Contribution de Yakurou |
⇝ Introduction :
Ses mains transies par le froid, serrées sur son bâton de marche, le voyageur avançait, le regard dans le vague.
A mi-chemin entre la peur et la joie.
Entre la colère et le doute.
Ses vêtements hauts en couleurs étaient bien ternes sous la lueur de la lune, alors qu’il fuyait ce qui avait été son foyer durant de nombreuses années.
Un foyer qui avait changé.
Un foyer qui brûlait.
Au loin, la douce lueur des flammes pouvait être remarquée par un observateur averti, et l’étrange animation qui remplissait la maisonnée des croix d’or en plein milieu de la nuit faisait comprendre qu’un événement inhabituel avait eu lieu.
L’incendie avait rapidement été maîtrisé, ne brûlant que quelques bâtiments, et les malheureux vulgaires qui vivaient dedans.
Mais c’est l’intention qui compte, non?
Après de longues journées, le décor avait changé. Fini les montagnes et les cols escarpés, bonjour plaines et forêts verdoyantes.
C’est dans l’une d’elles que le voyageur avait posé son bivouac, moment de repos qui fragmentait alors ce qui ressemblait maintenant plus à une errance qu’à une marche. Quelques branches ramassées, un feu de camp vite monté, dans une clairière où les rayons du soleil venaient illuminer la pitance de l’errant : trois navets et une pomme de terre.
Son cœur devint rouge. Aussi rouge que ses cheveux. La colère revint. Il n’avait jamais roulé sur l’or, mais le souvenir de ses voyages, des qualités de cuisinier de son maître lui revenait en mémoire.
Ce maître qu’il avait voulu protéger.
Ce maître qui l’avait abandonné.
Les yeux fixés dans le brasier grandissant, Gaubert se perdit dans ses pensées. La chaleur montait dans la clairière. L’herbes et les branches autour de lui commençaient à roussir.
Et puis, il ne fallut pas longtemps avant que de l’eau soit projetée, autant sur le foyer que sur le visage du jeune mage.
“Il ne faut pas brûler la forêt !”
Une toute jeune femme aux longues boucles brunes se tenait devant l’errant, les bras croisés, les sourcils froncés. Le mage mit de nombreuses secondes à comprendre qu’elle était la source de sa douche improvisée. Une bouffée de colère l’envahit, mais il était affamé, fatigué par sa trop longue fuite. Il y a des combats qui ne valaient pas la peine d’être menés.
Sans un mot, il se leva, pris ses maigres affaires, et repartit.
La jeune femme le regarda faire, perplexe.
Alors qu’il s’était éloigné, elle demanda :
“Qu’est ce que tu en penses, Nïm ?”
Un frisson, aussi léger qu’une brise, lui répondit dans le creux de sa nuque.
“Je suis bien d’accord avec toi.”
Astrid se tourna vers sa forêt, et après avoir salué les arbres présents, courut rejoindre l’homme.
Jeanne se réveilla en sursaut, se redressa sur sa couche.
Il lui fallut quelques secondes pour se remémorer où elle était, dévisageant les maigres décorations de sa chambre.
Ses visions étaient de plus en plus fréquentes. Et toujours sur les même sujet : ces deux mages, qui lui étaient pourtant si différents. Si futiles face à ses recherches, à son énigme. Elle se leva, enfila quelques couches de vêtements supplémentaires, et sortit dehors pour rejoindre le puits d’où elle tira de l’eau qu’elle but à petites gorgées.
Pourquoi ? Pourquoi ces deux mages revenaient-ils sans cesse dans son esprit ? Il fallait qu’elle sache, qu’elle comprenne. Une énigme en cachant une autre… Était-ce un message ? Une destinée ? Un signe d’un de ces dieux en qui les autres croient ?
Une énigme à résoudre. Mais pas dans sa demeure. La réponse était ailleurs.
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