Campaign of the Month: December 2021

Le Sang versé d'Occitanie

La Charge
Vda :: Introduction (Récit 1.3), juillet 1209

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Béziers, 21 juillet 1209.

La caravane des Croisés s’étendait sur des centaines de mètres, et les hommes menés par Arnaud Amaury avaient commencé à s’atteler à la construction de défenses, en prévision du siège. S’il fallait prendre la ville de Béziers, il fallait aussi savoir s’en défendre. Monté sur son destrier, le baron Simon de Montfort observait les remparts de la ville. Il couvait d’un feu doux mais bien présent, certain que tôt ou tard, ces murailles tomberaient et que leurs épées se repaitraient des âmes des hérétiques. Un festin sanglant, non pas pour Dieu – en Constantinople, Montfort s’en était complètement détourné – mais pour satisfaire sa haine et son ambition.

Son attention fut attiré par une rumeur. Sur le flanc Nord du campement des Croisés, des chevaliers bitterois venaient de tenter une sortie. Attirés par des tentes non protégées, ils venaient de charger avec leurs montures contre les rangs désorganisés de la Croisade. Bien que cela se passa à plus de cent mètres de là, le Baron de Montfort avait une vue parfaite sur l’idiotie des chevaliers de Béziers : leur charge avait causé du trouble dans les rangs des Croisés, mais la porte Saint Jacques restait ouverte, dans l’attente du retour des chevaliers téméraires. Il n’en fallait pas plus pour que la bande de mercenaires qui accompagnait la Croisade, en train de faire boire leurs chevaux sur les rives de l’Orb non loin, ne s’en saisisse.

Montfort hurlera le rassemblement. Un cor lui reprit son ordre et ses hommes bondirent sur les armes pour se joindre à cette curée désorganisée. Peu importait, pour le baron de Montfort, que l’Evêque de Béziers soit toujours en pourparlers avec le légat Amaury. Seul lui importait le feu et le sang. Et lorsqu’il finit par s’enfoncer dans une ville stupéfaite de voir la guerre entrer si vite en son sein, lui et ses hommes répandirent feu et sang partout où ils passaient.

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Le Chantier
Ars Magica :: Récit 2.3, Printemps 1204

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Contribution de Kapryss
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Printemps de l’An de Grâce 1204,
Comté de Foix – Seigneurie de Péreille

Chère maman,

Pardonnez-moi d’avoir tant tardé à vous écrire de nos nouvelles. Je n’en ai trouvé le temps tant nous avions à faire, nos journées ne furent de tout repos depuis ma dernière missive. Je vous avais alors narré notre arrivée à Péreille, souvenez-vous. Nous avions passé la nuit à l’auberge, forts de quelques renseignements au sujet du chantier de la tour et du fort.

Nous nous sommes levés dès les premières lueurs d’aurore afin de nous rendre jusqu’à notre objectif, tout en haut de la crête de Montségur. La voie étant fort escarpée, cela nous prit du temps bien plus que de raison, entourés d’autres ouvriers qui se rendaient aussi là-haut. Et ce chantier était effectivement fort haut ! La grande tour carrée juchée là sur la pierre dominait la vallée de toute sa hauteur, impressionnante déjà bien qu’inachevée. La crête servait de base aux fondations du fort, lui donnant une forme de losange. Je ne suis pas soldat, chère maman, mais il m’a alors semblé fort évident qu’une prise d’assaut du lieu ne serait pas chose aisée.

La température s’était faite plus fraîche à mesure que nous gravissions les marches jusqu’au chantier. Les ouvriers s’y affairaient déjà, sans doute certains d’entre eux étaient arrivés bien plus tôt. Mes compagnons et moi remarquâmes rapidement plusieurs points importants à relever. Gaubert réalisa d’abord le peu de bois présent. Si le petit bois était là en nombre, ça n’était pas le cas de bûches plus conséquentes, sans doute du fait d’un approvisionnement difficile. Jeanne nota quand à elle le danger que représentaient plusieurs zones du chantier mal sécurisées, fort risquées pour les travailleurs. Pour ma part, je m’indignais de l’utilisation d’animaux de bat pour tracter bois et pierres. Les pauvres bêtes étaient visiblement en souffrance, affamées, faibles…

Mais déjà, Gaubert hélait un ouvrier afin de s’enquérir de la présence du contremaître, un homme dénommé Basile. Nous rencontrâmes celui-ci aisément et nous proposèrent à diverses tâches. Il envoya sans hésiter Gaubert aux tâches physiques, que celui-ci accomplit évidemment sans aucun mal, rendant les pierres qu’il portait plus légères par magie. Bien vite il devint la coqueluche des ouvriers, cela ne m’étonna guère.
Basile sembla plus circonspect quand à notre utilité, à Jeanne et moi. Il nous envoya donc auprès d’un autre homme, le médecin du chantier, nommé Romain. Ce médecin se trouvait dans une tente située de l’autre côté du chantier. Lorsque nous entrâmes, il était occupé avec un blessé qui avait chuté sur des gravats glissants et s’était foulé la cheville. Le médecin ne manqua pas de douter lui aussi, de l’utilité de deux damoiselles sur un chantier… Nous parvînmes à le convaincre de nous tester, c’est ce qu’il fit : il nous demanda de nous occuper du blessé présent.
Voyant que Jeanne semblait hésitante, je décidais de l’aider, et par magie j’ôtais temporairement au malheureux toute sensation à cet endroit de son corps. Sa réaction fut surprenante, puisque bien loin de nous remercier, il prit peur. Quel malotru ! Au moins, cela eut le mérite que Romain accepte la présence de Jeanne pour l’assister dans sa tâche. Quand à moi, je me proposai d’aller soigner les bêtes.

Pauvres animaux, vous auriez vu cela maman… affamées, épuisées, elles me firent grand peine à voir. Je parvins à matérialiser assez de fourrage pour leur offrir un peu de réconfort, et au vu de leurs regards reconnaissants, je n’eus aucun regret à cet acte. Je savais bien que Basile le contre-maître m’observait alors, mais il ne pouvait me réprimander puisqu’il était en grande conversation avec un homme, visiblement noble au vu de ses atours et de sa prestance, qui avait fait le déplacement accompagné de sa femme et de sa fille.

Mes compagnons s’enquirent de l’identité du noble et apprirent qu’il s’agissait là de Raymond de Péreille. Sans hésiter, Jeanne alla à sa rencontre et avec force subtilité, parvint à lui faire comprendre que nous étions les envoyés de Grimgroth, le Mage de la Crête de Brume. L’attitude du seigneur changea, il parut gêné qu’une telle conversation se déroule en présence de vulgaires et notamment de Basile, qui ne comprenait visiblement pas la tournure de la discussion. Alors que j’allais pour me présenter également, tous nous entendîmes un cri aigu provenant de l’aplomb de la crête. Je m’y précipitai, juste à temps pour voir la fille du seigneur se retenir à grand peine au bord de la falaise, à quelques herbes sèches qui sans doute ne résisteraient pas longtemps. Ses pieds battaient le vide et je vis la peur dans son regard d’enfant.

Je ne pus prendre le temps de réfléchir à la discrétion qui convient aux Mages. La vie d’une fillette était en jeu, je me devais d’agir. Je créai donc au plus vite quelque solide liane afin de la retenir, le temps qu’un gaillard plus fort ne vienne la hisser sur la terre ferme. Il s’agissait de Basile, et il était furieux, m’accusant haut et fort de sorcellerie, d’avoir moi-même attenté à la vie de l’enfant, et tout un tas d’autres inepties qui se répandirent en rumeurs sur le campement comme une traînée de poudre.

La rumeur parvint aux oreilles de Gaubert qui s’était remis au travail. Il en abandonna sa tâche pour accourir auprès de nous au plus vite, pressentant un danger. Fort heureusement, le seigneur de Péreille crut mes paroles lorsque je lui expliquai ce qui s’était réellement passé. Sa fille, la petite Esclarmonde, me remercia même d’une révérence maladroite – j’appris plus tard qu’elle n’avait que trois ans ! – et touchante entre deux sanglots, avant de retourner se cacher dans les jupes de sa mère.
Raymond de Péreille quand à lui nous montra une immense gratitude, non seulement pour ce sauvetage, mais également pour notre aide sur le chantier. Il nous invita à venir loger dans son château plutôt qu’à l’auberge, le temps de nos travaux. Enfin, avant de se retirer, il incita Basile à nous laisser agir comme bon nous semblerait au regard de ce qu’il appela nos « compétences spéciales ».

Basile nous reçut donc tous les trois dans la tente du médecin, fichu dehors sans ménagement pour l’occasion. Il me demanda une énième fois de lui raconter ce que j’avais fait pour sauver l’enfant ne parvenant à me croire, alors je lui montrai : sous ses yeux, je fis pousser puis éclore une petite fleur, afin qu’il me croie et comprenne que ma Magie était bien inoffensive. Il n’eut guère le choix que d’y accorder crédit après cela, et même s’il se signa une bonne douzaine de fois, il sembla retrouver son calme. Il demanda à Jeanne ce qu’elle était capable de faire, et celle ci força le corps du contre-maître à effectuer quelques mouvements contre son gré. Avec le recul, chère maman, je pense que cela n’était pas la meilleure décision pour rassurer un vulgaire. Il se signa de nouveau plusieurs fois d’ailleurs. Fort heureusement, semblant retrouver sa prudence usuelle, Jeanne intima à Basile qu’il ne valait mieux pas demander à Gaubert de montrer sa magie. Le Mage du Flambeau en sembla presque déçu… moi, j’en fus bien soulagée !

S’ensuivit une discussion qui ressemblait fort à ce que j’imagine être un plan de bataille de chevaliers : chacun proposa d’apporter son aide à sa façon afin de terminer le chantier dans le court délai imparti. Gaubert se proposait de ramener davantage de bois d’œuvre, Jeanne quand à elle suggérait de soigner ainsi que de renforcer magiquement le corps des ouvriers – étant là son domaine de prédilection, nous n’eûmes nul doute qu’elle y excellerait. Ma proposition d’aller demander de l’aide aux animaux sauvages de la forêt rendit Basile extrêmement sceptique. Il me demanda comment il allait bien pouvoir payer un ours travailleur à la fin de sa journée… et ma foi, je n’en avais aucune idée.

Le soir venu, alors que tous les ouvriers avaient touché leur solde et redescendaient la crête pour la nuit, nous nous rendîmes au château du seigneur Raymond de Péreille. Il nous y accueillit chaleureusement, nous fit visiter sa demeure, un lieu modeste mais agréable. Avec courtoisie, il répondit à nos questions, nous expliquant les raisons du délai de construction si court : à l’hiver, au vu de la position du fort, les conditions de travail seraient impossibles. Les défenses devraient être achevées pour protéger les terres, à la fois des Cathares, mais aussi des nobliaux de Paris de retour de croisade. N’ayant pas réussi à atteindre Jérusalem, ils avaient par dépit pillé Constantinople, et lorgnaient à présent sur les terres des Pyrénées. Le Comte de Toulouse insistait grandement pour ces diverses raisons à ce que le délai soit tenu.
Ce soir là, nous nous reposâmes au château, et je fis davantage connaissance avec la douce petite Esclarmonde. Si Nïm est d’accord, je pense que je lui présenterai bientôt.

Le lendemain, nous nous mîmes en route avant même l’aube, afin de créer par magie du bois solide. Il ne serait pas éternel, mais nous l’avons marqué de peinture afin qu’il ne serve que pour des renforts de construction temporaires. Ils tiendront bien le coup jusqu’à l’hiver. Gaubert employa une technique bien à lui afin d’éviter les tire-au-flanc parmi les ouvriers : se ficher ouvertement de leur tête fut des plus efficaces !
Les loups de la forêt répondirent à mon appel, mais refusèrent de venir aider les hommes. Ils acceptèrent cependant de ne pas attaquer les animaux de bat, leur permettant de paître sur le chantier sans devoir chaque matin et soir emprunter le chemin escarpé vers la ferme.

Le chantier avance à présent si vite, chère maman, que nous avons bon espoir de le terminer à temps. Je vous écrirai à nouveau lorsque l’hiver viendra.

Astrid


Hiver de l’An de Grâce 1204,
Comté de Foix – Tour de la Crête de Brume

Chère maman,

L’hiver est là ! Vous savez à quel point j’aime la neige, je l’espère chaque jour à mon réveil. Virgile l’alchimiste pressent qu’elle arrivera bientôt, il prépare déjà un bon stock d’émulsions de plantes afin de nous prévaloir des engelures.

Je vous avais promis de vous raconter la suite du chantier de Péreille : de nombreuses semaines de travail ont passé, et nous sommes parvenus à construire les fondations et le mur d’enceinte dans les temps. Seuls les baraquements intérieurs sont inachevés, mais d’après le seigneur Raymond de Péreille, ce n’était pas une priorité.

Chaque soir, nous en retournions nous reposer dans le château du seigneur, avec qui nous avons petit à petit noué des liens solides. La petite Esclarmonde est si mignonne, vous l’auriez adorée, j’en suis certaine. Chaque fois que je lui montrais quelque magie, ou que je sortais Nïm, je pouvais voir ses jolis yeux briller de milles étoiles.

Précisément au jour du solstice d’hiver, Raymond de Péreille nous a invité à le rejoindre au premier étage de la tour sur la crête. Le jour baignait les lieux d’une superbe lumière dorée, les rayons de l’astre solaire traversaient l’unique fenêtre et éclairaient sur le mur d’en face une petite niche contenant un coffret qui semblait irradier, vibrer doucement au contact de la chaleur. Très exactement à midi, l’aspect du coffret changea au contact du soleil : il se mit à flamboyer, animé de magie. Le seigneur de Péreille se munit de gants afin de le saisir, et nous en fit cadeau :

« Je vous avais promis l’un des secrets de ce lieu. Ceci vous sera d’une bien meilleure utilité qu’à moi. »

Le coffre contenait une source de Vis d’Ignem. C’est un cadeau précieux, aussi nous avons gracieusement remercié le seigneur avant de nous en retourner chez nous. Le voyage du retour vers la tour de la Crête de Brume se fit sans encombre, mon cœur était gonflé de joie à l’idée de retrouver mon mentor Oculo, et Nïm était pressé de retrouver le confort de notre chambre.

Astrid

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Le Lac
Ars Magica :: Introduction (Récit 2.3), Printemps 1204

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Pyrénées ariègeoises, hiver 754.

La température était supportable à présent. Dans les grottes, elle variait peu, et ce petit air frais lui semblait une douce caresse comparée au froid glacial du dehors. Et encore ! Peut-être avait-il fait plus froid !

La route avait été longue, et ils avaient souffert de ces paysans frustes – des chiens d’infidèles ! – qui avaient entravé leur retraite par simple appât du gain. Ils partaient maintenant pour ne pas revenir. D’autres, dans quelques mois, ou dans quelques années, récupéreraient le trésor qu’ils cachaient aujourd’hui.

La route avait été longue et deux de ses hommes avaient été avalés par les noires ténèbres, mais Allah les avait guidés jusqu’à une cache exceptionelle dans les entrailles de la terre : une grotte si grande qu’elle aurait pu contenir une mosquée avec sa minarets ! Les coffres, les tonneaux, les tapis et les sacs, tout avait été déposé avec précaution, assez loin du petit lac. Puis ils étaient remontés et avaient traversé les salles supérieures pour retrouver le froid glacial du dehors.

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Le trésor était en sécurité. Ces chiens d’infidèles ne mettraient pas la main dessus et leur marche vers l’Espagne serait désormais plus rapide. Le Sultan ne pouvait qu’être satisfait.

Mais si Abd-al-Rahman s’était retourné en quittant la grande caverne, il aurait peut-être aperçu une faible lueur au fond du lac, ainsi que des dizaines de petits yeux brillants, qui regardaient s’éloigner sa troupe.

C’est en sortant de la grotte qu’ils rencontrèrent la Bête…

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Le Siège de Béziers
Vda :: Récit 1.2, avril 1208

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Contribution de Breloque
⇝ Introduction : L’Etincelle b__tincelle.png

Aux premiers jours d’Avril 1208, Pons, honnête commerçant biterrois, vient trouver Adhémar de Pierrefendre ce soir-là dans son châtelet aux portes de la ville. Le bon homme fait partie des nombreux habitants de Béziers qui ont épousé cette foi nouvelle qui voit la vie sur terre comme le purgatoire et le moyen de prouver sa vertu pour accéder après la mort au paradis.

Pons est porteur d’une invitation pour lui et ses deux amis, Sofia et Sebastian, pour passer un moment de prière cette nuit à l’église Sainte-Madeleine.

L’entrée de l’Eglise est déserte, la ville endormie. A l’intérieur cependant, les bancs sont pleins. La quasi-totalité des consuls cathares sont là, y compris les principales figures de la Curie Ecarlate. De nombreux commerçants, artisans et autres notables sont là aussi.

La coterie va s’asseoir au premier rang, où Pons leur a réservé des places.

L’évêque Alvaro lui-même monte à la chaire et salue l’assemblée. Il semble en forme, il vient de se nourrir. L’assemblée fait preuve d’une grande dévotion face au discours de l’ecclésiaste. Il brandit une étrange relique, un os posé sur un petit récipient, empreinte d’une aura de sainteté. La mine inquiète, Adhémar est absorbé dans la contemplation des statues de pierre. Un bruit étrange s’échappe de la relique : un murmure lointain, nommé par quelqu’un de l’assemblée « la parole de Pléroma ».

C’est au tour du père Mendo de prendre la parole. Son homélie explique que l’amour des enfants de Cain transitent par la flamme de Pléroma. Les damnés sont pareil à des dieux, capables de guider les bons hommes. Sebastian fronce les sourcils. Après tout, cela ne respecte guère la tradition vampirique du Silence du Sang.

Alvaro s’entaille le poignet et verse son sang dans un ciboire : c’est l’heure de l’eucharistie sanglante, où toute l’assemblée humaine participe. Les trois membres de la coterie assistent lentement à la transformation en goules de près de trois cent personnes. Adhémar aperçoit boire au ciboire Salian de Pierrefendre, le fils de son neveu, le baron.

Alvaro invite ensuite les membres de la coterie à marcher avec les autres dieu sur terre et à offrir leur vitae pour ce rite. Seul Adhémar répond positivement, se coupe la main et déverse sa vitae dans le calice. Les mortels ont un regard plein de félicité et de dévotion à l’égard du Malkavian.

Dans les annonces qui clôturent la messe, Alvaro évoque notamment la disparition d’un enfant de la Curie, un certain Sicare, puis demande à tous de garder un œil et de venir le voir si quiconque a des informations. Il conclut en appelant à la discrétion.

Après l’office, les vampires discutent avec Alvaro et confrontent leurs visions. L’évêque pense que les vampires doivent être des pasteurs, des guides pour l’humanité. Sebastian émet clairement son désaccord quant à la philosophie prônée par le Lasombra, qui le remercie néanmoins car il a aidé la cause cathare lors d’un procès survenu deux ans plus tôt. Sofia quant à elle masque poliment son dégoût vis-à-vis du crédo prôné par Alvaro.

21 Juillet 1209

Au sud-est de Béziers, une armée de croisés a dressé son camp. La ville se prépare au siège.

Le logis d’Adhémar étant à l’extérieur des murs de la ville, il est en première ligne pour les combats à venir. Fiacre, l’intendant d’Adhémar, organise la sécurisation d’une partie des ressources de son maître. Sofia récupère les affaires qu’elle gardait dans sa chambre du châtelet d’Adhémar pour s’installer en ville. La servante de Sebastian a fait clouer des planches sur les fenêtre de sa maison. Le Brujah rapatrie Maria et ses autres serviteurs à sa boutique. Conscient du danger installé au seuil de la cité, Sebastian a revêtu sa cotte de maille et son tabard.

Des serviteurs goules viennent trouver les membres de la coterie. La curie écarlate s’est réunie en urgence et ses alliés sont invités. Derrière une porte en bois d’un bâtiment qui ne paye pas de mine se trouvent une chapelle enténébrée, puis un grand salon décoré de tableaux dépeignant des scènes bibliques. Le lieu est à la fois fonctionnel et religieux. A l’étage, un petit salon est plein à craquer des principaux meneurs de la curie écarlate en train de discuter stratégie devant une carte de la ville. Le brouhaha s’interrompt à l’arrivée des vampires. Batiste vient à leur rencontre pour échanger sur la situation.

Deux légats papaux sont à la tête de la croisade : Amaury, abbé de Citeaux ainsi que Milo, secrétaire du pape en personne. L’évêque catholique de Béziers est parti à leur rencontre pour négocier et éviter le sac de la ville. Pour cela, il a constitué une liste de 122 hérétiques… dont les trois vampires font partie, bien entendu.

Sebastian est assez critique avec cette initiative. Selon lui, une liste ne ralentira pas l’armée. Ils sont venus pour récupérer des richesses, le pillage est inéluctable. Surtout que Béziers n’est qu’une étape et que d’autres villes tomberont certainement. Ils vont donc frapper fort.

Sofia est partie se nourrir sur un servant, puis revient en toute discrétion avec un nouveau visage. Elle se fait oublier de l’assistance et écoute les plans des notables de la curie.

Une ombre vient murmurer à l’oreille de Batiste. Alvaro souhaite voir les trois comparses. Sofia disparaît, invisible.

Batiste guide le groupe jusqu’au sous-sol pour aller voir Alvaro. Il se trouve à son cabinet de travail en train de compulser des lettres. Il semble en colère assis devant son petit laboratoire d’alchimiste, avec différents pupitres, des crânes et moult fioles.
Il se dit ravi de leur venue. Il a cherché à requérir de l’aide extérieure mais Esclarmonde lui a tourné le dos. De même pour Alexandre qui représente le pouvoir parisien. Il faut dire que ce sont les Ventrue qui sont à la tête de cette croisade, car ils sont historiquement très impliqués avec l’Eglise catholique de Rome.

Alvaro voit Sofia pour ce qu’elle est malgré son invisibilité et la questionne. Elle n’a cure de cette croisade, seule sa survie lui importe pour l’instant.

Alvaro a une proposition pour la coterie. Il pense que Béatrice de Foix pourrait être un allié. Il voudrait que les trois vampires endossent le rôle d’émissaires diplomatiques auprès d’Eon de l’Etoile, vraisemblablement le pouvoir vampirique à la tête de la croisade. Comme ils ne sont pas membres de la Curie (ou du moins pas de longue date), Alvaro pense qu’ils pourront le trouver pour tenter de trouver un accord : protéger des damnés, et dans une certaine mesure protéger des biterrois. Un changement d’allégeance de la ville de Béziers pourrait être un levier de négociation (passer de Toulouse à Paris, voir Rome). Mais Alvaro n’a pas tout dit : il semble vouloir gagner du temps, mais pour quoi faire ?

Adhémar accepte la proposition de Refuge dans le bâtiment de la curie. Mais son repos est troublé. Sa part d’humanité le réveille au moment où une ombre a tenté de prendre possession de son corps.

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L'Etincelle
Vda :: Introduction (Récit 1.2), Janvier 1208

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Saint Gilles, 15 janvier 1208.

Il avançait dans l’ombre des couloirs du Palais Comtal de Saint Gilles. Sa carrure ventripotente lui donnait un air bonhomme qui, il faut l’avouer, l’aidait à paraître inoffensif. Qui pourrait croire que le gros messire, joufflu, à l’air malade, était l’un des esprits les plus brillants du monde ? Qu’il était l’un des plus grands prédateurs que le Royaume de France pût compter ? Qu’il maîtrisait les arcanes les plus mystérieux de … Jervais fut tiré de ses rêveries par la scène qu’il découvrait, et rapidement, se mit en retrait. Devant lui, dans la salle de réception, le légat du Pape, Pierre de Castelnau, accusateur d’hérétique et maître ès bûcher dans la région, se trouvait avec sa délégation de religieux et ses hommes d’armes. Jervais comptait parmi cette délégation, aussi il ne fut pas surpris de les trouver ici. Par contre, aux côtés de celui que le légat venait rencontrer, aux côtés de Raimond de Toulouse, se tenaient… trois Mages de l’Ordre d’Hermès. Jervais plissa les yeux : aucun d’eux ne l’avait repéré, et heureusement : s’ils le découvraient, ils voudraient sans doute mettre fin à sa folie, lui anciennement Mage, devenu Damné et créature du diable.

Les discussions commencèrent entre Pierre de Castelnau et le Comte de Toulouse, accusé de passivité devant l’hérésie cathare. Jervais tenait là une occasion en or de mener son plan à bien. Il usa de Domination à l’égard du Comte, pour le forcer à insulter le légat. Les Mages réalisèrent bien vite qu’un pouvoir occulte était à l’œuvre, mais rien ne pourrait empêcher le Comte d’être blasphémateur, et bientôt condamné à mort. Pourtant, un acte incroyable changea à jamais le cours de l’Histoire de France, et jamais Jervais n’aurait imaginé qu’il en soit possible ainsi : frappé de folie (ou de magie ?), le légat sortit son épée de son fourreau et attaqua le Comte, sans avertissement. Jervais n’en croyait pas ses yeux devant l’aubaine de ce suicide involontaire.

La suite fut une débâcle pour la délégation comtale. Même si les Mages sauvèrent la vie de Raimond de Toulouse, le légat trouva la mort sous les coups des gardes du Comte, et ce crime allait attiser à jamais la colère du Pape Innocent III contre les cathares et les nobles qui les soutiennent. Pierre de Castelnau agonisant dans la salle de réception en feu, Jervais n’avait plus la nécessité de rester. Il prit la fuite dans les ombres du Palais, un immense sourire aux lèvres. Il venait d’assister à l’étincelle qui embraserait le sud de la France, et des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, de Mages et de Damnés trouveraient la mort dans les décennies à venir. Il ne lui restait plus qu’à retrouver celui qui l’aiderait à renverser l’Ordre d’Hermès, profitant de la haine et du chaos de la région.

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Sanctuaire
W20 :: Récit 1.15, avril 2020

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Contribution de Breloque
⇝ Introduction : Le Cauchemar b_cauchemar.png

24 Avril 2020

Ma fidèle camionnette roule sur le bitume abimé de la départementale en direction de la ville de Pamiers. Nous sommes de retour de Freychenet, après avoir rencontré cet hurluberlu de Koldo de la Sota, un vieux chamane Uktenah vivant reclus dans la campagne profonde qui a accepté de nous aider. L’esprit contenu dans le fétiche a été affecté par la mort tragique d’un de ses précédents propriétaires, devenu un spectre errant entre les mondes, incapable de trouver le repos éternel. Le seul moyen de purifier l’Os est de venir en aide à cette âme damnée. Le vieux loup en charentaises nous conseille de retrouver un certain Jérémy Leroy, un chansonnier qui connaît fort bien les contes et histoires de la région. Une simple affiche collée sur le mur d’un bar-tabac nous apprend qu’il donne un concert à la salle du Jeu du Mail à Pamiers.

Un flash lumineux m’éblouit, en même temps qu’un bruit d’explosion qui m’assourdit complètement. Je sens sur ma peau une intense chaleur. Un acouphène aigu laisse place au bruit de milliers de pas qui martèlent le sol. Je retrouve peu à peu la vue et je ne suis plus dans ma fourgonnette. Non, mon regard embrasse une armée de séides du Ver : des guerriers fomoires armés d’épée et haches, guidés par des Danseurs-de-la-Spirale-Noire. Leur cohorte s’avance vers notre bastion qui se dresse dans une forêt en flammes. A perte de vue, l’incendie embrase l’horizon. Je vois des chênes séculaires partirent en fumée et une rage primale pulse en moi. Notre fortin tient les flammes à distance grâce à un bien étrange rempart, fait d’eau et de bois de cerf. Le combat est imminent. Nous ne pouvons pas perdre, car c’est bien le cœur de notre Cairn que nous défendons pour cette ultime bataille. Un cri de guerre retentit.

Nouveau flash lumineux. J’ai encore le cri de guerre coincé dans la gorge quand je pile pour éviter la sortie de route dans un crissement de pneus strident. La Mord-Dorée hurle à la mort. Le véhicule part en tête à queue et la carlingue finit sa course dans la rambarde de sécurité. Nous voilà à l’arrêt sur l’accotement. Plus de peur que de mal. Au regard de mes compagnons, je sais que nous venons de partager ensemble cette nouvelle vision survenue sans crier gare. Un message de Chouette, sans équivoque. Audric est aux aguets, regarde derrière nous, mais nous sommes bien seuls sur la route. Nous gardons le silence, le temps de prendre la mesure de l’augure dont on nous a fait don. J’écrase la pédale de l’accélérateur et nous filons sur les chapeaux de roue. Le temps presse.

En tant qu’ancien participant de l’Académie de la Nouvelle Star, le jeune chanteur a toujours une petite notoriété locale, ce qui explique qu’une vingtaine de fans sont arrivés en avance devant le bâtiment blanc aux fenêtre rondes. Je vais acheter des places de concert pendant qu’Audric et Yseult se joignent à la file d’attente. Un petit groupe de jeunes filles leur en apprend plus sur leur idole : Jérémy Leroy est quelqu’un d’assez secret, qui aime partir seul dans la montagne pour composer ses prochaines chansons. Un employé municipal m’annonce que Jérémy devrait arriver d’ici une heure. Nous prenons notre mal en patience pendant que la queue se remplit peu à peu.

Une voiture aux vitres teintées fini par arriver mais ne s’arrête pas et file à l’arrière du bâtiment. Nous décidons d’une nouvelle approche et j’alpague un membre du staff du concert. Nous nous faisons passer pour les organisateurs du prochain « Festival des Loups » à la Bastide de Sérou, un nouvel évènement qui réunira l’année prochaine plusieurs groupes et artistes de la région. Nous souhaiterions bien sûr proposer à Jérémy d’y participer… Le manager accepte finalement que nous nous présentions à l’artiste, mais ne nous accorde pas plus de trente secondes. Sous le regard jaloux des fans, nous nous rendons dans la salle de concert jusqu’à sa loge.

Jérémy a les traits d’un bel éphèbe aux traits juvéniles, vêtu d’un pull en laine gris aux manches trop longues. Assis dans un fauteuil confortable, il semble perdu dans ses pensées en contemplant son reflet dans un miroir. Nous abandonnons rapidement notre subterfuge pour lui parler frontalement de Koldo de la Sota et de Jacques le Siffleur… car tout nous laisse penser que c’est bien à un changelin que nous avons affaire. Ce qui n’est pas pour déplaire à notre jeune Fianna, toujours enthousiaste quand il s’agit de rencontrer des membres du peuple caché. Pour lui résumer notre histoire, la Mord-Dorée se propose de lui chanter une chanson. Audric préfère se retirer dans un coin de la pièce et observe le Fée d’un peu plus loin. Accompagnée de son violoncelle, la bardesse livre son histoire en vers et en mélodie. Mais il reste quelques chapitres à écrire à ce récit.

Jérémy dit connaître le drame dont la Mord-Dorée a fait mention. On peut encore trouver sur la commune d’Urau les restes calcinés d’un hameau. C’est là-bas que Maria Cougny a perdu la vie, ainsi que ses enfants dans un tragique incendie. La jalousie et l’appât du gain a attisé la folie des hommes, comme on souffle sur des braises.

L’agent de Jérémy tape une nouvelle fois à la porte. Nous promettons au changelin de le tenir informé de la fin de cette histoire, et nous quittons les lieux sous le regard courroucé de son manager.

Audric récupère le billet de concert de la Mord-Dorée en échange de la promesse qu’elle aura le droit de chanter en route. Il donne nos billets à des jeunes dans la file d’attente, et je m’émerveille de ce petit geste simple et altruiste qui rend notre alpha si attachant. En sortant de la salle du Jeu du Mail, un petit groupe de trois jeunes garçons en sweat-shirt à capuche et baskets blanches à gourmettes sont en train d’importuner un groupe de jeunes filles. Audric ne peut pas s’empêcher d’aller s’interposer. Sa carrure suffit à impressionner deux des garçons qui tournent les talons. Le troisième reste, mais il suffit d’une phrase d’Audric pour effrayer Igor… Mais je connais ces gaillards ! Ah, les lascars du centre de réinsertion de ma nièce à Foix sont de sortie. J’en profite pour me montrer à eux et les sermonner gentiment. Mouloud, Jean-Eudes et Igor n’ont pas eu une enfance facile. Ils sont un peu lourds mais ont un bon fond. Je leur laisse un peu d’argent de poche avec la promesse qu’ils ne feront pas de grabuge.

Fini de niaiser. La camionnette file dans la soirée en direction de la commune d’Urau. Sur une proposition de la Mord-Dorée, nous appelons Calixte sur la route pour lui faire part de notre vision et qu’il prévienne Lame de l’Aube pour qu’elle soit sur ses gardes.

Une fois le véhicule garé dans le lieu-dit indiqué par Jérémy, nous empruntons un chemin qui longe le Corbeau, un petit ruisseau. Nos pas nous mène dans une morne forêt où les dernières lueurs du jour peinent à traverser les frondaisons racornies. Nous revêtons nos formes de loups pour progresser plus facilement. L’obscurité finit par nous envelopper alors que la forêt est de plus en plus torturée. Le sol et l’écorce des arbres sont recouverts d’un lichen noir aux nuances purpurines.

La Mord-Dorée est la première à ressentir ce sentiment qui nous étreint tous les trois : une angoisse, mêlée de curiosité et d’urgence. Le hululement d’une chouette se fait entendre dans le bois éteint de cette nuit épaisse. Je ressens une force intangible entre l’Os que je transporte et la forêt, comme une attraction. Dans un vallon, le spectacle de ruines calcinées s’offre à nos yeux. C’était jadis un lieu prospère, aujourd’hui abandonné. Les restes des bâtiments sont recouverts de mauvaises herbes, comme si la forêt était venue déposer un linceul sylvestre. Le bruit du vent vient troubler le silence nocturne. Nos pattes s’enfoncent dans un sol humide.

Un cri résonne au loin… puis de plus en plus proche. Le hurlement de douleur d’une femme, qui se rompt en sanglots et en pleurs. Une chaleur soudaine irradie autour de nous, mais je n’en vois pas la source. Nous reprenons forme humaine.

« Nous venons en paix, Maria. » annonce la Mord-Dorée d’une voix rassurante.

Le vent semble bondir d’arbre en arbre.

« Nous portons ton leg, âme en peine. » dis-je à mon tour.

Et un mur de feu surgit devant et autour de nous, nous encerclant complètement. A travers les flammes nous distinguons les bâtiments du hameau en proie à l’incendie, une image du passé en surimpression. L’instinct d’Audric prend le dessus alors qu’il cède à la frénésie, traverse les flammes d’un bond et court jusqu’à l’orée de la forêt. La chaleur est forte mais pourtant l’herbe ne brûle pas. Une silhouette spectrale s’élève des ruines lentement, comme un film passé au ralenti. Elle est enveloppée d’une tunique de flammes bleues éthérées qui se consume à l’infini. Elle s’approche de nous comme dans un cauchemar. Sous sa capuche, rien que les abysses. Un vent surnaturel fouette nos visages. Nous ressentons tour à tour l’ardente fureur du brasier et le froid mortel de la bise. Le revenant pointe vers nous ses membres décharnés et s’adresse à la Mord-Dorée et moi d’une voix d’outre-tombe, roc contre roc :

« Donnez. Moi. L’Os. »

Ma comparse garde sa contenance et tente de convaincre le spectre de Maria de ne pas abimer la relique, car nous en avons grand besoin. Vient-elle d’utiliser une de ses astuces de Raggabash pour tenter de la convaincre ? Je propose pour ma part de lui donner une sépulture décente à elle et ses enfants. Peu concluant, j’en ai peur. Les flammes s’intensifient, la créature demeure silencieuse, la main griffue toujours tendue vers nous. Le temps reste un instant suspendu. Nous avons tant peiné à retrouver ce fétiche. Et il est si précieux pour nous et pour notre Sept que l’idée de s’en séparer si facilement me semble incongrue. Et pourtant… pourtant tout concorde. L’heure n’est plus aux hésitations.

Je pose le fétiche dans la main noire du spectre, adressant une prière silencieuse à Gaïa.

Je perçois Audric qui veille sur la scène sous sa forme de loup blanc, caché derrière un arbre. Le vent gagne en force. Comme par magie, l’os disparait de la main du spectre, qui pousse un hurlement qui nous vrille les tympans. C’est un cri de libération, de soulagement. Les flammes bleues qui la consument deviennent plus lumineuses. Un flash nous éblouit un instant.

Le vent a cessé. Nous recouvrons la vue et le cercle de flamme a disparu. Et nous découvrons Maria sous une nouvelle forme. Le spectre décharné piégé dans une souffrance infinie a laissé place au fantôme éthéré d’une femme aux traits délicats et… apaisés. Ses longs cheveux ondulent vers le ciel nocturne, sa tunique immaculée flotte comme suspendue dans un fluide invisible. J’ai le sentiment d’avoir un esprit de l’umbra en face de moi.

Elle dépose dans la main de la Mord-Dorée le fétiche, intact. Puis elle nous regarde avec compassion.

« Il est temps de rentrer les enfants. » dit-elle avec douceur.

Mais ce n’est pas vraiment à nous qu’elle s’adresse ainsi. Sa voix pleine d’amour est comme la caresse du soleil. Elle fait un pas en avant et sa silhouette évanescente s’évapore pour toujours dans la nuit.

La Mord-Dorée se transforme en louve et laisse parler ses sentiments dans un long hurlement. Elle hurle à la lune une plainte funèbre, un requiem à une mère en deuil. Audric et moi nous joignons à elle.

Nous fouillons les décombres mais ne trouvons rien, aucune trace des victimes. Dans la forêt, sur le chemin du retour, nous recevons un message de Porte-le-Sang sur mon téléphone portable :

Le Sept de la Gloire du Soleil envoie du monde pour revendiquer le fétiche. S’il faut l’utiliser, c’est le moment, on va le perdre ensuite.

L’os étant désormais purifié, le message de notre cheffe nous décide à nous harmoniser au fétiche sans plus tarder. Assis dans le sous-bois, nous touchons tous les trois la précieuse relique. Je sens les runes gravées jadis par les griffes de nos ancêtres garous sous la surface lisse de l‘antiquité. Les yeux fermés, nous ressentons une présence troublante, très ancienne et résolument différente. C’est bel et bien un puissant esprit de Cerf-Géant qui habite l’os de mégalocéros. Il nous apparaît comme un colosse venu d’un âge où ceux de son espèce arpentaient encore l’umbra. C’est un puits de force et de puissance qui m’apparaît sans fond, sans limite. Que de tels objets puissent seulement exister me rappelle à quel point la force des garous a pu décliner à travers les siècles. L’harmonisation avec l’esprit est une expérience singulière, qui nous permet d’en comprendre le fonctionnement. Forts de cette sapience nouvelle, nous retournons à quatre pattes et en vitesse jusqu’à la camionnette. Il nous faut retourner jusqu’à notre caern, c’est bien là-bas que nous devons utiliser le pouvoir du fétiche.

Une fois de plus, la camionnette floquée du logo de ma brocante « Le Baluchon d’Octave », traverse la nuit aussi vite que possible. Le retour jusqu’à notre Sept à la Bastide-de-Sérou se fait sans mauvaise rencontre. Nous évitons de passer par les lieux communs pour nous concentrer sur notre objectif.

Sur une belle idée de la Mord-Dorée, nous souhaitons déclencher le pouvoir du fétiche depuis un lieu symbolique. Elle propose celui où Trancred Sagesse-du-Faucon a perdu la vie. Le père d’Audric était le chef de notre Sept, mais surtout de la meute de l’Aube Nouvelle dans laquelle mes deux amis se trouvaient avant. Il a péri en défendant notre Sept, le cœur arraché par Hurgh, l’alpha d’une meute de Danseurs de la Spirale Noire. Mais lorsque nous approchons de la clairière de l’Assemblée, nous remarquons qu’elle est loin d’être vide. Calixte, Porte-le-Sang et Jonas Lune d’Océan sont tous les trois en plein conciliabule avec une délégation de garous inconnus… du Sept de la Gloire du Soleil si on en croit le message reçu précédemment. La Mord-Dorée qui jamais n’a froid aux yeux se sent le courage d’aller à leur rencontre pour les baratiner. Mais Audric refuse de prendre un tel risque et décide que nous abandonnions cette idée. Même si je ne doute pas des talents d’Yseult dès que cela concerne son verbe ou sa hache, je pense qu’Audric a fait ici le choix le plus raisonnable.

Nous courons donc jusqu’au cœur de notre caern. Ce faisant, nous croisons Lame-de-l’Aube et deux autres gardiens qui patrouillent, sur le qui-vive. Elle comprend que nous ne devons pas perdre de temps et nous laisse aller avec un signe de tête.

Le site est toujours aussi calme, accueillant et propice à la communion avec Gaïa. La Mord-Dorée désigne l’endroit dans lequel nous nous asseyons en tailleur. Je remarque qu’un gros galet bien rond est posé là, avec trois runes indiquant un auspice, une tribu et une race. Gaillard, Marcheur-sur-Verre, Lupus.

« C’est là que mon amie est morte. » me dit la Mord-Dorée en voyant mon air intrigué.

Je me souviens d’elle. Anne Explore-La-Machine a péri le même jour que Tancred. Encore une gardienne de Gaïa tombée sous les coups des serviteurs du Ver. Et nous allons honorer son sacrifice aujourd’hui. Audric se fend d’ailleurs d’un discours inspiré en se remémorant ces heures sombres, qui sont l’exorde de la geste de la meute du Harfang. Notre histoire.

Je sors mon fidèle bodhrán et commence à tambouriner lentement et doucement la membrane en peau de bouquetin. C’est sûrement le rite le plus important de ma vie, et je compte me montrer digne de l’honneur qui m’est fait de pouvoir le mener. C’est un rituel de purification, tel qu’il m’a été enseigné chez les Enfants-de-Gaïa, mais la nature si particulière du fétiche implique quelques ajouts. Je me concentre sur le rythme, alors que la Mord-Dorée psalmodie. Nous n’échangeons plus que par le lien mystique qui nous unit désormais tous les trois, ce don offert par Chouette. Cela nous permet d’exécuter la cérémonie d’une manière parfaitement fluide et organique, sans friction d’aucune sorte. Nous agissons comme une seule et même entité. Autour de nous, la température augmente de quelques degrés.

Audric a transformé ses mains en griffes et creuse un trou au rythme du bodhrán. La terre extraite est délicatement déposée pour former la rune de Gaïa. Une fois le trou assez profond, la Mord-Dorée y dépose avec grand soin l’os de mégalocéros. Les battements accélèrent. Le rituel entre dans une nouvelle phase alors que nous continuons les gestes coutumiers.

Don.

Au rythme de mon instrument, le sol pulse sous nos pieds.

Don. Don.

Les vibrations s’intensifient. Là où nous avons planté l’os, le sol se fissure.

Don. Don. Don.

Un petit bourgeon en émerge. Et à chaque nouvelle pulsation, la plante grandit. Je frappe mon tambourin, et c’est un arbrisseau qui se dresse devant nous.

Don.

Le rite est terminé. La graine plantée.

Le pouvoir du fétiche s’active. Un craquement assourdissant retentit et l’arbrisseau devient un arbre. Nous reculons rapidement devant le phénomène. L’arbre ne cesse de grandir pour devenir plus majestueux que le plus vieux des chênes de notre forêt. Son écorce ancienne est comme sculptée d’une trame qui laisse voir des entrelacs de bois de cerfs. Sur le tronc, une liane épaisse se termine en une magnifique fleur close géante qui m’évoque celle d’un lotus. Sa couleur est à couper le souffle, un dégradé d’un bleu moiré à un blanc nacré. Au moment où celle-ci s’ouvre, un vent printanier venu de l’umbra s’en échappe et une émotion de liesse pure envahit nos cœurs. C’est le souffle de Gaïa. De la mousse verdoyante pousse autour de nous sur les rochers et les troncs. Une myriade de fleurs aux couleurs pastels éclosent autour de nous. Je vois même des champignons pousser entre les racines des arbres.

Le vent se propage sur plusieurs centaines de kilomètres, jusqu’aux portes de Toulouse. Et partout où ce vent a soufflé, les garous ont ressenti la bénédiction du rite, tandis que les serviteurs du Ver sont chassés de ces territoires, incapables d’y demeurer plus longtemps.

L’épicentre se trouve donc au cœur même de notre caern qui a grandement gagné en puissance, désormais plus proche de l’umbra et attirant de nombreux esprits. La clairière de l’Arbre est décrite par les Théurges comme un lieu où la forêt primale est similaire à la Gaïa d’antan.

Lorsque la fleur s’est ouverte, elle a laissé tomber le fétiche au sol. Ce dernier est désormais en sommeil, son pouvoir éteint pour plus d’un millénaire.

Poing-de-Soleil, l’arrogant Croc d’Argent à la tête de la délégation du Sept de la Gloire du Soleil ne repartira pas les mains vides, car Porte-le-Sang a accepté de lui céder l’os pour que ses Théurges l’analyse. Je doute que nous ne le revoyions jamais cependant.

Ainsi fût érigé dans le sud de la France le tout premier Sanctuaire du Sauvage des guerres de l’Apocalypse par la meute du Harfang.

Hélas, l’histoire ne s’arrête pas là… Cette petite victoire n’est qu’une escarmouche comparée à l’orage de la guerre qui gronde au-dessus de nos têtes.

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Le Cauchemar
W20 :: Introduction (Récit 1.15), 24 avril 2020

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Le loup s’arrêta soudainement. Le mois d’avril se terminait et les bourgeons fleurissait déjà sur les arbres, mais ce n’était pas cette odeur florale qui attira son attention. Son museau huma l’air devant lui, et l’odeur acre, sèche et dure qu’il sentait était celle d’un incendie. Si tôt dans la saison ? Curieux et craintif à la fois, il s’élança vers les fumées qui passaient en volutes entre les arbres.

Son pas se fit plus lent à mesure qu’il approchait. Devant lui, le spectacle d’une désolation : tout autour, le bois était noir, calciné, et ça et là, des foyers d’incendie continuaient de projeter flammes et braises sur les ruines brûlés des habitations qui bordaient la forêt. Ses yeux perçants reconnurent les restes d’esprits morts ici, figés à jamais parmi les cendres qui les avaient piégés.

Il secoua la tête et regarda au loin. Seul le Caern avait été épargné par le feu. De là où il tenait, il voyait l’armée de monstres de lupins déformés par la haine qui tentait de franchir les limites du Caern. Seules la vaillance de ses frères et sœurs, et un mur umbral forgé d’os et de bois géants de cervidés empêchaient les forces corrompues du Ver de s’emparer du cœur du Caern. Au-dessus des défenseurs de Gaïa, noyée dans les fumées noires, une chouette voletait. Son hululement sinistre était annonciateur de mort et de désolation. Le loup se réveilla.

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La Tour
Ars Magica :: Récit 2.2, Printemps 1204

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Contribution de Yakurou
⇝ Introduction : L’Armée b_arm_e.png

Printemps 1204, Comté de Foix.

Dans son sanctuaire, juste en dessous de la salle du conseil, Grimgroth se tenait debout, face à la fenêtre. Devant lui se dressait la chaîne de montagnes des Pyrénées, qu’il observait avec cette froideur qui le caractérisait, complètement détaché du spectacle qui se tenait devant lui. Après un soupir, il retourna à son bureau, où il s’assit, posant la missive qu’il tenait jusque là dans les mains. Il se demandait bien qui il pourrait envoyer.
Qui accepterait ? N’importe qui pouvait le faire, mais…

Ses pensées furent arrêtées, lorsqu’un corbeau vint se poser sur le rebord de sa fenêtre. Les deux êtres échangèrent un long regard, puis le corbeau se mit à croasser. Un nouveau soupir, et le Tremere se leva afin d’aller chasser l’oiseau. Une fois chose faite, il retourna s’asseoir.
Vulcris… sa présence était nécessaire à l’Alliance de la Crête de Brume, mais depuis que Grimgroth avait pris la place de Consuelia, leur relation n’avait fait qu’empirer. La vieille Ex-Miscellenea ne cachait pas son aversion pour le nouveau maître de l’Alliance, et ses volatiles étaient une source de nuisance incessante pour le Tremere.
Mais que pouvait-il y faire ? La cloîtrer, comme Clavius et Felix?

Ces deux mages étaient bien plus agréables à vivre, l’un cloitré dans ses souterrains en compagnie de ses rats, l’autre ayant fait voeu de mutisme, dont les seuls bruits étaient ceux de son “animal de compagnie”, une sorte de crapaud-chou-salade nommé Wartzle. Leurs recherches étaient intéressantes, et Grimgroth les suivait avec intérêt. Repousser la mort, et la réponse au secret du monde étaient deux sujets que le Tremere ambitieux pourrait utiliser à son compte.

Le dernier membre de l’Alliance n’était autre qu’Oculo, un mage… pour le moins bruyant. Extravagant. Qui ne cherchait rien d’autre dans la vie que la reconnaissance, que ce soit de ses pairs ou des vulgaires.

De nouveau, le corbeau vint se poser sur la fenêtre. Grimgroth le regarda d’un œil froid, mais son regard le traversa pour se poser sur une silhouette qui marchait d’un pas lent sur le chemin de la tour. S’il savait sourire, Grimgroth l’aurait sans doute fait. Mais peu de gens dans cette tour avaient déjà vu sa bouche se mouvoir dans ce sens.
Au fond de lui, il savait. Il avait trouvé.

Il reprit la missive qui lui était adressée, envoyée par un certain Raymon de Péreille.


Au pied de la tour, Astrid revenait, un sac de plantes sous le bras. Oculo, dans son immense bienveillance et dans un souci d’enseignement certain, lui avait demandé de concocter une recette qui rendrait la peau plus douce et belle. La jeune mage était alors partie au matin dans la forêt, et après avoir récupéré ses ingrédients, avait pris le chemin du retour. Avant même qu’elle ne frappe aux grandes portes de l’immense édifice, celui-ci s’ouvrit sur un vulgaire, un des servants de la tour.

“Bonjour ma Dame.

- Bonjour Jasper. Toujours à l’affût de mon arrivée je vois !

- C’est là mon rôle, ma dame."

Alors qu’Astrid entrait dans la tour, profitant de la fraîcheur propre aux bâtiments anciens possédant des murs épais, Jasper reprit la parole"

“Ma Dame, monsieur Grimgroth vous a fait demander…”

Astrid hocha la tête, et monta les escaliers de la tour au pas de course, ne s’arrêtant au sixième étage que pour déposer ses ingrédients, avant de rejoindre le maître de l’Alliance dans la salle du conseil. Alors qu’elle poussait les lourdes portes en bois massif, elle put constater que Gaubert et Jeanne étaient déjà à l’intérieur, assis sur de rustres bancs de bois, qui dénotaient avec la richesse des finitions de la pièce.

Grimgroth attendit que la mage se soit installée pour prendre la parole.

“Dans notre région se trouvent des hommes en colère, dirigés vers les peuples qui vivent proches de nous. Pour des raisons de croyances, certains pourrait porter la guerre jusqu’ici”

Il expliqua alors qu’un seigneur local s’est vu confier la tâche de bâtir une place forte, en haut d’un pic rocheux : la tour de Monségur, dans le but de protéger les Cathares des seigneurs et croyants qui leur voudraient du mal. Mais le temps étant compté, il demandait l’aide des mages de la Crête de Brume, en échange d’une source de Vis brute.

Habituellement, les Alliances essayaient de rester neutres dans ce genre de conflit, mais la position géographique de la tour de la Crête de Brume était délicate, et si la guerre venait à arriver jusqu’ici, la neutralité de l’Alliance serait compromise face à la nécessité de se défendre. Il fallait donc aller sur ce chantier, et aider, discrètement, à la rénovation de la tour.

Leur quête connue, les trois mages se préparèrent au voyage qui débuterait le lendemain, réunissant des vivres et des vêtements. Trouver une carte fut plus complexe : Astrid demanda à Oculo, le sachant possesseur de nombreuses cartes. Après avoir expliqué à grand renfort de gestes pleins d’emphase la difficulté d’obtenir ce morceau de papier indiquant le chemin jusqu’à leur destination, il consentit à lui en prêter une, la mettant au défi de créer la sienne au cours de son périple..

Après une bonne nuit de sommeil, c’est sous un ciel nuageux que le groupe de mages, en habits de travailleurs, se met en route vers Péreille. Au cours de la journée, ils firent la rencontre d’un groupe bien inhabituel : une quinzaine de voyageurs, tous en longues robes noires. Il ne fallut pas longtemps pour reconnaître là des disciples de Dominique de Guzman, un ordre monastique dont le rôle est d’enquêter sur la présence des Cathares.

Bien au fait de cette information, et au vu de leur objectif clairement opposé à celui de ces moines, le groupe décida de cacher son véritable but, se présentant comme des rétameurs ambulants cherchant travail et fortune au gré de la route, avant de reprendre le chemin.
Arrivés à destination, et devant le refus des gardes à les laisser rencontrer le seigneur des lieux, les mages décidèrent d’aller à la pêche aux informations chez une connaissance de Gaubert tout d’abord, puis à l’auberge de la ville ensuite. Ils y apprirent le nom du contremaître, ainsi que les différents problèmes que le chantier connaissait, à savoir un grand nombre de blessés, et des problèmes d’approvisionnement.

Ils passèrent la nuit à l’auberge, et firent le point au petit matin, mordant dans des fruits mûrs pour certaines, et dans une saucisse juteuse pour d’autres. Comment faire avancer le chantier tout en restant discrets ?

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L'Armée
Ars Magica :: Introduction (Récit 2.2), Printemps 1213

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Montségur, Printemps 1213

Le souffle chaud de son cheval produisait de la buée dans le froid matinal de ce printemps, mais sa respiration à lui n’émettait aucune chaleur. Comme si toute vie l’avait déjà quitté. Comme si son humanité même ne lui appartenait plus.

A Constantinople, il avait scellé son destin, il avait offert son âme au Diable, et maintenant qu’il marchait dans les Pyrénées, il comptait payer sa dette. Avec le sang des hérétiques, et Dieu savait qu’ils étaient nombreux en ces terres maudites.

Son armée arrivait au pied du massif, là où dominait le château que la légende disait imprenable : Montségur. D’en bas, la silhouette massif des hauts remparts formait un motif géométrique. Simon de Montfort savait que le lieu avait été fondé par des savants, des juifs et des mages. Mais ces motifs n’arrêteraient pas sa rage de sang. Rien ne saurait l’arrêter, ni les savants ni les mages.

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La Rencontre
Ars Magica :: Récit 2.1, Printemps 1204

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Contribution de Yakurou

⇝ Introduction :

Ses mains transies par le froid, serrées sur son bâton de marche, le voyageur avançait, le regard dans le vague.
A mi-chemin entre la peur et la joie.
Entre la colère et le doute.

Ses vêtements hauts en couleurs étaient bien ternes sous la lueur de la lune, alors qu’il fuyait ce qui avait été son foyer durant de nombreuses années.
Un foyer qui avait changé.
Un foyer qui brûlait.

Au loin, la douce lueur des flammes pouvait être remarquée par un observateur averti, et l’étrange animation qui remplissait la maisonnée des croix d’or en plein milieu de la nuit faisait comprendre qu’un événement inhabituel avait eu lieu.

L’incendie avait rapidement été maîtrisé, ne brûlant que quelques bâtiments, et les malheureux vulgaires qui vivaient dedans.

Mais c’est l’intention qui compte, non?


Après de longues journées, le décor avait changé. Fini les montagnes et les cols escarpés, bonjour plaines et forêts verdoyantes.
C’est dans l’une d’elles que le voyageur avait posé son bivouac, moment de repos qui fragmentait alors ce qui ressemblait maintenant plus à une errance qu’à une marche. Quelques branches ramassées, un feu de camp vite monté, dans une clairière où les rayons du soleil venaient illuminer la pitance de l’errant : trois navets et une pomme de terre.
Son cœur devint rouge. Aussi rouge que ses cheveux. La colère revint. Il n’avait jamais roulé sur l’or, mais le souvenir de ses voyages, des qualités de cuisinier de son maître lui revenait en mémoire.

Ce maître qu’il avait voulu protéger.
Ce maître qui l’avait abandonné.

Les yeux fixés dans le brasier grandissant, Gaubert se perdit dans ses pensées. La chaleur montait dans la clairière. L’herbes et les branches autour de lui commençaient à roussir.

Et puis, il ne fallut pas longtemps avant que de l’eau soit projetée, autant sur le foyer que sur le visage du jeune mage.

“Il ne faut pas brûler la forêt !”

Une toute jeune femme aux longues boucles brunes se tenait devant l’errant, les bras croisés, les sourcils froncés. Le mage mit de nombreuses secondes à comprendre qu’elle était la source de sa douche improvisée. Une bouffée de colère l’envahit, mais il était affamé, fatigué par sa trop longue fuite. Il y a des combats qui ne valaient pas la peine d’être menés.
Sans un mot, il se leva, pris ses maigres affaires, et repartit.
La jeune femme le regarda faire, perplexe.

Alors qu’il s’était éloigné, elle demanda :

“Qu’est ce que tu en penses, Nïm ?”

Un frisson, aussi léger qu’une brise, lui répondit dans le creux de sa nuque.

“Je suis bien d’accord avec toi.”

Astrid se tourna vers sa forêt, et après avoir salué les arbres présents, courut rejoindre l’homme.


Jeanne se réveilla en sursaut, se redressa sur sa couche.
Il lui fallut quelques secondes pour se remémorer où elle était, dévisageant les maigres décorations de sa chambre.

Ses visions étaient de plus en plus fréquentes. Et toujours sur les même sujet : ces deux mages, qui lui étaient pourtant si différents. Si futiles face à ses recherches, à son énigme. Elle se leva, enfila quelques couches de vêtements supplémentaires, et sortit dehors pour rejoindre le puits d’où elle tira de l’eau qu’elle but à petites gorgées.

Pourquoi ? Pourquoi ces deux mages revenaient-ils sans cesse dans son esprit ? Il fallait qu’elle sache, qu’elle comprenne. Une énigme en cachant une autre… Était-ce un message ? Une destinée ? Un signe d’un de ces dieux en qui les autres croient ?

Une énigme à résoudre. Mais pas dans sa demeure. La réponse était ailleurs.

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