Contribution de Kapryss |
15 Janvier de l’an de Grâce 1208 – Saint-Gilles
Cher Précepteur,
Il me faut vous relater en détails notre venue en terre de Saint-Gilles, nul doute que vous en tirerez autant de conclusions sombres que je le fis.
Vous ne le savez que trop bien : depuis 4 ans déjà que la guerre de Massassa fait rage, tant dans l’Ordre d’Hermès qu’au sein des bannis de la Maison Tremere, les pertes sont lourdes. Les maudits, où qu’ils soient, sont pourchassés et nous nous y employons de toutes nos forces. Mon père le Comte Raymond VI de Toulouse est fervent soutien de l’Ordre, mais sa foi en l’Eglise ternit peu à peu et son affinité grandissante pour le catharisme a récemment été portée aux oreilles du Pape Innocent III, qui l’a frappé d’hérésie. Ce fut la raison de notre départ de Toulouse il y a quelques jours, afin de rencontrer le légat du Pape à Saint-Gilles en la personne de Pierre de Castelnau, et de plaider la cause de mon père dans l’espoir que son excommunication soit levée.
Nous étions partis sous bonne escorte, accompagnés d’une poignée de soldats et servants, et à dire vrai, grand bien nous en fit, car le Légat de même avait rassemblé de nombreux soldats à notre accueil.
De notre côté, nous avions également quelques figures importantes, des hommes de confiance que je vous citerai ici : outre le Comte de Toulouse et moi-même, étaient présents Rostaing, connétable de Toulouse et mage de la noble Maison Tytalus, Eric de Bretagne, mon garde du corps et mage de la Maison du Flambeau, que vous connaissez bien, ainsi que Thibault de Beaucaire, champion dont le sang chaud point n’a faibli avec les années.
Nous entrâmes donc dans la salle de réception du Palais Comtal, où le Légat nous attendait, ainsi que l’Evêque de Couseran, Navarre. Tout deux portaient fièrement les atours de leur charge papale, signe de leur autorité spirituelle, à apporter la parole de Dieu sur les mortels.
Immédiatement, Eric de Bretagne m’intima son inquiétude quant à l’un des présents, qu’il pensa reconnaître. D’après lui, il s’agissait d’un mage Tremere dénommé Jervais. Comme je regrette à présent de ne l’avoir écouté… mon attention était alors portée sur mon père, tout comme, je l’appris ensuite, celle de Sire Rostaing. Notre intuition en effet nous dictait qu’une puissance anormale était à l’œuvre sur le Comte, et bien vite nous en eûmes la confirmation : car alors que le Légat semblait enclin à la discussion, la réponse de mon père fut acérée, piquante, d’une agressivité qui ne lui ressemblait nullement.
Bien vite, le Légat se départit de son calme face à l’irrespect du Comte. La situation dégénéra, et cela semblait sans issue, c’est pourquoi Sire Rostaing dut agir vite : à l’aide de sa magie, il implanta dans l’esprit du Légat la velléité d’attaquer le Sire de Beaucaire. Un acte désespéré en réponse à une situation qui semblait bien mal engagée…
Et le Légat attaqua, à la surprise de tous, y compris la mienne: de son fourreau il tira son épée et chargea notre champion, qui n’eut que le temps de riposter par réflexe. La réponse fut immédiate, les armes furent tirées, dans les deux camps.
Et ce fut la débâcle.
Le combat faisait rage, et au milieu de cela, je repérai Jervais, l’homme dont Eric m’avait signalé la présence à peine plus tôt. Seul dans un coin, il semblait murmurer des incantations, ou que sais-je encore. Je n’eus le temps de le savoir que déjà, il m’attaquait. Sa vélocité n’était point humaine, j’en déduisis qu’il s’agissait là d’un des maudits que traque notre Ordre. Sans l’intervention d’Eric, qui l’embrasa de sa puissance élémentaire, j’aurais sans doute été son infortunée victime. Il prit la fuite, empêché dans son sombre dessein par la souffrance et les flammes, et nous perdîmes sa trace.
Dès lors, au plus urgent nous parâmes : mon père devait être mis en sécurité. C’est à l’aide de mes facultés mentales que je pris le contrôle de son esprit, le dirigeant comme une marionnette hors de la mêlée. Il le fallait: Thibault de Beaucaire venait d’asséner un coup mortel au Légat, et les soldats ennemis se faisaient plus pressants. Sire Rostaing entreprit dans le même temps d’implanter dans l’esprit de l’Evêque Navarre le désir de stopper cet affrontement. La réussite de cette manœuvre ne fut que partielle, mais nous permit toutefois de battre en retraite hors des lieux.
Alors que nous fuyions sous les directives de Sire Rostaing et la protection d’Eric de Bretagne, le Comte repris progressivement ses esprits, mais n’avait plus nulle trace des évènements en sa mémoire. Nous ne retrouvâmes nulle part Jervais, le maudit.
Il me faudra venir vous trouver dès mon retour, mon Précepteur, car la présente situation m’inquiète grandement. J’ai appris, tôt ce jour, que le Légat avait finalement succombé à ses blessures, et j’ai l’intuition qu’il sera très peu de temps avant que les conséquences ne s’abattent.
Constance de Toulouse, de Jerbiton
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