère… Astrid hurla, réalisant qu’elle avait été trahie. Mais sa réaction fut minime comparée à celle de Gaubert : il explosa d’une rage incontrôlable et toute sa puissance de feu se déchaîna, à l’emplacement où devait se trouver la herse. A l’emplacement où se trouvait également la responsable de ce fiasco.

Le brasier, mortellement incandescent, s’éleva en quelques secondes ôtant la vie à la jeune femme.

Le Mage du Feu était tombé à genoux, les yeux clos. Soutenu par Baruch et son comparse, il s’était relevé lentement, et était allé récupérer le corps sans vie de celle qui avait été son amie, sans dire un mot. Refusant farouchement leur aide, il avait creusé le sol afin de lui offrir une sépulture.

Les trois Mages se remirent péniblement en chemin. Derrière eux, au sommet d’un bâton de marche planté dans le sol, une flamme éternelle projetait sa douce chaleur et sa lueur dansante sur une pierre tombale gravée de quelques mots.

Ci-gît Astrid
Son esprit fut consumé par les Ténèbres
Puisse son corps reposer à jamais dans la Lumière
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La Déroute
Ars Magica :: Introduction (Récit 3.5), septembre 1213

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Muret, 11 septembre 1213

A une vingtaine de kilomètres au sud de Toulouse, un troupe se rassemblait. Muret était tombée entre les mains de l’armée de Simon de Montfort et celui-ci comptait la défendre coût que coût face aux légions rassemblées devant ses portes.

Il marchait sur les remparts, observant les livrées des chevaliers qui venaient d’arriver pour assiéger Muret dans le crépuscule d’une nuit froide. Il reconnut les blasons des hommes de Raymond VI, Comte de Toulouse, des chevaliers du Comté de Foix, ainsi que ceux des soldats de Pierre II, roi d’Aragon. Ainsi donc, Raymond VI avait-il convaincu le timide Pierre d’Aragon de se joindre à lui pour défendre les Cathares, les hérétiques ?

Montfort riait intérieurement. Ses propres troupes étaient bien inférieures en nombre. Dix fois moins nombreuses, même. Mais il était assuré de la victoire. Son pacte avec l’Enfer le protégeait de la main des hommes, et à la nuit tombée, ses Démons se glisseraient dans les rangs ennemis, parmi les tentes et les machines de siège, pour prélever une dîme de sang chez les soldats Toulousains. L’armée de la croisade se nourrissait de la vie des hérétiques.

Un espion fantomatique vient rendre compte à Montfort de ce qu’il avait entendu dans la tente de commandement. Une dispute, entre Pierre d’Aragon et Raymond VI. Le premier voulait lancer l’assaut dès le lendemain, alors que le Comte Toulousain voulait tenir un siège. Un sourire vint fendre le visage blême du chef des croisés. S’ils osaient lancer une offensive demain, à l’aube, exsangues et corrompus par le pouvoir de ses Démons, jamais les rois et les comtes ne retourneraient parmi les leurs. La haine de Simon de Monfort les emporterait bien avant qu’ils ne retrouvent le château narbonnais de Toulouse.

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L'illusion du choix
Vda :: Récit 1.10, Eté 1226

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Contribution de Breloque
⇝ Introduction : Le Pouvoir b_pouvoir.png

18 Septembre de l’an de grâce 1226

Le bruit de la pluie n’est entrecoupé que par les vagissements du nouveau-né.

Les sens aiguisés d’Adhémar lui permettent de distinguer les silhouettes des garous qui s’avancent en en silence entre les buissons. C’est tout une meute qui encercle désormais les vampires.

Un garou au pelage sombre s’avance, leur chef manifestement. Il exige de sa voix rauque et bestiale de savoir ce que font des serviteurs du Ver dans sa forêt. Lui et sa meute ont été guidés par leurs soi-disant esprits. Ils ne sont pas là par hasard. Ils pensent qu’il y a parmi les damnés celle qui libérera leurs terres.

A cette mention, Esclarmonde se montre et use sans retenue de son aura enchanteresse pour fasciner son auditoire. Elle déclame avec emphase :

« Je suis celle qui rendra à tous les vrais habitants de ces terres une liberté méritée. »

Deux garous mettent un genou à terre devant cette apparition. La Toréador demande aux loups de la laisser passer jusqu’à Toulouse s’ils veulent voir leurs prophéties se réaliser.

Tous les garous ne sont pas d’accord et l’un d’entre eux s’approche, montrant les crocs, en direction des vampires.

« Partez, et tuez ces français avant qu’il ne nous tuent tous. » grogne finalement le garou sous le regard de son alpha.

Un des membres de la meute accepte de guider les damnés hors de la forêt.

Esclarmonde hoche la tête et fait signe à la coterie de lever le camp. Le volontaire se transforme en un grand loup, que le petit groupe suit à travers bois. La monstruosité poilue les guide jusqu’au chemin et repars dans la lisière.

Un peu plus loin, les damnés retrouvent Béranger, la goule de Sophia, ainsi qu’une dizaine d’hommes d’armes de leur escorte. Il apprend au groupe ce qu’il s’est passé le jour précédent.

Estelle avait placé des hommes aux alentours du campements. Un éclaireur a alors repéré un bataillon mené par Folch qui avançait dans leur direction. La journée a été émaillée d’escarmouches. Puis Estelle a imaginé un stratagème : Marta, grimée des habits de Dame Esclarmonde a simulé une fuite, pour attirer un maximum de poursuivants derrière elle.

Quelques dizaines de minutes plus tard, les damnés retrouvent finalement Estelle, Marta et cinq hommes de plus, recomposant leur escorte. La calèche est harnachée pour reprendre la route jusqu’à Toulouse. Estelle a remarqué que parmi les mercenaires qui les ont attaqué se trouvaient des crapules de la ville de Béziers. Quel est le lien entre ces marauds biterrois et Folch, qui lui vient de Paris ?

Mais ce n’est pas la seule incongruité, la fidèle garde du corps d’Adhémar a remarqué que leurs poursuivants n’en avait pas vraiment après la calèche… Ce qui est encore plus singulier. Quelle était leur objectif alors ?
Après une heure de voyage en direction de Toulouse, le convoi est pris en embuscade par de nombreux arbalétriers. Folch est à leur tête et exige de parler à Sebastian de Béziers. Le Brujah s’exécute et échange quelques acerbes civilités avec le soldat.

Peu après, Esclarmonde sort de la calèche, son aura de séduction irradiant de milles feux. Quelques mots suffisent à mettre tous les malandrins à genoux. Toutes les âmes présentes dans cette scène son immédiatement soumis à une dévotion sans faille à la Reine, comme des papillons nocturnes attirés par la flamme d’une chandelle.

Toutes, sauf une. Folch s’agenouille aussi, mais la goule le fait de façon claire et consciente, comme insensible au pouvoir de la Reine. Il accepte de se mettre à son service, à une seule condition : qu’Estelle lui soit remis. Sebastian commence à argumenter mais se perds rapidement dans son raisonnement sous le maléfice de la Toréador.

Par un sursaut de volonté, Adhémar explique calmement qu’Estelle est une personne trop importante pour être ainsi sacrifiée, que l’échange de pions est inégal. Esclarmonde propose alors à Folch que ce soit la coterie de Béziers qui soldera sa dette, directement auprès de son créancier.

Ce dernier accepte.

Le créancier en question n’est autre que le vile Wolfram, qui fait chanter Folch en ayant pris en otage sa promise, une certaine Scylla. Manifestement le Malkavian envoyé de Rome n’a pas abandonné son idée d’en savoir plus sur les malédictions d’Alvaro. Il souhaite toujours brûler la soldate, quitte à s’en prendre directement à ses maîtres.

Folch apprends aux damnés que Jehanne est présente à Toulouse. Elle a à sa botte Arnaud, Fils de Willa, un Ventrue qui veut revendiquer la couronne de Mikaelys, le sire d’Esclarmonde et précédent Prince de Toulouse.

Dans la calèche qui file vers Toulouse, Esclarmonde demande aux damnés de rentrer dans la ville pour y collecter des informations. Les vampires désormais sous le charme de la Toréador s’exécute volontiers, alors même qu’ils avaient annoncé la veille ne pas vouloir rentrer dans la cité.

Elle explique à ses serviles alliés quelles sont les autres forces en présence dans la ville. Toulouse est dirigée par l’Assemblée des Anciens :

Arnaud Fils de Willa et l’ultime descendant d’une lignée éteinte de vampires wisigoths. Cet intrigant a rejoint l’Assemblée des Anciens il y a quelques années. Les autres membres de l’assemblée passent par Arnaud pour transmettre des messages à la Grande Cour. Arnaud s’est complètement investi dans la lutte contre Esclarmonde la Noire, et c’est donc son adversaire le plus évident.

Thémistocle siège aussi au conseil. Cet érudit monophysite a une ligne rouge : la protection des cathares. Il ne souhaite pas voir infliger aux hérétiques de Toulouse le sort de ceux de Béziers ou d’Avignon.

Stefano di Roma, que les damnés ont déjà rencontré est un autre membre du conseil. Envoyé de Rome, il dispose d’une forte influence sur l’Eglise et son influence n’est pas à prendre à la légère.

Salim Al-Ahzan est un ambassadeur Assamite. Cet amoureux du pays d’Oc se repaît des chansons et poèmes des troubadours occitans. Il suit avec attention les débats intellectuels menés à Toulouse, parfois par l’intermédiaire de goules qui mémorisent et restituent les cours magistraux prodigués dans les édifices religieux chrétiens.

Lissandre de Béraud est actuellement le Chambellan de Toulouse et fidèle à la cause d’Esclarmonde.

Le dernier membre du Conseil est Urraca Sanxes de Lérida. Il est le Prévôt de Toulouse. Quand il ne se charge pas d’appliquer les rares décisions de l’assemblée qui nécessitent l’usage de la contrainte physique, il recueille des informations sur l’Hérésie caïnite.

Une fois ces explications fournies, Sébastian déclare non sans zèle et passion qu’ils réaliseront tous les désirs d’Esclarmonde. Dans un bref moment de lucidité, Adhémar soulève un sourcil en voyant se consumer les dernières braises de libre arbitre chez son ami Brujah. Ont-ils fait le bon choix un peu plus tôt dans les oubliettes du château de Carcassonne ? Mais avaient-ils vraiment le choix ? Cette pensée laisse le Malkavian songeur.
Écœurée par cette scène, Sophia manifeste son dégoût en éructant du sang sur les chausses de la Reine, outrepassant toutes les règles de bienséance.

La réaction de la Toréator ne se fait pas attendre. Son aura se fait tempête, et son ire frappe les damnés qui restent coi.

Le reste du voyage se passe en silence.

C’est enfin l’arrivée dans la cité de Toulouse. Esclarmonde va résider au Château Narbonnais et accueille Sebastian et Adhémar pour la nuit. Confuse, Sophia préfère s’isoler et cherche un refuge pour la journée. Elle trouve une cave dans une maison cossue des hauteurs de la ville.

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La Cible
Vda :: Introduction (Récit 1.10), septembre 1226

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Béziers, septembre 1226.

Des semaines avaient passé depuis qu’il avait été éconduit. Des semaines pendant lesquelles il n’était pas resté inactif. Il avait tout d’abord asservi deux Goules, des marauds prêts à tuer pour une goutte de son sang. L’une avait passé ses nuits à pister celle qui attirait toute ses convoitises : Estelle, sergente de la garde de Béziers, Goule attachée à la protection du Prince Sebastian et de ses deux éminences grises, Fortunat et Sophia. L’autre avait pour mission de réunir des hommes, payés avec l’argent de Rome qu’il avait détourné des coffres de Stéfano.

Des semaines, qui lui avait permis de rassembler une bonne trentaine de mercenaires endurcis par la croisade, et malgré ses efforts, elle lui avait échappé. Une nuit, le Prince et les siens avaient quitté soudainement Béziers, emportant avec eux Estelle et son sang maudit. Cette clef qui, une fois sur le bûcher, lui ouvrirait les portes des Enfers. Et une fois sur le seuil, le Damné aurait une armée de démons à ses pieds.

Frustré de voir s’envoler son rêve, Wolfram s’était alors lancé avec sa troupe de mercenaires vers l’Ouest, vers Carcassonne, à la poursuite du Prince. Loin de la protection des murs biterrois, affaibli par une Escarmonde aux abois devant Jehanne, Sebastian devenait fragile, et son escorte serait réduite. C’était l’occasion qu’espérait le Malkavien pour se saisir d’Estelle. Et enfin, en brûlant cette hérétique, accéder à l’héritage infernal d’Alvaro.

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Délivrances
Vda :: Récit 1.9, Eté 1226

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Contribution de Breloque
⇝ Introduction : Le Pouvoir b_pouvoir.png

18 Septembre de l’an de grâce 1226

Dans les oubliettes du château de Carcassonne, la coterie a enfin trouvé ce qui l’avait attiré là.

C’est ici que la reine Esclarmonde la Noire a trouvé refuge. Les vampires discutent de l’avenir de l’Occitanie à cette croisée des chemins.

Doivent-ils soutenir la reine, en l’aidant à s’enfuir et en offrant leur concours dans sa lutte contre la matriarche Toréador, la dénommée Salianna ?

Doivent-ils bien au contraire la livrer à cette ennemie puissante en situation de force ? En effet, il ne fait jamais bon s’opposer aux plans ourdis par le clan Ventrue, qui sont le véritable pouvoir derrière le trône du Roy, le Prince de Paris ou même la cour d’amour de la capitale.

Finalement, il reste une dernière option que les vampires envisagent : laisser Esclarmonde à son triste sort, et retourner vaquer aux tâches qui les attendent dans leur fief de Béziers. Après tout, c’est la ruse qui les amenés ici, et en aucun cas une quelconque loyauté. la Toréador a fait usage d’une de ses puissantes Disciplines pour forcer les damnés à accourir jusqu’à elle, comme des insectes nocturnes attirés par la flamme d’une chandelle.

Quand Adhémar propose à Esclarmonde de se cacher quelques décennies le temps de reconstituer des forces et de laisser passer la guerre, cette dernière lui rétorque que son heure est venue maintenant. Elle tiendra tête à Paris. Et les stigmates de l’inquisition d’il y a quinze ans n’ont pas suffi à éteindre ses ambitions.
En s’installant à Carcassonne, elle a respecté sa parole à Salianna. Mais en portant la guerre jusqu’à Toulouse, cette dernière a brisé la sienne. Elle dit avoir encore des alliés en cette cité, que son réseau a peut-être été ébranlé par Gehanne et Salianna, mais qu’il est encore vaste. Et elle suggère à mots couverts détenir encore des pouvoirs inconnus de ses ennemis. Bref, disparaître dans les ombres l’affaiblirait, et le Languedoc serait définitivement bafoué si elle l’abandonnait.

Elle veut incarner une région libre d’aimer, capable de penser et d’évoluer. Selon elle, c’est cette idée qu’elle incarne toujours aujourd’hui qui a provoqué le martyr de l’Occitanie quinze ans auparavant. Elle dit vouloir diriger avec les mortels et non régner sur eux, comme le font les Ventrue. Son souhait est que la coterie la rallie sans qu’elle n’ait à user de ses pouvoirs de persuasion surnaturels.

Le Brujah, l’Assamite et le Malkavian s’accordent quelques instants de conciliabule avant de remettre leur réponse à Esclarmonde.

Sebastian émet des réserves quant à son plan : il ne voit pas comment il serait possible de stopper l’avancée de l’armée du Roi Louis, avec ou sans l’influence des Ventrue.

Sophia, pour sa part, entend bien le discours sur la défense des arts et des lumières, mais elle n’a cure de l’Occitanie et de son sort.

Adhémar évoque la possibilité de minimiser leur engagement au regard de la société vampirique tout en mobilisant des ressources de leur fief pour lui offrir une assistance concrète.

Tous les trois s’accordent à penser que malgré ses beaux discours, Esclarmonde est un être qui se nourrit avant tout de ses ambitions. Aussi les vampires décident de protéger leurs intérêts en premier chef, tout en évitant de se mettre à dos la Toréador.

Ils acceptent donc de l’escorter jusqu’à Toulouse, mais éviteront d’entrer dans la ville. Ils proposent de rester une carte dans sa manche.

Les vampires quittent les oubliettes par un passage secret qui leur permet de quitter le château en catimini.
La coterie et son escorte accueille donc deux nouveaux voyageurs : Esclarmonde et sa fidèle goule Martha. Après avoir de nouveau soudoyé les gardes en faction à la porte de la Cité, ils quittent Carcassonne pour prendre la direction de la cité Toulouse, où Esclarmonde compte bien réclamer son trône.

La calèche et les cavaliers progressent sur la voie romaine.

Les discussions vont bon train pour tenter d’apporter une aide efficace à la reine du Sud. Elle confie que son principal représentant à Toulouse n’est autre que Lissandre de Béreau, le chambellan de la cité.

Un peu à l’écart du chemin, les vampires font escale et passent une journée à se reposer dans le carrosse, protégés de la lumière par les lourds rideaux de velours et les volets bien épais. Leur escorte, dirigée par Estelle, veille à leur sécurité.

Mais quand le nuit revient enfin, qu’elle n’est pas leur stupeur ! Ils découvrent que la calèche n’est plus du tout au même endroit que la veille. Une épaisse forêt les entoure désormais et la pluie tombe dru. Les chevaux d’attelage sont toujours là, mais aucune trace de leur escorte. Après une rapide enquête, le coffre de la calèche révèle que des vêtements d’Esclarmonde ont disparu. Les vampires imaginent que leur escorte a organisé une mascarade de fuite de la Toréador pour attirer des poursuivants. Tout cela est bien inquiétant.

Mais les vampires n’ont pas le temps d’élaborer des théories car Adhémar perçois des bruits lointains : des cris de douleur.

S’approchant avec précaution, les vampires découvrent un tableau saisissant. Une femme inconnue hurle son agonie, enchainée au pied d’un arbre… Vêtue de guenilles souillé par la crasse et le sang, elle est en train d’accoucher dans la boue. Au-dessus d’elle, un homme pendu est picoré par les corbeaux. Deux sacoches de cuir se trouvent à ses côtés, débordant de viande séchée.

Sebastian assiste la malheureuse grâce à ses talents de médecin. Sophia lui donne un morceau de tissu qu’elle mord avec rage à chaque nouvelle contraction. Puis agile comme un chat, elle grimpe à l’arbre pour décrocher le cadavre. L’homme est mort depuis plusieurs jours.

Adhémar murmure des choses incompréhensibles, comme s’il s’adressait à des interlocuteurs invisibles. Il touche la sacoche et use de son pouvoir de psychométrie.

Cette dernière appartenait à un certain Kadhain, le prévôt de Castelnaudary, un homme habité par un sentiment de justice. Puis il touche ensuite les vêtements de la pauvre femme en plein travail. C’est une demoiselle de petite vertu, une ribaude du nom d’Isnara, récemment accusée d’être une sorcière.

Adhémar laisse ensuite aller ses doigts sur les vêtements du cadavre. Ils appartenait à Brénon, un bon homme, qui a vécu une vie de cathare honnête, qui travaillait dur dans les champs. Un jour, il est tombé fou amoureux d’Isnara. La catin tomba enceinte. Puis elle fut un beau jour accusée de sorcellerie. Et du fait qu’il soit albigeois, les villageois ont étendu leur ire jusqu’à lui. Ils ont été pourchassés et condamnés lors d’une ordalie. Finalement, l’homme a été tué ici et la femme abandonnée à son destin.

Un cri résonne dans la nuit, interrompant les visions du Malkavian.

L’enfant est né. C’est un petit garçon qui se tient dans les bras de Sebastian, emmailloté dans le manteau d’Adhémar. La femme ne survivra pas à cet accouchement. Le médecin prie en latin à ses côtés et lui administre l’extrême onction.

Esclarmonde glisse à Sebastian qu’elle voit en cette naissance comme un signe d’espoir, et qu’il faudrait trouvé un nom au nouveau venu.

Sebastian baptise le bébé sous l’eau qui tombe du ciel, et lui donne le prénom occitan de Silvan.

Au dernier mot de sa prière, les vampires remarquent qu’ils ne sont pas les seuls monstres dans l’obscurité.

Des yeux lupins s’avancent vers eux.

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